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17/11/1993 | MAROC | N°C3020

Maroc | Maroc, Cour suprême, 17 novembre 1993, C3020


Texte (pseudonymisé)
Arrêt n° 3020
Du 17 novembre 1993
Dossier n°71/88
Annulation de la Saisie.
Lorsqu'un tiers prétend que la saisie a été pratiquée sur des immeubles lui appartenant, il peut, pour faire annuler ladite saisie, intenter une action en revendication.
Le tiers est celui qui n'a aucune relation avec le débiteur saisi, ni de près ni de loin, à l'instar par exemple de l'héritier qui n'est pas considéré comme un tiers par rapport à la succession du de cujus faisant l'objet d'une saisie puisqu'il a le droit de la revendiquer .
Le fait que l'arrêt n'a pas répondu à ce qui

a été invoqué par les demandeurs, en ce que le tiers désigne une partie étrangère...

Arrêt n° 3020
Du 17 novembre 1993
Dossier n°71/88
Annulation de la Saisie.
Lorsqu'un tiers prétend que la saisie a été pratiquée sur des immeubles lui appartenant, il peut, pour faire annuler ladite saisie, intenter une action en revendication.
Le tiers est celui qui n'a aucune relation avec le débiteur saisi, ni de près ni de loin, à l'instar par exemple de l'héritier qui n'est pas considéré comme un tiers par rapport à la succession du de cujus faisant l'objet d'une saisie puisqu'il a le droit de la revendiquer .
Le fait que l'arrêt n'a pas répondu à ce qui a été invoqué par les demandeurs, en ce que le tiers désigne une partie étrangère à l'action, même si les immeubles saisies sont la propriété des héritiers du de cujus, ne produit aucun effet.
Au Nom de Sa Majesté le Roi
La Cour Suprême;
Après délibération conformément à la loi,
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et de l'arrêt attaqué qu'en date du 16-04/86, les demandeurs, défendeurs en cassation, héritiers de Ag Ac Ap, Ahmed ben Mekki et ses frères Ak, Mohamed, Rahma, Rkia et Miloudia, ont présenté une requête au Président du tribunal de première instance de Aq, dans laquelle ils ont exposé qu'en vertu d'un arrêt rendu par la Cour d'appel de Casablanca, sous le n° 177 en date du 13/12/84, dans le dossier immobilier 51/84, confirmant le jugement de première instance rendu par le tribunal de Ben Slimane, en date du 05/01/84, dans le dossier 886-81, condamnant les demandeurs à payer aux défendeurs la somme de 12.100.480 dirhams, à recouvrir de la succession de leur père Ag Ac Ap, à titre de dommages et intérêts pour la demande d'exploitation.
Qu'au vu du jugement précité, les bénéficiaires de la sentence dudit arrêt et défendeurs dans la présente action, les héritiers de Ap Ac Av, à savoir Ao Al Ap, Mohamed, Brahim, Ar et At, enfants de feu Av, ont présenté une requête aux fins qu'il soit procédé à la saisie exécutoire des biens successoraux laissés par feu Ap Ag, pour leur mise en vente et le recouvrement du montant de la dette précitée, que le préposé chargé de l'exécution a procédé à la saisie des immeubles non immatriculés suivants: I) An Ae, d'une superficie de six hectares et 1/4, 2) An Ax Au, d'une superficie d'environ un hectare, 3) An Aa, d'une superficie d'environ un hectare, 4) An Aj, d'une superficie de deux hectares, 5) An A Ay, d'une superficie de trois hectares, que ledits immeubles ne font pas partie de la succession laissée par feu Ap Ac Ag, que les immeubles Ae et El Ay sont la propriété de Ak ben Ag Ai depuis 24 ans, suivant l'acte de propriété no234, que An Aa est la propriété de Rahma bent Ag Ai, suivant l'acte de propriété no293, que An Ax Au est la propriété de Ap Ac Ag, suivant l'acte de propriété no112, et que Ah Ad est la propriété de Ak ben Ag Ai, suivant l'acte de propriété n°234, et que par conséquent, ils sollicitent voir la Cour dire qu'ils sont respectivement en droit de revendiquer lesdits immeubles et ce par arrêt assorti de l'exécution provisoire;
Que les défendeurs ont répondu en la forme que l'article 482 du Code de Procédure Civile précise que les personnes en droit de revendiquer sont celles dont les immeubles ont été saisis et qui sont étrangères à l'action; que les immeubles saisis dans le cas d'espèce appartiennent à des personnes condamnées en vertu de l'arrêt d'appel rendu le 13/12/84, dans le dossier 51-84, que l'article précité n'a fait mention d'aucune dérogation, et qu'il y a lieu donc de déclarer la requête irrecevable;
Que la requête des demandeurs reste, dans le fond et très subsidiairement, dénuée de tout fondement pour plusieurs raisons :
1-Les superficies mentionnées sur les actes de propriété produits ne correspondent pas à celles contenues dans les deux rapports d'expertise élaborés par Af Ap et Am As, dans le cadre de l'exécution;
2- Les demandeurs ne contestent pas le fait que le terrain dit Au au sujet duquel ils ont produit l'acte de propriété n°112, fait partie de la succession de leur père;
3- Les actes de propriété n°234 et 239 ont été dressés après le prononcé de l'arrêt d'appel;
Et que par conséquent, ils sollicitent voir la Cour rejeter ladite demande;
Qu'en date du 25/12/86, le tribunal de première instance a rejeté la demande; que les demandeurs ont interjeté appel contre ledit jugement en date du 02/02/87, en précisant que leur propriété consiste dans la prise de possession matérielle, solennelle et continue, que les défendeurs se sont basés sur les questions de forme sans aborder le fond, que les intimés ont produit un acte de notoriété «Lafif» pour démontrer que les immeubles objet de la vente aux enchères publiques, sont la propriété de feu Ag Ac Ap, qu'ils ont également présenté un acte de récusation des témoins des actes de propriété produits par les demandeurs, que ceci n'affaiblit en rien leur argument, puisque l'acte de notoriété « lafif » ne s'élève pas au rang du titre de propriété, que l'attestation des témoins n' a pas précisé le genre de disposition, que la plupart des témoins sont parmi leurs proches, que certains d'entre eux résident loin desdits immeubles, que le jugement premier n'a débattu ni leurs arguments ni le genre de prise de possession qui est la base de la propriété, qu'il n'a pas été suffisamment motivé et qu'ils s'est contenté de répondre à certaines exceptions;
Que les intimés ont répondu que les dispositions de l'article 482 du CPC ne leur donne pas le droit d'intenter la présente action, en confirmant ce qu'ils avaient avancé auparavant en première instance et en précisant que les immeubles objet de la saisie exécutoire font partie de la succession de feu Ag Ac Ap, que l' acte de propriété produit par les demandeurs ne fait pas mention de l'origine de propriété, qu'il résulte de l'acte de propriété n°112 que le terrain Ax Au fait partie de la succession du de cujus Ag Ac Ap, que les témoins cités sur l'acte sont des proches de leurs adversaires, et qu'ils ont produit un acte de récusation des témoins nommément cités sur les actes de propriété des demandeurs, ainsi qu'une copie de l'arrêt de la Cour Suprême rejetant la demande de surseoir à l'exécution de l'arrêt d'appel;
Qu'en date du 27/06/87, la Cour d' appel de Casablanca a infirmé le jugement de première instance et dit que les demandeurs sont en droit de revendiquer les immeubles suivants: An Ae, An Aa, An Aj et An A Ay, en déclarant qu'il y a lieu d'exclure le terrain dit « Ax Au », du fait qu'il s'agit de la propriété de leur père Ag Ac Ap, suivant l'acte d'hérédité n°112, folio 62, registre 20, en date du 16/08/61, et en condamnant les parties aux dépens, au motif que le jugement entrepris est dénué de tout fondement en ce qui concerne le droit des demandeurs de revendiquer les immeubles précités, à l'exception de l'immeuble Ax Au, qui est la propriété de leur père, feu Ag Ac Ap, suivant l'acte de propriété n°112, folio 62, en date du 16/08/61, qu'en ce qui concerne les autres immeubles, le jugement n'a pas débattu les preuves présentées par les demandeurs, desquels il ressort que des témoins attestent que les demandeurs ont pris possession desdits immeubles depuis plus de vingt ans, que cette prise de possession représente le titre de propriété, que ledit tribunal n'a pas examiné, que les adversaires ne s 'y sont opposés que parce que les immeubles en question font partie des biens successoraux de leur père feu Ag Ac Ap, sans pour autant produire l'inventaire de la succession de leur père et ses actes d'acquisition des immeubles saisis, que les actes de propriété présentés par les héritiers de Ap Ac Av, établissant que le défunt père des défendeurs disposait de son vivant desdits immeubles, sont récusés par les actes de propriété des demandeurs desquels il résulte que leur prise de possession remonte à plus de vingt ans, qu'il est de notoriété que la prise de possession d'un tiers depuis plus de vingt ans, interrompt l'action présente, suivant l'auteur de la « Tuhfa » qui dit que si un tiers prend possession d'un droit pendant dix ans, il lui appartient de le revendiquer et que nul ne peut apporter de preuve pour le lui contester;
Que chacune des parties a récusé les témoins de l' autre, que l'attestation testimoniale récusée produite par les héritiers de Ap Ac Av n' a pas porté sur la prise de possession des demandeurs, qui est la base de leur propriété, que les actes de propriété produits au cours du litige, aussi bien par les demandeurs que par les défendeurs pour réfuter la preuve apportée par chacune des parties, ne constituent pas une exception valable d' autant que ni la doctrine ni la pratique judiciaire en vigueur ne refusent les preuves apportées à l'occasion du litige pour s'en prévaloir, que si l'on part du principe qu'il y a lieu de refuser lesdits actes de propriété du fait qu'ils ont été produits au cours du litige pour s'en prévaloir, cela s'appliquerait aussi bien pour les actes de propriété des demandeurs que ceux des défendeurs, que par conséquent, les preuves apportées par les parties sont au même pied d'égalité et que la chose reste entre les mains de la partie qui en a pris possession; Qu' en ce qui concerne l'immeuble dit Ax Au, objet de l'acte de propriété no112 précité produit par les demandeurs, il y a lieu de dire que quiconque fournit une preuve s'oblige à sa teneur, que la propriété en question reste établie par le de cujus Ag Ac Ap, et que par conséquent ledit immeuble fait partie de sa succession, que les demandeurs n'ont pas le droit de le revendiquer du fait qu'il appartient à leur père Ag Ac Ap, et qu'il y a lieu de le vendre aux fins du recouvrement des dommages et intérêts. Ainsi résulte-t-il de l'arrêt attaqué.
Sur:
Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l' arrêt d' avoir violé les dispositions de l'article 359 du Code de Procédure Civile pour défaut de motivation, du fait qu'ils ont invoqué lors des phases de première instance et d'appel qu 'une question de forme inspirée des dispositions de l' article 482 du CPC, concernant le fait que la demande du droit de revendication devra être présentée par des personnes étrangères par rapport à une action de saisie de leurs immeubles, que l'article précité ne contient aucune dérogation, que la cour d'appel n' a pas répondu à cette exception et n'a attaché aucun intérêt aux documents de récusation présentés par les demandeurs, ce qui équivaut à un défaut de motivation;
Attendu nonobstant que la succession de feu Ag Ac Ap constitue réellement une composante de l' action, que les héritiers de ce dernier sont partie prenante de sa succession, qu' ils ne sont pas considérés comme étant une partie dans leurs propres biens que le tribunal a jugé en leur faveur, que par conséquent ils sont considérés comme des tiers en vertu de l' article 482 du CPC pour ce qui a trait à leurs propres biens mais ne sont pas considérés ainsi pour ce qui a trait à la succession de feu Ag Ac Ap, d' où il y a lieu de dire que le fait de ne pas répondre au moyen invoqué est sans effet et que ledit moyen reste par là même dénué de tout fondement;
Sur le second moyen:
Attendu que les demandeurs font grief à l' arrêt attaqué d' avoir violé les dispositions de l'article 335 du CPC, du fait que le conseiller rapporteur n'a pas rendu la décision de dessaisissement et ne l' a pas notifiée aux parties, ce qui expose sa décision à la cassation;
Attendu que l' ordonnance de dessaisissement n' est obligatoire que dans les affaires qui font l'objet d'une instruction, ce qui ne s'applique pas au cas d'espèce; qu'en plus, le défaut de l'ordonnance de dessaisissement laisse la porte ouverte aux parties de produire leurs répliques et moyens de défense jusqu'à ce qu'il soit statué dans l'affaire, ce qui n'a causé aucun préjudice au requérrant, que l'article mentionné au moyen n'a pas été violé et que le moyen reste non fondé.
Par ces motifs
La Cour Suprême rejette la demande et laisse les dépens à la charge de la demanderesse au pourvoi.
De tout ce qui précède, l'arrêt a été rendu à l'audience publique, tenue à la date précitée à la salle des audiences ordinaire de la Cour Suprême à Rabat.
Président de Chambre: M.Mohamed Benazzou
Conseiller Rapporteur: M.Noureddine Loubaris
Conseiller: M. Mohamed Jaidi
Conseiller: M.Madani Zakiri
Conseiller: M.Naji Bouatia
En présence de l'avocat général: M.Allal Boukarai
Et avec l'assistance du secrétaire-greffier: Mme. Aw Ab


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3020
Date de la décision : 17/11/1993
Chambre civile

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1993-11-17;c3020 ?
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