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02/11/1965 | MAROC | N°C36

Maroc | Maroc, Cour suprême, 02 novembre 1965, C36


Texte (pseudonymisé)
36-65/66 2 novembre 1965 14 807
Rance Jean c/Société Marocaine d'Assurances.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 13 février 1963.
La Cour ,
SUR LES DEUX MOYENS DE CASSATION REUNIS, pris par le demandeur ,
Le premier, de la violation et fausse application des articles 19, 230 et 231, 914 du Code des obligations et contrats et 124 du Code de commerce, de la contradiction, du défaut et de l'insuffisance de motifs, et du manque de base légale ,
En ce que, pour refuser à l'exposant tous droits à la commission de rigueur, l'arrêt attaqué

tient pour acquis qu'aucun contrat ne serait réalisé entre assureur et assu...

36-65/66 2 novembre 1965 14 807
Rance Jean c/Société Marocaine d'Assurances.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 13 février 1963.
La Cour ,
SUR LES DEUX MOYENS DE CASSATION REUNIS, pris par le demandeur ,
Le premier, de la violation et fausse application des articles 19, 230 et 231, 914 du Code des obligations et contrats et 124 du Code de commerce, de la contradiction, du défaut et de l'insuffisance de motifs, et du manque de base légale ,
En ce que, pour refuser à l'exposant tous droits à la commission de rigueur, l'arrêt attaqué tient pour acquis qu'aucun contrat ne serait réalisé entre assureur et assurée, les volontés respectives de la Société Marocaine d'Assurances et de la Manutention Marocaine ne s'étant pas rencontrées;
alors que, après avoir reconnu que MM. Rance et Thionville avaient été chargés par la Manutention Marocaine de rechercher un assureur de sa responsabilité-loi et qu'ils avaient pris
contact à cette fin avec la Société Marocaine d'Assurances, l'arrêt attaqué déclare expressément que le projet de contrat établi par cette compagnie avait été accepté par la Manutention Marocaine,
qu'une telle constatation suffisait à marquer la rencontre des volontés, génératrice d'un accord sur les conditions essentielles du contrat d'assurance, telles qu'elles étaient fixées par la police établie par l'assureur, et acceptées par l'assurée ,
que, dès lors, MM.Rance et Thionville pouvaient valablement prétendre au salaire de leur mandat ou à la réparation du préjudice résultant pour eux de la rupture d'un accord réalisé par leur entremise;
le second, se la violation et fausse application des articles 39, 41, 44, 52 et 53 du Code des obligations et contrats, de la dénaturation des faits et des conclusions des parties, de la contradiction, du défaut ou de l'insuffisance de motifs et du manque de base légale ,
en ce que, tout en fondant le rejet de la demande sur l'inexistence d'un accord entre la Société Marocaine d'Assurances et la Manutention Ab, les volontés de celles-ci ne s'étant pas rencontrées, l'arrêt attaqué décide que la compagnie s'était à bon droit récusée pour avoir été induite en erreur lors de l'établissement de la police par des renseignements dont l'inexactitude n'aurait pas été démentie par MM. Rance et Thionville, qui les avaient fournis, relativement au nombre de sinistres graves survenus durant l'exercice écoulé;
alors que les juges du fond ne pouvaient, sans contradiction, motiver leur décision à la fois sur l'inexistence d'un accord entre assureur et assurée et sur un vice du consentement prétendu, erreur ou dol, qui aurait entaché cet accord;
et alors que l'inexactitude des renseignements fournis sur les sinistres graves antérieurs avait été formellement contestée;
et alors encore que la preuve du caractère non déterminant, au sens de l'article 41 du Code des obligations et contrats, de l'erreur alléguée, mais non établie, résultait du seul motif invoqué par la Société Marocaine d'Assurances pour ne pas donner suite à la police proposée à la Manutention Marocaine et acceptée par celle-ci à savoir une modification du tarif général;
et alors enfin qu'à l'appui de la «tromperie» dont elle prétendait avoir été victime, la Société Marocaine d'Assurances n'articulait aucune des manouvres ou réticences exigées par l'article 52 du Code des obligations et contrats;
Vu les textes visés aux moyens, et notamment les dispositions de l'article 7 de l'arrêté viziriel du 28 novembre 1934 relatives au contrat d'assurance, et les dispositions de l'article 123 du Code de commerce relatives au courtage de l'intermédiaire;
Attendu qu'il résulte des énonciations des juges du fait que Rance, courtier d'assurances chargé par la Manutention Marocaine de rechercher un assureur pour le risque «accidents du travail », avait obtenu de la Société Marocaine d'Assurances un projet de contrat dont elle avait calculé le taux compte tenu des renseignements inexacts qu'il lui avait fournis sur le risque à couvrir; que trompée sur ce point capital, la Société Marocaine a refusé de donner suite à ce projet lorsque, plusieurs mois après, la Manutention Marocaine l'a accepté; que Rance ayant assigné la Société Marocaine d'Assurances pour obtenir paiement de la commission d'usage s'élevant à 15% de la prime annuelle, et des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et matériel qu'il aurait subi, l'arrêt attaqué a rejeté sa demande, au motif notamment que l'affaire n'avait pu être menée à bonne fin «par le fait
ou la faute de Rance» qui sciemment ou non avait fourni à l'assureur des renseignements «gravement erronés» qui réduisaient de près de moitié le nombre des sinistres importants survenus durant l'exercice précédent;
Attendu qu'ayant ainsi, en vertu de leur pouvoir d'appréciation des circonstances de la cause, expressément attribué la rupture survenue entre la Société Marocaine d'Assurances et la Manutention à un manquement caractérisé de Rance à l'obligation de présenter l'affaire avec exactitude et précision que lui imposait l'article 111 du Code de commerce, les juges d'appel n'ont pas violé les textes visés aux moyens en refusant à cet intermédiaire l'octroi de la commission d'usage et l'attribution des dommages-intérêts qu'il sollicitait en réparation d'un préjudice moral et matériel; que le motif précité des juges d'appel suffisant à justifier leur décision, les griefs du pourvoi dirigés contre les autres motifs à caractère surabondant ne sauraient donner ouverture à cassation;
Que d'autre part, en déclarant que l'inexactitude des renseignements fournis sur les accidents graves antérieurement survenus n'avait pas été démentie par Rance, les juges d'appel n'ont pas dénaturé les conclusions déposées au nom de ce dernier; qu'en effet ces conclusions, se bornant à invoquer la difficulté de déterminer avec précision les accidents graves et à dénier toute mauvaise foi de la part de Rance ou de la Manutention Marocaine non appelée en cause, admettaient implicitement que le nombre indiqué d'accidents graves ne correspondait pas exactement à la réalité;
Qu'enfin c'est à tort qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué de s'être contredit en raison de ce qu'il aurait constaté à la fois l'absence d'accord entre assureur et assuré et l'existence d'un vice du consentement affectant cet accord; qu'il ressort en effet des termes dudit arrêt que les juges d'appel ont uniquement entendu affirmer qu'un vice du consentement affectant une offre ne permettrait pas la formation du contrat au cas d'acceptation ultérieure de l'offre viciée; qu'une telle opinion ne renferme pas la contradiction alléguée par le demandeur au pourvoi;
D'où il suit que, pour partie irrecevables et pour le surplus mal fondés. les moyens ne sauraient être accueillis;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Deltel.__Rapporteur : M. Colombini.__Avocat général : M. Neigel.__Avocat : MM. Lorrain, Cagnoli.
Observations
I.-Le courtier soutenait que la convention entre la compagnie d'assurances et la Manutention Ab avait bel et bien été conclue puisque l'offre faite par la première avait été acceptée par la seconde (sur les contrats par correspondance, V. T. I note sous l'arrêt n°134, p. 240); dès lors, invoquant les dispositions des art. 123 et 124 C. com. Selon lesquelles la commission est due dès la conclusion de l'affaire même si le contrat vient à être résolu, le courtier réclamait à la compagnie d'assurances, selon lui responsable de cette résolution, d'une part la commission d'usage, d'autre part des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il prétendait avoir subi.
Mais, n'ayant pas exécuté sa propre obligation de présenter l'affaire avec exactitude et précision, il n'était fondé ni à obtenir sa commission ni à se plaindre d'une rupture causée par sa propre faute.
II.-Sur la dénaturation, V. T. I note sous l'arrêt n°126, p. 227 et notes III et IV sous l'arrêt n°162, p. 284.
III.-La contradiction entre motifs de fait entraîne la cassation.
II en est de même de la contradiction entre motif de fait motif de droit : une telle contradiction constitue en effet un manque de base légale.
Au contraire, la contradiction entre deux motifs de droit n'entraîne pas en principe l'annulation
de la décision, car le juge de cassation peut faire abstraction des motifs de droit erronés pour ne retenir que ceux qui justifient le dispositif (sur ces questions, V. Aa n. 2185 et s.).
En l'espèce le demandeur au pourvoi invoquait une contradiction entre deux motifs de fait, mais cette contradiction n'était qu'apparente et ne pouvait dès lors entraîner la cassation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C36
Date de la décision : 02/11/1965
Chambre civile

Analyses

1° COURTIER-Obligation du courtier-Obligation de présenter l'affaire avec exactitude et précision-Violation-Effets.2° JUGEMENT ET ARRET-Conclusions des parties-Dénaturation (non). 3° JUGEMENT ET ARRET-Motivation-Motifs contradictoires (non).

1° Il résulte des dispositions de l'article 111 du Code de commerce que le courtier doit présenter l'affaire avec exactitude et précision.En conséquence, lorsqu'une compagnie d'assurances a établi un projet de contrat au vu des renseignements fournis par un courtier, et que, s'étant aperçue de leur inexactitude, elle a refusé de donner suite à ce projet, une Cour d'appel rejette à bon droit la demande que le courtier responsable avait formée contre cette compagnie en vue d'obtenir le paiement de la commission d'usage et des dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral à lui prétendument causés par la rupture survenue entre les parties.2° En énonçant que ce courtier ne contestait pas l'inexactitude des renseignements par lui fournis à la compagnie d'assurances, cette Cour d'appel n'a pas dénaturé les conclusions par lesquelles il s'était borné à dénier toute mauvaise foi et à invoquer la difficulté de déterminer avec précision le nombre des sinistres antérieurement survenus dans l'entreprise à assurer.3° L'absence d'accord entre les parties et l'existence d'un vice du consentement affectant cet accord ne sauraient sans contradiction être constatées en même temps.Mais n'est pas entachée de contradiction la décision affirmant seulement que le vice du consentement qui affectait une offre n'a pas permis la formation du contrat malgré l'acceptation ultérieure de l'offre ainsi viciée.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1965-11-02;c36 ?
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