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30/12/1965 | MAROC | N°C170

Maroc | Maroc, Cour suprême, 30 décembre 1965, C170


Texte (pseudonymisé)
170-65/66 30 décembre 1965 11619
Les héritiers de Am Ab Aj Ab Al, Menana bent Hommad ben Salah et les héritiers de Ak Ab Aj ben Salah
c/Abderrahmane ben Aj Ab Al, Ac Ab Aj Ab Al, Ad Aj Ab Al et Aa bon Hommad ben Salah.
erCassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 1 avril 1961.
La Cour ,
SUR LE MOYEN DE CASSATION, pris par les demandeurs de la violation et fausse application de l'article 64 (second alinéa) du dahir du 12 août 1913 sur l'immatriculation des immeubles, du défaut de motifs et du manque de base légale;
Attendu que Ai Ab Aj Ab Al Ae et les héritie

rs de ses deux soeurs Am
et Ak ont assigné en paiement de dommages-intérêt...

170-65/66 30 décembre 1965 11619
Les héritiers de Am Ab Aj Ab Al, Menana bent Hommad ben Salah et les héritiers de Ak Ab Aj ben Salah
c/Abderrahmane ben Aj Ab Al, Ac Ab Aj Ab Al, Ad Aj Ab Al et Aa bon Hommad ben Salah.
erCassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 1 avril 1961.
La Cour ,
SUR LE MOYEN DE CASSATION, pris par les demandeurs de la violation et fausse application de l'article 64 (second alinéa) du dahir du 12 août 1913 sur l'immatriculation des immeubles, du défaut de motifs et du manque de base légale;
Attendu que Ai Ab Aj Ab Al Ae et les héritiers de ses deux soeurs Am
et Ak ont assigné en paiement de dommages-intérêts leurs frères Ah, Ac, Abdelkader et Aa Aj Ab Al, pour avoir fait immatriculer dolosivement à leur seul profit une partie du terrain dénommé «Ag Af» dont elles étaient copropriétaires en vertu de leurs droits dans la succession de leur père Aj Ab Al Ae;
Attendu que par décision contradictoire du 27 avril 1960 le tribunal de première instance d'Oujda a déclaré mal fondée leur demande, au motif qu'elles n'avaient invoqué aucun fait précis de dol imputable à leurs frères;
Attendu que dans leur requête d'appel, Menana bent Hommad et les héritiers de ses deux sours Am et Ak ont notamment demandé l'autorisation de rapporter la preuve des faits de dol suivants 1) «Qu'alors que la terre non immatriculée dite Ag Af appartenait aux quatre fils et aux quatre filles de Aj Ab Al Ae (dans la proportion de 18 hectares pour chaque fils et de 9 hectares pour chaque fille en vertu de leurs droits successoraux), les frères intimés décidèrent de faire établir cinq moulkias pour eux-mêmes et une seule pour leurs quatre sours, ce qui a permis la délivrance des titres fonciers numéros 9306, 9795, 9743, 9384, 11337 et 9566; 2) Que les quatre sours furent tenues à l'écart et dans l'ignorance de l"établissement des moulkias et des procédures d'immatriculation qui suivirent, menées par les quatre frères tant pour eux-mêmes que pour leurs sours; 3) Que grâce à ces immatriculations dolosives, suivies en l'absence de trois de leurs sours qui se trouvaient en Algérie et en zone espagnole, les quatre frères obtinrent la délivrance des titres fonciers numéros 9306, 9795, 9743, 9384 et 11337 qui leur donnaient la propriété de 95 hectares au lieu de 72 hectares leur revenant dans la succession de leur père »;
Attendu qu'en écartant cette offre de preuve au motif «que les manouvres reprochées aux défendeurs intimés par les demandeurs appelants ne constitueraient pas, même si elles étaient établies, les faits de dol prévus à l'article 64 (second alinéa) du dahir sur l'immatriculation des immeubles en date du 12 août 1913, et qu'il n'y a donc pas lieu d'autoriser les demandeurs à en rapporter la preuve », alors que tels qu'ils sont exposés dans la requête d'appel, les agissements des frères Hommad permettaient de retenir à leur charge de véritables manouvres frauduleuses ayant eu pour but et pour résultat de mettre à profit l'éloignement de leurs sours Menana, Am et Ak pour les dépouiller d'une partie appréciable de droits sur le terrain immatriculé, la Cour d'appel de Rabat a faussement appliqué le texte visé au moyen;
D'où il suit que l'arrêt attaqué encourt la cassation;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président : M. Deltel.__Rapporteur : M. Mendizabal.__Avocat général : M. Ruolt.__Avocats : MM. Sarrailb, Prat-Espouey.
Observations
I.-En matière contractuelle le dol est constitué par des manouvres pratiqué par l'une des parties pour tromper l'autre (v. Rép. civ. V° Dol, par Jean Boulanger). Selon l'art. 52 C.obI. Contr. le dol vicie la convention même lorsque ces manouvres ont été commises par un tiers, dès lors que la partie qui en a profité en a eu connaissance. D'autre part, le terme de «manouvres» implique un minimum de machination ou d'artifice et exclut donc le simple mensonge ou la simple réticence.
Le dol prévu à l'art. 64, al. 2,Dh. foncier répond aux mêmes caractéristiques, sous cette réserve qu'il relève du domaine délictuel et non du domaine contractuel. Il ne s'agit donc plus de manouvres
pratiquées en vue de tromper un contractant mais de manouvres destinées à permettre à un requérant d'obtenir l'immatriculation d'un immeuble en fraude des droits réels d'une autre personne sur cet immeuble, sans que le bénéficiaire et la victime du dol soient liés par un contrat (la Cour suprême a même décidé que dans le cas où le bénéficiaire de l'immatriculation est un cocontractant de la partie lésée l'existence d'un dol n'est pas nécessaire à l'exercice de l'action en dommages-intérêts, v. supra
arrêt n°130).
II-La décision des juges du fond sur l'opportunité d'une enquête ou sur la pertinence des faits
offerts en preuve échappe au contrôle de la Cour suprême lorsqu'elle est fondée sur des motifs de pur fait (v. Besson n. 2032 et s.; T.I arrêt n°72 p. 133 et arrêt n°108 p. 197). Ce contrôle s'exerce au contraire à cet égard lorsque la décision est basée sur une appréciation de droit; tel était le cas en l'espèce puisque les juges d'appel avaient rejeté la demande d'enquête au motif que les faits articulés, à les supposer établis, ne constitueraient pas le dol prévu à l'art. 64,al. 2, Dh. foncier (v. Besson n. 1986).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C170
Date de la décision : 30/12/1965
Chambre civile

Analyses

1° IMMATRICULATION__Action personnelle en dommages-intérêts Dol__Faits suffisants pour le constituer.2° ENQUETE__Opportunité__Caractère non pertinent des faits articu1és__Contrôle de la Cour suprême.

1°et 2° Par application de l'article 64, al. 2, du dahir du 12 août 1913 sur l'immatriculation des immeubles, les titulaires d'un droit réel lésés par une immatriculation peuvent, mais seulement en cas de dol, exercer une action personnelle en dommages-intérêts contre l'auteur du dol.Constitue un dol le fait pour des frères de mettre à profit l'éloignement de leurs sours afin de faire établir des moulkias leur attribuant sur un terrain indivis des quotités de droit supérieures à celles dont ils étaient titulaires et de faire immatriculer ensuite ce terrain à l'insu de leurs sours et en violation des droits de celles-ci.Par suite, doit être cassé pour fausse application de l'article précité l'arrêt qui, pour rejeter l'offre des demanderesses de prouver ces faits par en quête, énonce que, s'ils étaient établis, ces faits ne constitueraient pas le dol prévu audit article.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1965-12-30;c170 ?
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