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21/12/1995 | MAROC | N°A561

Maroc | Maroc, Cour suprême, 21 décembre 1995, A561


Texte (pseudonymisé)
Arrêt nº561
Du 21 Décembre 1995
Dossier nº10068/94
Liquidation de Habous consécutif (mouakab) - Conditions .
L'intérêt général que justifie l'épurement du Habous consécutif par le Ministère des Habous, doit être établi, évident et défini, pour que la Cour Suprême (Chambre Administrative) puisse étendre son contrôle de légalité.
Dahir du 8 octobre 1977, relatif à la liquidation des Habous.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour,
Après délibération conformément à la Loi ;
Attendu qu'à cause de l'abus du pouvoir, M. Ahmed Ben El Hachmi Ben Moham

ed EL A?SSAOUI sollicite d'annuler la décision prise par Monsieur le Ministre des Habous et des Affair...

Arrêt nº561
Du 21 Décembre 1995
Dossier nº10068/94
Liquidation de Habous consécutif (mouakab) - Conditions .
L'intérêt général que justifie l'épurement du Habous consécutif par le Ministère des Habous, doit être établi, évident et défini, pour que la Cour Suprême (Chambre Administrative) puisse étendre son contrôle de légalité.
Dahir du 8 octobre 1977, relatif à la liquidation des Habous.
AU NOM DE SA MAJESTE LE ROI
La Cour,
Après délibération conformément à la Loi ;
Attendu qu'à cause de l'abus du pouvoir, M. Ahmed Ben El Hachmi Ben Mohamed EL A?SSAOUI sollicite d'annuler la décision prise par Monsieur le Ministre des Habous et des Affaires Islamiques, en date du 18 janvier 1993, ayant ordonné de lever la qualité de Habous sur la propriété dite "Ab Am" objet du titre foncier n<56517, arrêté de Habous par consécution de la part de feu El Haj El Hachmi Ben El Mekki Ben Sidi Mohamed Benaïssa Al Ao An, exposant dans sa pétition qu'il bénéficie d'un Habous consécutif sur le titre foncier sus-indiqué, sis au Ai Ab, commune d'Aïn Orma, Préfecture de Meknès-Ismaïlia, d'une superficie de 241 hectares, 175 ares et 20 centiares, que l'acte de Habous stipule que la haute couche des bénéficiaires du Habousempêche la couche inférieure de ceux-ci dans une part de jouissance et prive les femmes d'en bénéficier de manière absolue, qu'au vu du terme de l'auteur du Habous, le pourvoyant se trouve parmi la couche supérieure des bénéficiaires du Habous, qu'actuellement il en est le seul bénéficiaire, que Monsieur le Ministre avait auparavant pris une décision sous le n°133, du 09 février 1994, dans le cadre du Dahir chérifien portant loi promulgué le 08/10/1977, relatif aux Habous consécutifs et communs, ayant décidé la levée du caractère de Habous à la propriété et le renvoi du dossier par-devant la commission de liquidation, que cette décision a fait l'objet de recours de la part du requérant à côté de l'un des bénéficiaires éventuels, à savoir Mohammadi M'Hammed El Hachmi EL A?SSAOUI, par-devant la Cour Suprême qui avait rendu, le 19/06/1990, un arrêt sous le n°400, dans le dossier n°8048/88, ayant ordonné son annulation, que le requérant avait été avisé que Monsieur le Ministre desHabous avait pris une décision, à nouveau, concernant le même objet sous le n<276, en date du 18 janvier 1993, levant l'aspect de Habous à ladite propriété;
Attendu que le requérant reproche à la décision précitée sa violation aux dispositions du Dahir chérifien aux Habous consécutifs et communs, le défaut de fondement et l'abus du pouvoir, du fait que la décision objet du recours s'était fondée sur ce qu'elle avait qualifié de requête de liquidation formulée par les deux femmes : Ac et Af filles du défunt El Ae Ak B Ag, le 17/02/1983, dans laquelle elles avaient sollicité de liquider ce Habous puisqu'elles en bénéficient dans le cadre de l'article 3 du Dahir sus-indiqué, alors qu'en fait le premier et le dernier bénéficiaire est bien le pourvoyant, car ce Habous est affecté uniquement aux héritiers de sexe masculin, chose qui a été établi aux juges de la Cour Suprême tel qu'il ressort de leur arrêt précité, lequel arrêt avait exclu en plus de tout ceci, tout intérêt général justifiant la liquidation de ce Habous;
D'autre part et en se référant aux dispositions de la décision objet du recours en annulation, il résulte que l'Administration s'était également basée pour la liquidation du Habous en question sur ce qu'elle avait prétendument qualifié d'intérêt général consistant à son avis en ce que l'investigation préliminaire effectuée par elle sur ce bien légué en Habous avait révélé qu'il serait plus opportun à l'Administration des Wakf qu'elle soit soutenue par de nouvelles propriétés dont la rentabilité permettrait de couvrir les besoins et les charges des mosquées et des centres religieux qui en dépendent;
Cependant, si l'Administration, en raison de la gestion des services dépendants d'elle, dispose du pouvoir d'apprécier l'intérêt général, invoquée par elle en l'affaire, lequel intérêt général a, à son avis, nécessité la liquidation de ce Habous, l'appréciation de cetintérêt est soumise alors au contrôle de la justice ;
Si l'on réfère aux circonstances de l'affaire, on constate qu'en l'absence de toute demande émanant du requerant en sa qualité de bénéficiaire unique du Habous sus-indiqué et qui n'a jamais sollicité sa liquidation, il s'avère que l'Administration s'était contenté de fournir des généralités et des éléments que l'ont peut évoquer dans tout litige portant surune liquidation d'un Habous de famille consécutif .
Attendu que dans ses conclusions de réponse, et après avoir soulevé l'argument consistant à déclarer l'irrecevabilité en la forme, l'Administration a invoqué le fait que les deux motifs sur lesquels repose le recours en annulation formulé par le demandeur ne pas sont fondés, puisque la décision objet du recours a eu lieu à la suite de la demande de liquidation présentée par les deux dames : Ac et Af filles de feu El Ae Ak B Ag, par l'intermédiaire de leur mandataire El Haj Al Ak Ad, en date du 17/02/1983 et que d'autre part, Monsieur le Ministre n'avait pas pris la décision en question seulement sur la base de la demande de liquidation présentée par les deux requérantes sus-nommées, mais qu'il s'était rassuré auparavant que la propriété en question était et jusqu'à la date de la décision un Habous consécutif libre de toute inscription oucharges foncières sauf la pré notation le 21/12/1981 au profit des héritiers Ao B An, d'autant que le nom du requérant ne figurait pas parmi les requérants de la liquidation et que même si on suppose que les deux requérantes de la liquidation n'ont pas de droit sur le bien arrêté en Habous sus-désigné, cela n'annule pas le droit de l'autorité chargée des affaires des Habous et Wakfs de prendre l'initiative de liquidation sur la base des dispositions de l'article 3 du Dahir du 8 octobre 1977;
L'autorité chargée des affaires des Habous dispose en vertu des droits que lui a conféré le législateur le 08 octobre 1977, de prendre l'initiative de liquider un Habous si l'intérêt général l'exige.
L'intérêt général des Habous dans cette région nécessite d'être renforcé par d'autres nouveaux biens pouvant contribuer à couvrir les besoins et les charges des mosquées et centres religieux qui en dépendent;
En ce qui concerne l'argument de forme d'irrecevabilité invoqué par l'Administration:
Attendu que l'Administration invoque l'irrecevabilité de la demande, en la forme, sur la base du fait que la décision objet du recours a été prise le 18 janvier 1993 et publiée au journal "Al Aa" au numéro paru le 28 février et le premier mars 1993, alors que le recours n'a été formulé que le 02 février 1994, c'est à dire plus d'une année de sa publication ;
Mais attendu qu'il est évident qu'il s'agit d'une décision individuelle et non réglementaire, que la publication de telles décisions ne dispense pas de leur notification aux concernés, que l'Administration n'a pas présenté de preuve que la décision objet du recours a été notifiée au dit requérant ou portée matériellement à sa connaissance et en toute certitude et conviction, ce qui implique donc que le recours a été fait dans le délai légalement imparti et il est nécessaire en conséquence de déclarer irrecevable l'argument invoqué.
En ce qui concerne la légalité de la décision objet du recours :
Attendu qu'il a été établi au vu des pièces du dossier que l'Administration avait en date du 08 février 1984 rendu la même décision objet du présent recours, laquelle décision ordonnait la liquidation du Habous consécutif concernant la propriété objet du titre foncier n°5/6547, que ladite décision avait fait l'objet d'un pourvoi en cassation par-devant la Cour Suprême par l'un des bénéficiaires à l'époque de ce Habous, en l'occurrence El Ah Mohamed Ben El Haj M'Hamed Ben El Hachmi, qui est intervenu en l'action ;
La Cour Suprême avait annulé la décision sus-indiquée pour le motif que le Ministère des Wakfs s'était contenté d'invoquer l'existence des éléments d'intérêt général sans fournir des indications ou des renseignements précis sur la nature de cet intérêt et sur ses fondements ;
Attendu qu'il a été également établi que le Habous consécutif concernant la propriété sus-désignée est destinée pour en bénéficier aux héritiers de sexe masculin à l'exclusion de ceux de sexe féminin, alors que le Ministère des Habous a fondé se décision de liquidation sur une demande présentée par les deux femmes Ac et Af filles de feu El Ae Ak B Ag, en date du 17/02/1983, c'est à dire à une date antérieure à celle de la prise de la première décision rendue le 08 février 1984, qui fut annulée par la Cour Suprême, sans que l'Administration ne s'y réfère dans sa première décision.
Attendu que si l'article 3 du Dahir du 08 octobre 1977, relatif à la liquidation des Habous consécutifs, confère à l'Administration le droit de se référer à la demande de l'un des bénéficiaires de ce Habous, condition non remplie en cette affaire, ou de se fonder sur les éléments d'intérêt général, cet intérêt doit être établi, évident et défini, afin de permettre à la Cour Suprême d'exercer son contrôle ;
Attendu qu'en se référant à l'intérêt général évoqué par l'Administration dans la prise de sa décision objet du recours, il ressort que l'Administration avait fondé sa dite décision sur le fait qu'il serait plus adéquat et plus opportun pour le service des Habous dans la région où se trouve la propriété (Habous) qui est à liquider, de se voir renforcer et consolider par de nouvelles propriétés pouvant contribuer par leur rentabilité à couvrir les besoins et les charges des mosquées et des centres religieux qui en dépendent, alors que le prétexte soulevé par l'Administration concernant l'intérêt général peut être évoqué dans tout litige portant sur l'épurement d'un Habous consécutif, car il est nécessairement entendu que le service des Wakf, en raison de la gestion des affaires de ce secteur cherche toujours à avoir de nouvelles propriétés et à trouver des ressources diverses pour couvrir les besoins et les charges des mosquées et des centres religieux soumis à son contrôle ;
Attendu que tant que l'Administration n'avait pas présenté des éléments définis et déterminés de l'intérêt général nécessitant l'épurement du Habous consécutif et s'était contentée d'évoquer des données générales et des besoins faisant partie de la politique générale de ce Ministère et de son rôle à entretenir les mosquées et leurs dépendances et tant que les concernés par la question du Habous consécutif précité préférant garder les biens sus-indiqués pour les exploiter sur cette base, la décision objet du recours est donc entachée d'excès du pouvoir et il nécessite en conséquence de l'annuler.
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême annule l'arrêt objet du recours.
Ainsi rendu l'arrêt et prononcé en l'audience publique tenue à la date sus-indiquée, en la salle ordinaire des audiences de la Cour Suprême de Rabat, par la Cour composée de :
F M. Mohamed MONTASSIR DAOUDI, Président de la chambre Administrative,
FM. Mohamed EL KHATTABI, Mustapha MOUDARRA, Mohamed BOURAMDANE et Saadia BELMIR, conseillers,
F en présence de M. Abdelhamid LAHRICHI, avocat général
F et avec l'assistance de M. Aj A, secrétaire greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : A561
Date de la décision : 21/12/1995
Chambre administrative

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1995-12-21;a561 ?
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