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12/05/1993 | MAROC | N°M1280

Maroc | Maroc, Cour suprême, 12 mai 1993, M1280


Texte (pseudonymisé)
Au Nom de Sa Majesté le Roi
La Cour Suprême,
Après délibération conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et de l'arrêt pourvu en cassation rendu le 21/11/1986 par la cour d'appel de Casablanca, dans le dossier nº941/85, qu'en date du 16/09/1983, M. B a présenté une requête par-devant le tribunal de première instance de Casablanca, dans laquelle, il expose qu'il est créancier du défendeur, M. Ad C A, d'une somme de 886.732,50 dirhams, en vertu d'une lettre de change à terme échu le 05/07/1980 et que celui-ci a refusé de payer en dépit de

toutes les tentatives faites à l'amiable, sollicitant de le condamner à payer...

Au Nom de Sa Majesté le Roi
La Cour Suprême,
Après délibération conformément à la loi ;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et de l'arrêt pourvu en cassation rendu le 21/11/1986 par la cour d'appel de Casablanca, dans le dossier nº941/85, qu'en date du 16/09/1983, M. B a présenté une requête par-devant le tribunal de première instance de Casablanca, dans laquelle, il expose qu'il est créancier du défendeur, M. Ad C A, d'une somme de 886.732,50 dirhams, en vertu d'une lettre de change à terme échu le 05/07/1980 et que celui-ci a refusé de payer en dépit de toutes les tentatives faites à l'amiable, sollicitant de le condamner à payer ce dont il est tenu, en plus d'un dédommagement pour la tergiversation fixé à 10.000,00 dirhams, avec les intérêts légaux à compter de la date du jugement et sa condamnation aux dépens ;
Le défendeur a répondu que la lettre de change objet de la requête est douteuse, sollicitant de rejeter la demande du demandeur ;
Le tribunal a alors prononcé un jugement rejetant la demande ;
Ledit jugement a été interjeté d'appel par le demandeur ;
La cour d'appel a annulé le jugement interjeté d'appel et a jugé conformément à la teneur de la demande quant au principal de la créance, avec les intérêts légaux à compter de la date d'échéance, et la fixation du dédommagement à la somme de 5000 dirhams ;
Il s'agit là de l'arrêt pourvu en cassation sur la base des moyens invoqués ci-après :
Le premier moyen avec ses accessoires :
Attendu que le pourvoyant en cassation reproche à l'arrêt objet du recours ses motivations viciées valant défaut de motivations et passible de cassation, car l'arrêt pourvu en cassation a violé la motivation du jugement du premier ressort et sa réponse à cette motivation est viciée du fait qu'il est venu rappeler au juge du premier ressort qu'il y a une loi datée du 20/07/1949 qui a annulé la loi du 04/09/1947 et qui oblige tacitement de prendre en considération la lettre de change signée à blanc pour conclure par considérer que la lettre de change incomplète est valable, alors qu'il n'y a aucune preuve dans toutes les références de la législation marocaine qu'il y avait une loi du 20/07/1949 qui avait annulé celle du 04/09/1947 ;
Quoi qu'il en soit, il n'y a pas de différence entre le juge du premier ressort et la cour d'appel sur le principe de l'acceptation de la lettre de change incomplète; Seulement le premier invoque la nécessité d'un accord en pareil cas, alors que les conditions de l'affaire démontrent l'inexistence de cet accord et que le pourvu en cassation a considéré que l'exposant avait signé la lettre de change de sa propre volonté au profit du pourvoyant en cassation; L'exposant a volontairement signé l'imprimé de la lettre de change mais non pas au profit du pourvoyant en cassation comme celui-ci le prétend mais plutôt à la secrétaire comptable parmi tant d'autres lettres de changes et de chèques pour honorer des créances échues pour lesquelles il n'y avait pas de fonds disponibles ; il a été établi au vu des faits de l'affaire et du jugement correctionnel portant acquittement, que Monsieur Aa B (tireur prétendu) a présenté un billet signé à blanc au directeur de la B.M.C.E., agence de Ab Ae et lui a demandé de remplir les énonciations incomplètes selon son intérêt, qu'effectivement le responsable de la banque a accompli cette mission et l'a soumise au tireur pour la signer et que rien ne prouve que le tiré a signé cette lettre de change de sa propre volonté au profit du tireur, que la contestation sérieuse sur lasincérité et la véracité de cette lettre de change par le pourvoyant en cassation présente une preuve de ce qu'il n'avait pas donné son accord et que la cour aurait dû charger le tireur prétendu de prouver l'existence de l'accord ;
Cependant, attendu que la dénaturation susceptible d'être la cause de la cassation est bien celle ayant un effet sur l'affaire, que ce qui a été prévu par l'arrêt objet du recours concernant les motivations du jugement du premier ressort n'avait pas d'effet sur l'arrêt puisque la différence existant entre le jugement du premier ressort et l'arrêt pourvu en cassation porte en fin de compte dans son fond sur la partie qui est tenue de prouver la véracité des indications et leur faux; Le jugement du premier ressort a obligé le bénéficiaire, le tireur, à prouver l'accord survenu concernant les inscriptions faites sur la lettre de change après émission et avant échéance, alors que l'arrêt pourvu en cassation a attribué la charge de cette preuve au tiré qui avait accepté, car par sa signature il avait donné sa confiance au tireur pour remplir les parties vierges de la lettre de change conformément à un accord préalable convenu entre les deux parties ;
De même que ce qui a été indiqué par l'arrêt qui avait cité la loi du 20/07/1949 annulant la loi du 04/09/1947, n'est autre qu'un surplus qui n'a nul effet et dont la suppression ne changerait rien; De même que ce qui a été allégué par le pourvoyant en cassation disant que sa signature sur la lettre de change n'était pas apposée au profit du pourvu en cassation, a été écarté par l'arrêt dans lequel il a été établi que le pourvu en cassation est innocent de l'accusation de vol qui lui a été attribuée; L'arrêt en question est de ce fait suffisamment motivé et le moyen demeure sans fondement ;
En ce qui concerne le deuxième moyen :
Attendu que le pourvoyant en cassation reproche à l'arrêt sa violation ou du moins sa mauvaise application de l'article 134 du Code de Procédure Civile, la non application des règles de preuve légales, le défaut de fondement légal valable sous le motif que l'exposant a nié devant le tribunal que cette lettre de change ait une cause réelle, c'est à dire qu'il a nié avoir reçu des provisions de la part du tireur et que
la présomption d'acceptation qui suppose l'existence de provision est une présomption simple, puisqu'il est possible d'en prouver le contraire par la négation d'existence de provision, que le tireur faisant face à l'opposition du tiré pour le paiement pour manque de provision dans la lettre de change n'a pas établi qu'à la date de l'échéance il était créancier à l'égard du tiré du montant de la lettre de change, que le défaut de preuve du manque de provision à la date de l'échéance et le défaut d'investigation par l'arrêt objet du recours au sujet de ces questions juridiques, rendent celui-ci manquant de motivation et que ceci vaut défaut de motivations et défaut de fondement ;
Mais attendu que la relation entre les deux parties comme l'a établi l'arrêt pourvu en cassation est une relation entre un tireur bénéficiaire et un tiré acceptant, qu'au vu du quatrième paragraphe de l'article 134 du code de commerce, l'acceptation de la lettre de change suppose l'existence de provision, que cette supposition constitue une présomption simple entre le tireur et le tiré dont la preuve du contraire peut être produite par ce dernier; Or ceci n'a pas été établi ;
L'arrêt n'a donc pas violé les dispositions précitées ;
En ce qui concerne le sixième paragraphe du même article, il appartient au tireur et à lui seul de prouver en cas de désaveu que le tiré disposait de provision au moment de l'échéance ; Ceci revient alors à la relation entre le tireur et le bénéficiaire et non pas entre le tireur bénéficiaire et le tiré ; En outre, le moyen invoqué, comme indiqué à été soulevé pour la première fois devant la cour ; La contestation portant sur le motif de l'engagement ne signifie pas nécessairement la contestation portant sur l'existence de provision ;
Le moyen est donc irrecevable ;
Quant au troisième moyen :
Attendu que le pourvoyant reproche à l'arrêt la dénaturation des dispositions de l'article 63 du Code des Obligations et Contrats, la dénaturation des motivations, la violation des droits de la défense l'inversion de la charge de preuve, l'insuffisance de motivation, le défaut de fondement légal sous le prétexte que l'arrêt pourvu en cassation a prévu dans ses motivations les dispositions de l'article précité, alors que l'article à appliquer en l'affaire est bien l'article 134 du C.C., que conformément à cet article c'est le tireur qui est tenu de prouver l'existence de provision à la date de l'échéance et que la lettre de change qui n'en indique rien justifie la considération de ce que l'exposant est débiteur de la somme qui y est mentionnée, la charge de la preuve incombe alors au demandeur porteur de la lettre, car l'exposant ne peut pas lui demander d'établir un fait négatif ;
Mais attendu que ce qui a été contenu dans l'arrêt concernant le motif de l'obligation constituait une réponse à ce qui a été soulevé par les conclusions de réponse du demandeur à la requête d'appel présenté lors de l'audience du 12/07/1984, en se référant aux articles 62 à 65 du Code des Obligations et Contrats pour dire qu'il n'y avait pas de motif, en plus du fait qu'il avait rapporté dans ses motivations que le pourvoyant en sa qualité de demandeur devait produire la preuve d'inexistence de motif, or ceci n'a pas été établi ; L'arrêt a alors été conforme aux dispositions du quatrième paragraphe de l'article 134 du C.C., sans le sixième paragraphe invoqué qui ne concerne pas l'objet du fait que la preuve de l'acte négatif n'est pas possible ; L'arrêt n'a ainsi violé nulle disposition, il est valablement motivé et n'a violé aucun droit de ceux de la défense;
Le moyen invoqué est donc sans fondement valable ;
PAR CES MOTIFS
La Cour Suprême rejette la demande et laisse les dépens à la charge du pourvoyant en cassation.
Ainsi rendu l'arrêté et prononcé en l'audience publique tenue à la même date sus-indiquée, en la salle des audiences ordinaire de la Cour Suprême de Rabat, composée de :
M.Mohamed Bennani, président de la chambre,
M. El Hassan Belkhanfar, conseiller rapporteur,
M. Ahmed Hamdouch, membre conseiller,
M. Abdellah Zidane, membre conseiller,
M. Mohamed El Idrissi El Amraoui, membre conseiller,
en présence de M.Abdelouahed Serraj, avocat général
et avec l'assistance de Mme. Af Ac, secrétaire greffière.


Synthèse
Numéro d'arrêt : M1280
Date de la décision : 12/05/1993
Chambre commerciale

Analyses

Lettre de change. Signature à blanc. Rédaction des mentions. Preuve de l'accord.

La preuve de l'accord portant sur les indications consignées sur la lettre de change après émission et avant son échéance, est à la charge du tiré qui accepte, étant entendu que sa signature implique son acceptation faisant confiance au tireur afin de rempllir les cases vides conformément à l'accord préalablement conclu entre eux. L'acceptation de la lettre de change suppose la suffisance de provision. Cette supposition constitue une présomption simple entre le tireur et le tiré "dont le contraire est susceptible d'être prouvé". La contestation du motif de l'engagement ne signifie pas nécessairement la contestation de l'exstence de provision.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1993-05-12;m1280 ?
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