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11/04/1996 | MAROC | N°A257

Maroc | Maroc, Cour suprême, 11 avril 1996, A257


Texte (pseudonymisé)
Arrêt nº257
Du 11 avril 1996
Dossier nº10368/94
Dahir du 26/09/1964 - Dahir du 2/03/1973 - Domaines respectifs - Application.
Le Dahir du 26/09/1963 est relatif au contrôle des transactions immobilières concernant des terrains agricoles ou à caractère agricole se trouvant hors du périmètre urbain, dont l'une des parties est une personne ou des personnes physiques ou morales marocaines.
Le Dahir du 02 mars 1973 est relatif au transfert des propriétés agricoles ou susceptible d'être agricoles qui sont dans la possession des personnes physiques étrangères ou des perso

nnes morales au profit de l'Etat.
Les deux Dahirs ne peuvent faire l'objet d...

Arrêt nº257
Du 11 avril 1996
Dossier nº10368/94
Dahir du 26/09/1964 - Dahir du 2/03/1973 - Domaines respectifs - Application.
Le Dahir du 26/09/1963 est relatif au contrôle des transactions immobilières concernant des terrains agricoles ou à caractère agricole se trouvant hors du périmètre urbain, dont l'une des parties est une personne ou des personnes physiques ou morales marocaines.
Le Dahir du 02 mars 1973 est relatif au transfert des propriétés agricoles ou susceptible d'être agricoles qui sont dans la possession des personnes physiques étrangères ou des personnes morales au profit de l'Etat.
Les deux Dahirs ne peuvent faire l'objet d'application conjointement dans le même contentieux.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour,
Après délibération conformément à la loi ;
Premièrement : En ce qui concerne l'argument d'irrecevabilité invoqué par les pourvus en cassation :
Attendu que les pourvus en cassation, MM. Af C et consorts invoquent l'irrecevabilité du pourvoi en cassation présenté par l'agent judiciaire du royaume , car ce dernier n'intervient pas dans les actions et il ne peut pas formuler de recours en sa qualité personnelle, puisque le Dahir du 02/03/1953 qui avait fixé ses attributions avait précisé qu'il ne peut intervenir qu'en sa qualité de mandataire de certaines parties énumérées par la loi à titre limitatif. De même que son pourvoi en cassation en sa qualité de mandataire de l'Etat marocain représenté en la personne de M. le premier ministre ne peut être recevable, d'autant que l'Etat marocain (Domaines privés) avait auparavant présenté en date du 20/04/1995 un recours en cassation à l'encontre du même arrêt rendu par la cour d'appel d'Oujda. Il faut par ailleurs rappeler que l'agent judiciaire du Royaume n'a pas la qualité requise pour représenter l'Etat marocain lorsqu'il s'agit de domaines publics et que la qualité est de l'ordre public, surtout que le fonctionnaire précité n'est pas partie initiale en cette action, mais est seulement partie intervenue ;
D'autre part, les actions qui s'inscrivent dans le cadre des articles 91 et 96 du Dahir du 12/08/1913 sont au vu de la loi des actions particulières contre le conservateur de la Propriété Foncière. Ainsi, sa citation en justice se fait à titre personnel et non pas en sa qualité de représentant d'une Administration Publique.
Enfin, le recours formulé au nom du conservateur ne comporte pas ce qui prouve le paiement des taxes judiciaires ;
Cependant, attendu qu'il résulte de la révision des dispositions de la requête du pourvoi en cassation que l'agent judiciaire du Royaume, auteur de ce recours, a indiqué sa qualité, et qu'il a introduit son recours en sa qualité de mandataire de l'Etat marocain en la personne de Monsieur le Premier Ministre. Cette indication suffit pour donner au recours l'aspect de la légitimité, puisque rien n'empêche le Premier Ministre qui représente l'Etat marocain de déléguer le pouvoir d'ester en justice et de le représenter devant la justice, tel le cas en cette affaire,- là où l'agent judiciaire a présenté la délégation émanant du Premier Ministre et qui lui confère le pouvoir de présenter la requête de cassation; Il résulte donc de dire que la mention de la délégation de l'agent judiciaire du Royaume même du conservateur de la propriété foncière est sans effet ;
Attendu que l'action a été principalement entamée contre le conservateur de la Propriété Foncière d'Oujda dans le cadre des articles 91 et 96 de la loi relative à la conservation foncière, dans le but de radier les inscriptions effectuées sur les titres fonciers sus-indiqués, mais que cette radiation tend dans la réalité à annuler l'arrêt interministériel en vertu duquel l'Etat a soulevé son attachement à la mutation de sa propriété des biens objet du litige, y compris les droits réels revenant aux pourvus en cassation dans le cadre du Dahir du 2 mars 1973 ;
Il s'agit là d'un arrêté administratif qui sort de la compétence de la juridiction ordinaire pour y statuer; L'Etat marocain est donc en droit de défendre ses droits et par voie de conséquence d'interjeter appel le jugement du premier ressort et de pourvoi en cassation l'arrêt d'appel ;
Attendu que les taxes judiciaires ont été perçues sur la requête en question de manière légale;
Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que les arguments relatifs à l'irrecevabilité du pourvoi en cassation formulé par l'Etat marocain en la personne du premier ministre représenté par l'agent judiciaire du Royaume, ne reposent sur aucun fondement; Il convient alors de les déclarer irrecevables;
En ce qui concerne le deuxième moyen invoqué :
Vu l'article 345 du Code de Procédure Civile;
Attendu que les arrêts rendus par la cour d'appel doivent être motivés et que l'erreur ou la contradiction dans la motivation valent défaut de celle-ci;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et de la teneur de l'arrêt pourvu en cassation rendu par la cour d'appel d'Oujda, le 12/10/1993, dans les dossiers joints portant nº1324/88, 1325/88 et 1326/88, qu'en date du 18/05/1987, M. Af C et consorts avaient présenté une requête par-devant le tribunal de première instance d'Oujda, dans laquelle ils exposent qu'ils avaient acquis avec M. Ag Ah B, en vertu d'un acte sous-seing privé fixé dûment légalisé en date du 27/02/1970, auprès de l'étranger, M. Ad Ac Aa Ae, une propriété agricole sise à la tribu Trifat, commune de Mdagh, annexe de Saïdia, objet du titre foncier nº132, qu'a la suite de la promulgation du Dahir du 02 mars 1973, la propriété de ce bien est transférée au profit de l'Etat en raison du fait qu'il appartenait à un étranger et étant donné qu'ils n'avaient pas inscrit leur acquisition aux registres fonciers, ils avaient ultérieurement présenté à la conservation foncière d'Oujda une demande tendant à inscrire leurs droits sur les titres fonciers n°4202, 8760, 8761, 5820 et 132, au sujet desquels la commission du contentieux a tranché en leur faveur et a ordonné de radier toute inscription contraire à ces droits, mais que le conservateur foncier a refusé de procéder à cette inscription en raison du fait que la propriété de ces titres fonciers est devenue au nom de l'Etat marocain "Domaines privés " depuis le 15 février 1977 à la suite de leur récupération conformément aux dispositions du Dahir du 02 mars 1973. Le 19/07/1988, le tribunal de première instance a répondu favorablement à la requête des demandeurs précités.
Après un appel interjeté par l'Etat marocain, Domaines privés, l'agent judiciaire au nom de l'Etat représenté en la personne du premier ministre et le groupe des héritiers Ag Ah, la cour d'appel a décidé le non groupement des dossiers et a confirmé le jugement interjeté d'appel sous le motif que le Dahir du 26/09/1963 invoqué est un droit public, alors que le Dahir du 02 mars 1973 et les arrêts ministériels et notamment la loi portant constitution de la commission composée de plusieurs ministres et du conservateur général est un droit privé qui concerne des terrains déterminés et des acquisitions ayant eu lieu au cours d'une période déterminée et qu'il convient pour ceci faire prévaloir le privé au détriment du public dans de pareilles affaires, d'autant plus que le Dahir du 02/03/1973 ne peut faire l'objet de recours en annulation, les arrêts réglementaires le concernant et que ce sont les étrangers qui ont le droit de prétendre à son annulation et non pas les marocains au profit desquels il a été promulgué.
Attendu, d'autre part, que les deux Dahirs chérifiens sus-indiqués ne sont pas liés par le rapport de public au privé parce qu'ils ne concernent pas le même objet. Le Dahir du 26/09/63 concerne le contrôle des opérations foncières réalisées sur les terrains agricoles ou a caractère agricole se trouvant hors du périmètre urbain, dont l'une des parties est une personne ou des personnes physiques ou morales non marocaines; Alors que le Dahir du 02 mars 1973 concerne la mutation de la propriété des biens immobiliers agricoles ou à caractère agricole appartenant à des personnes physiques étrangères ou à des personnes morales, au profit de l'Etat. Pour ce, il n'y a pas lieu de faire une comparaison entre les deux Dahirs dans le cadre du litige exposé par-devant le tribunal; Celui-ci au lieu d'opter pour une telle démarche aurait dû justifier sa décision pour écarter l'application des dispositions du Dahir du 26/09/1963 invoqué par l'Etat marocain et notamment celles concernant l'obligation d'obtenir l'autorisation administrative prévue par l'article premier du Dahir sus-indiqué ;
D'autre part, même si on suppose que le Dahir du 02 mars 1973 est à appliquer en cette affaire, il est établi aux juges du fond qu'un arrêté interministériel a été rendu au sujet de la mutation de la propriété des biens immobiliers litigieux à l'Etat marocain dans le cadre du Dahir du 02 mars 1973 et que cette mutation a eu effectivement lieu grâce à l'inscription de l'Etat en tant que propriétaire, par le conservateur de la propriété foncière, sur les titres fonciers précités.
Pour ce, les concernés et en particulier les pourvu en cassation auraient dû faire leurs recours contre l'arrêté interministériel pour établir que les terrains en question ne sont pas soumis aux dispositions du Dahir sus-mentionné. Leur recours dans ce cadre ne portera pas sur le Dahir chérifien sus-indiqué, mais sur les arrêtés rendus à son sujet. Un tel recours a été également prévu au profit des marocains qui ont eu des transactions relatives à ces biens immobiliers et non pas au profit uniquement des étrangers comme le tribunal l'a remarqué par erreur.
Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède que les juges de la cour d'appel ont fait une confusion entre les Dahir du 26/09/1963 et du 02/03/1973, et ont fait de fausses comparaisons qui ne reposent sur aucun fondement. Leur décision est de ce fait entachée d'erreur dans la motivation, laquelle erreur de motivation vaut défaut de celle-ci et rend cette décision passible de cassation.
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême casse l'arrêt objet du recours, et renvoie l'affaire par-devant la Cour d'Appel de Fès pour y statuer à nouveau conformément à la loi et condamne aux dépens les pourvus en cassation.
Ainsi rendu l'arrêt et prononcé en l'audience publique tenue à la date sus-indiquée, en la salle ordinaire des audiences de la Cour Suprême de Rabat, par la Cour composée de :
F M. Mohamed MONTASSIR DAOUDI, Président de la Chambre Administrative,
F M. Mustapha MouDARAA, Mohamed BOURAMDANE, Ahmed DINIA et Hassan EL OURIAGHLI, conseillers,
F en présence de M. Abdelhamid LAHRICHI, avocat général
F et avec l'assistance de M. Ab A, secrétaire greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : A257
Date de la décision : 11/04/1996
Chambre administrative

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1996-04-11;a257 ?
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