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29/02/1996 | MAROC | N°A148

Maroc | Maroc, Cour suprême, 29 février 1996, A148


Texte (pseudonymisé)
Arrêt nº148
Du 29 février 1996
Dossier nº1/5/1/95
Conservateur de la Propriété Foncière - Faute grave - Responsabilité .
Le Conservateur de la Propriété Foncière qui avait établi un titre foncier d'une superficie portant un titre foncier aurait de ce fait commis une faute grave, car on ne peut affecter deux titres fonciers à une seule propriété.
La responsabilité du conservateur dans ce cas demeure établie sur la base de l'article 80 du Code des Obligations et Contrats.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour,
Après délibération conformément à la loi ;


En ce qui concerne le premier moyen :
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et de la t...

Arrêt nº148
Du 29 février 1996
Dossier nº1/5/1/95
Conservateur de la Propriété Foncière - Faute grave - Responsabilité .
Le Conservateur de la Propriété Foncière qui avait établi un titre foncier d'une superficie portant un titre foncier aurait de ce fait commis une faute grave, car on ne peut affecter deux titres fonciers à une seule propriété.
La responsabilité du conservateur dans ce cas demeure établie sur la base de l'article 80 du Code des Obligations et Contrats.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour,
Après délibération conformément à la loi ;
En ce qui concerne le premier moyen :
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et de la teneur de l'arrêt pourvu en cassation rendu par la cour d'appel de Rabat, le 08/03/1994, dans le dossier n<4175/92, qu'en date du 19/12/90, le demandeur, Am A, avait présenté par l'intermédiaire de ses représentants, Maîtres Ai X B et Ab Aa C, une requête enregistrée sous le n 21/90, contre le Conservateur de la Propriété Foncière de Témara et consorts, dans laquelle il expose que M. Aj Al possédait une parcelle de terrain d'une superficie de 12 hectares, sise à Ak Ah Ad, Témara-Plage, que depuis 1954, il avait commencé la vente partielle de la propriété, en affectant un titre foncier parcellaire à chaque part, que le 23/05/1964, il avait cédé à Monsieur Ae AH une parcelle de terrain dont une superficie de 450 mètres carrés fut l'objet du titre foncier sous le n° 45566 depuis le 21/08/65, que M. AH a cédé cette parcelle de terrain à Monsieur A Ab, lequel l'a, à son tour, cédée au demandeur exposant qui avait procédé à l'inscription de son acquisition, que lors de la visite de sa propriété il fut surpris par le fait qu'autrui avait édifié sur une majeure partie du terrain une construction, que lorsqu'il s'est présenté devant le Conservateur de la Propriété Foncière de Témara, celui-ci a ordonné de procéder au bornage de la parcelle de terrain du requérant, qu'il s'est avéré du rapport établi par les services topographiques le 10/03/1990 que la partie sus-désignée de la parcelle du requérant a été prélevée et a fait l'objet d'un nouveau titre foncier portant n°74383, qu'en date du 08/09/1978 et étant donné que le propriétaire initial de la totalité du titre foncier mère n 19553 avait fait donation par l'intermédiaire de Mme. Af X AG, au profit du fils de celle-ci une parcelle de terrain d'une superficie de 360 mètres carrés à extraire du titre foncier précité, qu'il ressort de l'acte de donation que ce dernier ne fait pas mention des limites de la parcelle de terrain objet de cette donation ni de sa position exacte, que Monsieur le conservateur foncier a affecté un titre foncier nouveau après avoir extrait une superficie de 360 mètres carrés du titre foncier nº45566, qu'une telle mesure ne reposait sur aucun fondement valable, que l'exposant avait introduit une demande de radiation du titre foncier nº73483 auprès de Monsieur le conservateur de la propriété foncière de Témara, lequel au lieu de répondre à la demande eu égard à sa faute flagrante, il a préféré ne pas répondre et a déclaré que l'opération de bornage a démontré que la superficie de la propriété du requérant est de 90 mètres carrés au lieu de 450 mètres carrés consignés sur le titre qui a été produit; Le demandeur a donc sollicité d'ordonner la radiation du titre foncier n°73483 sus-indiqué, avec toutes les conséquences qui en découlent légalement et subsidiairement d'ordonner au conservateur foncier et à l'Etat marocain de lui payer le dédommagement mérité après évaluation par un expert compétent pour sa privation de sa propriété à cause de la faute professionnelle flagrante du conservateur ;
Après débat, le tribunal de première instance a rendu, en date du 01/04/1992, un jugement dans le dossier nº221/90, sous le nº89, ayant déclaré que le demandeur, Am A, a le droit au dédommagement pour le préjudice subi , ayant considéré que le conservateur de la propriété foncière de Témara est responsable du dommage subi à cause de la faute établie de sa part, l'ayant condamné à payer au demandeur la somme de 765.000 Dirhams à titre de réparation des dommages subis par lui à cause de sa privation d'une superficie de 360 mètres carrés du titre foncier n°45566 qui avait été insérée au titre foncier n°73483 et ayant rejeté le reste des demandes et ce, après que ledit tribunal eut ordonné de procéder à une expertise confiée à M.Mohamed SEDDIK ZA?DIdont le rapport a conclu qu'il s'agit d'une faute attribuée au service topographique qui avait procédé à l'opération du bornage par l'intermédiaire de l'Ingénieur Ac AJ par ordre de Monsieur le Conservateur de la Propriété Foncière de Témara, puisqu'une superficie de 4/5 du titre foncier n°45566 pour faire partie du titre foncier n°73483 et qu'une superficie de 90 mètres carrés ne servant plus à rien est restée du titre foncier n°4556 ;
Après recours en appel par le conservateur et consorts, la Cour d'Appel a confirmé le jugement du premier ressort ;
Attendu que Le requérant, le conservateur de la propriété foncière et des hypothèques de Ag, reproche à l'arrêt Attaqué la non distinction entre l'immatriculation et la conservation et la violation des dispositions du Dahir du 12 août 1913, relatif à la conservation foncière. L'expert désigné a démontré la possibilité de rattraper la faute sectorielle commise par les services topographiques dépendant du conservateur de Témara et le redressement des choses à leur situation initiale, ce qui prouve que la propriété est immatriculée et non pas en cours d'immatriculation et qu'il s'agit là d'inscriptions et non pas d'immatriculation, d'où la faculté d'annuler le titre foncier n°73483 et par voie de conséquence le tribunal aurait dû déclarer l'irrecevabilité de l'action en l'état, d'autant que la responsabilité assumée par le conservateur consiste en sa décision d'avoir refusé l'inscription selon les dispositions de l'article 96 du Dahir de la Conservation. Quant au refus de radier tel qu'il ressort de l'objet de l'affaire, ceci relève de la compétence du tribunal, car le conservateur est appelé à respecter les articles 72, 75 et 94 du Dahir précité. Or, le tribunal a procédé à la qualification des faits d'une manière différente à la réalité. L'action intentée par le demandeur est principalement une action réelle et non pas une action personnelle.
L'article 67 du Dahir de la Conservation Foncière est clair en ce qui concerne le fait que les opérations sur lesquelles il a été procédé à l'immatriculation ne répondent pas à la qualité définitive qui caractérisent l'immatriculation, car l'inscription peut faire l'objet de radiation ou d'annulation en cas de motif valable.
Cependant, attendu qu'il ressort de la révision du texte de l'arrêt attaqué, que le tribunal avait qualifié l'action sur la base du fait que le demandeur l'avait intentée contre le conservateur de la propriété foncière de Témara pour la raison qu'il avait commis une faute grave lorsqu'il avait ordonné d'extraire une grande partie de sa propriété objet du titre foncier n°45566 et lorsqu'il avait ordonné de l'insérer dans un autre titre foncier créé par lui sous le n°73483; Le tribunal s'était alors basé sur ce qui lui a été établi de ce que le titre foncier n°45566 sus-indiqué a été extrait du titre foncier n°19553, depuis le 21/08/1965, que sa superficie est de 450 mètres carrés tel que ceci a été établi au vu de l'attestation foncière datée du 19/05/1989, laquelle ne comporte aucune réserve au sujet de la superficie précitée, contrairement à ce qui a été constaté par le conservateur que le titre en question a été extrait du titre nº19553 sous toutes réserves à l'instar de toutes opérations topographiques à effectuer ;
De même qu'il a été établi au vu des pièces du dossier, selon le tribunal, que le titre foncier nº74483 a été créé le 08/09/1978 après prélèvement des quatre cinquièmes de la propriété nº45566, c'est à dire 360 mètres carrés sans aucun fondement juridique valable. Il a considéré que ce qui a été indiqué dans la lettre du conservateur portant nº2431.M.C.381, du 21/11/1990, précisant que le titre foncier nº74483 a été fondé sur des pièces authentiques, est contraire à ce qui a été confirmé par le conservateur dans sa requête d'appel disant que les quatre cinquièmes parts de la superficie du titre foncier nº45566 ont constitué le titre foncier nº74483 ;
Attendu qu'il résulte des motivations de l'arrêt attaqué que la cour a débattu l'affaire sur la base du fait que la propriété est immatriculée et que les inscriptions objet du litige ont affecté une propriété immatriculée et que ceci prouve qu'il s'agit effectivement d'inscriptions et non pas d'une réquisition d'immatriculation;
Mais attendu que la cour a conclu justement de l'examen des pièces du dossier que lorsque le conservateur de la propriété foncière de Témara a créé un titre foncier pour une superficie qui a déjà un titre foncier, il a de ce fait commis une faute grave, car il devait vérifier en premier lieu que la superficie en question ne faisait pas l'objet d'un titre foncier. Il ne peut donc pas affecter à une seule propriété deux titres fonciers; De ce fait, il est personnellement responsable du préjudice subi par le demandeur initial conformément aux dispositions de l'article 80 du Code des Obligations et Contrats qui devaient être appliquées en l'affaire.
Ainsi, la cour n'a violé aucune des dispositions du Dahir du 12 août 1913, relatif à la conservation foncière, ni du Dahir du 02 juin 1955, applicable aux propriétés immatriculées à la conservation foncière.
Le moyen invoqué à cet effet est donc non fondée.
En ce qui concerne le deuxième moyen :
Attendu que le requérant reproche également à l'arrêt attaquésa non conformité aux dispositions des articles 62 à 69 du Dahir de la conservation foncière et aux dispositions du Dahir du 30/09/1953 relatif aux lotissements ; et que Les clauses d'inscription jouissent vis à vis des tiers d'une force probatoire absolue, car la valeur probante des droits inscrits à la suite d'une mesure d'immatriculation ayant eu lieu en 1942 tel le cas en la présente affaire, a cette immunité à l'égard des tiers. Il n'est donc absolument pas possible de changer les droits résultant des opérations de la conservation. Mais si la propriété est immatriculée à la conservation depuis 50 ans, comme il en est le cas dans cette affaire, quelle immatriculation peut alors avoir lieu, car parmi les effets de l'immatriculation, selon l'article 63, le fait que la prescription ne donne lieu à aucun droit réel sur la propriété immatriculée à l'encontre du propriétaire dont le nom est inscrit sur le titre foncier, qu'il n'efface aucun des droits réels qui ont été légalement inscrits et que pour assurer la protection des bonnes et valables transactions inscrits sur le titre foncier et sur son duplicata, l'article 104 du Dahir relatif à la conservation foncière a imposé des sanctions répressives en cas de dol, de faux ou d'altération des duplicata des titres fonciers, ainsi qu'à l'encontre de celui qui fait usage de ces preuves falsifiées, altérées ou dénaturées ;
Le Dahir du 30/09/1953 sus-indiqué a signalé la possibilité de répartir la propriété en plusieurs parts et la vendre ainsi. L'article 13 du même Dahir prévoit qu'il est interdit de procéder à une publicité quelconque tant que l'Administration n'aurait pas encore approuvé le projet de lotissement, de manière expresse ou tacite.
En conséquence de ceci, le requérant constate que le dédommagement jugé en vertu de l'arrêt attaqué à cause de l'immatriculation, accorde à la personne lésée l'opportunité d'intenter une action individuelle en un seul cas et ce, lorsqu'il y a dol, faux ou dénaturation. Or ceci n'a pas été établi au tribunal à tous les stades de la procédure. Ceci écarte le défaut de fondement juridique de cette action à l'encontre du pourvoyant en personne, car l'actuel recours devait être orienté vers la réparation de la faute de service, tel que prévu par les dispositions de l'article 66 du Dahir de la conservation foncière ;
Mais attendu qu'il résulte de la révision des dispositions de l'arrêt attaqué que la cour a motivé sa décision par la condamnation du pourvoyant à assumer la responsabilité personnelle pour le préjudice subi par le demandeur initial du fait que le conservateur a commis une faute grave lorsqu'il a extrait une grande partie de la superficie de la propriété objet du titre foncier n 45566 pour instituer un nouveau titre foncier sous le n 73483, extrait du titre foncier mère nº19553, sans vérifier que ce titre comprend encore la superficie indiquée dans l'acte de donation, sur lequel il l'a inscrit; Le tribunal a alors fait application à son encontre les dispositions de l'article 80 du Code des Obligations et Contrats qui prévoient que :
"Les agents de l'Etat et des Municipalités sont personnellement responsables des dommages causés par leur dol ou par des fautes graves dans l'exercice de leurs fonctions."
Il s'agit là de l'article applicable en l'affaire.
La cour a d'autre part constaté que la radiation du titre foncier n 73483 n'est pas possible, parce que la propriété de ce titre est mutée au profit de M. Ai AI, appelé en action, et qui est de bonne foi en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du Dahir du 2 juin 1915, fixant la législation régissant les biens immatriculés à la conservation foncière, qui prévoient que toute nullité ou modification ultérieure ne peut être invoqué à l'encontre des tiers inscrits de bonne foi ;
Attendu qu'il résulte de tout ce que ci-dessus, et contrairement au contenu du deuxième moyen soulevé, la cour a valablement fait application des dispositions du Dahir du 12 août 1913, relatif à la conservation foncière et des dispositions du Dahir du 2 juin 1915, portant sur les propriétés immatriculées à la conservation foncière et que ladite cour n'a pas violé les dispositions du Dahir du 30/09/1953, relatif au lotissement et qui n'a pas d'effets sur l'affaire;
Le moyen invoqué est de ce fait sans fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême rejette la demande et condamne le requerrant aux dépens.
Ainsi rendu l'arrêt et prononcé en l'audience publique tenue à la date sus-indiquée, en la salle ordinaire des audiences de la Cour Suprême de Rabat, par la Cour composée de :
F Mohamed Montassir DAOUDI, Président de la Chambre Administrative,
F MM. Mustapha MOUDARRAA, Mohamed BOURAMDANE et Saadia BELMIR, Ahmed DINIA,conseillers,
F en présence de M. Abdelhamid LAHRICHI, avocat général
F et avec l'assistance de M. Am Z, secrétaire greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : A148
Date de la décision : 29/02/1996
Chambre administrative

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1996-02-29;a148 ?
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