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15/02/1996 | MAROC | N°A125

Maroc | Maroc, Cour suprême, 15 février 1996, A125


Texte (pseudonymisé)
Arrêt nº125
Du 15 Février 1996
Dossier nº10369/5/1/94
Expropriation - Utilité publique - Absence de détournement de pouvoir .
La décision attaquée déclarant que l'utilité publique exige la réalisation d'un Lotissement pour habitat économique, la restructuration des constructions clandestines et l'expropriation des parcelles de terrains nécessaires à cet effet, est une décision qui relève du domaine du pouvoir discrétionnaire de l'Administration qu'on ne peut annuler que lorsqu'il est établi qu'il y a abus du pouvoir ou mauvaise intention du côté de l'auteur de

la décision, lequel aurait dévié de l'objectif déclaré.
AU NOM DE SA MAJESTE LE...

Arrêt nº125
Du 15 Février 1996
Dossier nº10369/5/1/94
Expropriation - Utilité publique - Absence de détournement de pouvoir .
La décision attaquée déclarant que l'utilité publique exige la réalisation d'un Lotissement pour habitat économique, la restructuration des constructions clandestines et l'expropriation des parcelles de terrains nécessaires à cet effet, est une décision qui relève du domaine du pouvoir discrétionnaire de l'Administration qu'on ne peut annuler que lorsqu'il est établi qu'il y a abus du pouvoir ou mauvaise intention du côté de l'auteur de la décision, lequel aurait dévié de l'objectif déclaré.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour;
Après délibération conformément à la loi ;
Attendu que l'Amicale Al Azhar et les propriétaires adhérents (en leurs noms), sollicitent à cause de l'excès du pouvoir, d'annuler le décret de Monsieur le premier Ministre nº2.94.330, du 26/07/1994, ayant déclaré que l'utilité publique exige de réaliser un lotissement pour habitat économique, de restructurer les constructions clandestines à la ville de Témara et de procéder à l'expropriation des parcelles de terrain nécessaires à cet effet ;
Attendu que les requérants avaient précisé que depuis la constitution de leur Amicale et le dépôt de son statut constitutif auprès de l'Administration au mois d'octobre 1989, ils n'avaient cessé de chercher à organiser leur groupement d'habitat dont ils sont propriétaires à Ab Ac, d'une superficie de 03 hectares, 09 ares et 59 centiares, qu'ils avaient chargé un architecte qui avait, après plusieurs études, présenté un plan aux services municipaux de Témara, en vue de restructurer ces parcelles de terrain, de les répartir à nouveau et de les équiper en voiries et autres, mais qu'ils furent surpris par la publication du décret attaqué qui prévoit l'expropriation des lots 69, 70, 71 et 72 de la liste des propriétés annexe au décret, sans voir avec eux ni les consulter, ni même les en avoir avisé pour présenter les plans de restructuration, d'organisation et d'équipement, qu'étant donné que le droit de propriété est garanti par la constitution, que la propriété foncière ne peut être levée à son propriétaire que s'il y a des raisons légales, qu'a cause du décret objet du recours ils seront privés de leurs terrains moyennant des prix très bas pour que l'Etablissement Régional d'Aménagement et de Construction (ERAC) puisse les revendre en échange de prix très élevés et se faire ainsi des profits alors que les requérant perdent injustement et sans aucun motif légal, que tant qu'ils sont capables de réaliser ce que l'ERAC cherche à faire, que tant que l'expropriation s'inspire dans sa légalité des raisons d'utilité publique, que ceci ne peut se réaliser au détriment de la propriété privée que si l'individu refuse et se trouve dans l'incapacité de réaliser l'objectif pour lequel il fut exproprié de son bien et tant que l'orientation générale opte pour l'encouragement de l'initiative privée, ils sollicitent alors du tribunal d'annuler le décret attaqué.
Attendu que dans sa réponse, l'Administration a précisé que par souci de contribution de la part du Ministère de l'Habitat dans l'aménagement des lotissements de la Préfecture de Ad Ae, en vue d'améliorer le secteur urbanistique et d'habitat afin d'assurer un logement adéquat et décent aux citoyens et en réponse à la volonté des autorités locales et des conseils élus, le ministère a confié à l'ERAC/Région Nord-Ouest l'acquisition de parcelles de terrains appartenant à des particuliers y compris les requérants membres de l'Amicale Al Azhar, d'une superficie de 123 hectares, dans le but d'édifier un lotissement pour habitat économique et de restructurer les constructions clandestines de la ville de Témara, que l'ERAC a effectivement entamé en 1989 l'opération d'achat et a pu acquérir 28 hectares par consentement, alors que d'autres propriétaires ont refusé les prix proposés fixés par la commission administrative d'évaluation tenue le 26/02/1990 et que pour éviter tout retard dans la procédure d'acquisition et de liquidation de la situation juridique des propriétés, il a été décidé de faire recours à la procédure d'expropriation à la demande des autorités locales et des conseils élus ;
Ainsi le projet du décret d'expropriation des biens immobiliers concernés a été élaboré et après sa promulgation, et expiration de la période d'enquête et d'études des remarques consignées sur le registre d'enquêtes, le décret attaqué a été rendu; L'objectif recherché par l'Administration dans son activité tend à assurer l'ordre public et à préserver l'intérêt général même si l'on touche à la liberté privée ou au droit de propriété, en disposant ainsi d'un pouvoir discrétionnaire ;
La question de l'habitat, même si elle parait à caractère particulier, elle a aujourd'hui acquis des aspects social, économique et culturel et concerne de nos jours les différentes couches sociales; L'Etat s'est alors trouvé dans l'obligation d'intervenir afin d'alléger la gravité du problème en adoptant une politique d'habitat répondant aux besoins des citoyens et en particulier ceux à revenu limité ;
La réalisation des objectifs tracés par l'Etat dans le domaine de l'habitat se trouve le plus souvent au manque ou à la rareté des fonds immobiliers pour exécuter ses plans, ce qui le mène à prendre des décisions d'expropriation pour utilité publique, dont l'Etat dispose en vertu de la Constitution et au vu de la loi 7.81;
C'est dans ce cadre que l'ont peut comprendre les buts du décret objet du recours.
La tendance de la jurisprudence contemporaine ne se contente pas d'appeler à réaliser l'utilité publique sous un angle absolu et abstrait, mais dépasse ce niveau en prenant en considération l'apport de grand intérêt qui sera la conséquence d'une telle décision sur l'intérêt général et ce, par la compensation entre l'utilité rapportée par la décision, les intérêts qu'elle englobe et le projet qui est l'objectif du décretattaqué et qui sera réalisé sur une superficie de 123 hectares, assurant ainsi des milliers de logements économiques qui répondent à tout ce qui est nécessaire à la vie et permettant la restructuration des constructions clandestines qui s'y trouvent; Or, ceci n'est pas à la portée des requérants dont ils ont le droit à une indemnité juste et équitable préservé par la loi;
En ce qui concerne la légalité de la décision objet du recours :
Attendu que la décision attaqué déclarant que l'utilité publique exige l'édification d'un lotissement pour habitat économique, la restructuration des bidonvilles de la ville de Témara et l'expropriation des parcelles de terrain nécessaires à cet effet d'une superficie de 123 hectares environ, est une décision qui entre dans le domaine du pouvoir discrétionnaire de l'Administration qui ne peut être annulé que si le requérant arrive à établir qu'il y a excès ou mauvaise intention de l'auteur de la décision déviant de l'objectif déclaré ;
Attendu que les requérants n'ont pas prouvés l'excès ou la mauvaise foi de l'Administration dans la prise de sa décision portant expropriation pour utilité publique objet du recours pour avoir dénaturé l'objectif déclaré, ladite décision est par voie de conséquence légale et la requête n'est pas alors valablement fondée.
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême rejette la demande.
Ainsi rendu l'arrêt et prononcé en l'audience publique tenue à la date sus-indiquée, en la salle ordinaire des audiences de la Cour Suprême de Rabat, par la Cour composée de :
F M. Mohamed MONTASSIR DAOUDI, Président de la chambre Administrative,
F M. Mustapha MouDARRAA, Mohamed BOURAMDANE, Saadia BELMIR et Ahmed DINIA, conseillers,
F en présence de M. Abdelatif BARGACHE, avocat général
F et avec l'assistance de M. Aa A, secrétaire greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : A125
Date de la décision : 15/02/1996
Chambre administrative

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1996-02-15;a125 ?
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