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26/10/1965 | MAROC | N°C19

Maroc | Maroc, Cour suprême, 26 octobre 1965, C19


Texte (pseudonymisé)
19-65/66 26 octobre 1965 16 033
Société «Les Etablissements Alta» c/Chaïr Aa Ac.c.
Rejet du pourvoi formé contre un jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 27 juin 1963.
( Extrait)
La Cour ,
SUR LES DEUX PREMIERS MOYENS DE CASSATION REUNIS, pris par la demanderesse,
le premier, «du défaut de motifs et du manque de base légale, de la violation des dispositions de l'article 189 du Code de procédure civile,
« en ce que le jugement attaqué se borne à déclarer que la clause dite de frais irrépétibles de procédure de 25% de la somme à recouv

rer constitue une stipulation illicite et ne pouvait être soumise à la procédure d'injo...

19-65/66 26 octobre 1965 16 033
Société «Les Etablissements Alta» c/Chaïr Aa Ac.c.
Rejet du pourvoi formé contre un jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 27 juin 1963.
( Extrait)
La Cour ,
SUR LES DEUX PREMIERS MOYENS DE CASSATION REUNIS, pris par la demanderesse,
le premier, «du défaut de motifs et du manque de base légale, de la violation des dispositions de l'article 189 du Code de procédure civile,
« en ce que le jugement attaqué se borne à déclarer que la clause dite de frais irrépétibles de procédure de 25% de la somme à recouvrer constitue une stipulation illicite et ne pouvait être soumise à la procédure d'injonction ,
« alors que toute décision de justice doit contenir les motifs de fait et de droit sur lesquels elle
se fonde et qu'en l'occurrence si le jugement déclare nulle la deuxième clause de 5 dirhams par mois de retard en raison de son caractère usuraire, par contre il n'indique nullement pour quel motif la clause dite de frais irrépétibles de procédure serait illicite »;
le deuxième, «de la violation des dispositions de l'article 230 du Code des obligations et contrats et de l'article 878 du même Code, de la dénaturation des conventions ,
« en ce que les deux clauses contractuelles ont été déclarées illicites et la deuxième en particulier usuraire,
« alors que l'article 230 du Code des obligations et contrats stipule que les conventions font la loi des parties et que l'article 878 du même Code n'édicte des sanctions civiles et pénales qu'à l'égard des conventions de prêt, à l'exclusion de tous autres contrats et notamment des contrats de vente, et qu'au surplus la société exposante n'a nullement abusé de son cocontractant qui a agi en toute liberté et en pleine connaissance de cause »;
Vu lesdits articles et l'article 62 du Code des obligations et contrats;
Vu l'article 1er, alinéa 2, du dahir du 9 octobre 1913, modifié par le dahir du 16 juin 1950 aux termes duquel; «Le maximum des intérêts conventionnels en matière civile et commerciale est fixé à dix pour cent »;
Attendu que la société Alta a fait injonction à Ab Aa, auquel elle avait vendu un immeuble à crédit, de lui payer le solde du prix consistant en huit effets acceptés de 40 DH, les intérêts à 10% à compter de leur échéance, et deux indemnités prévues au contrat, l'une de 5 DH «par mois de retard» pour chaque traite impayée, l'autre de 25% de la somme à recouvrer «pour frais irrépétibles»; que Ab Aa n'ayant pas formé contredit à l'ordonnance d'injonction, a régulièrement frappé d'appel l'ordonnance d'exécution; qu'il a reconnu devoir la somme en principal, augmentée des intérêts à 6 %, mais a soutenu que la demande en paiement des deux indemnités susvisées constituait une réclamation déguisée d'intérêts illicites; que le jugement d'appel attaqué, faisant droit à ce moyen, a annulé la procédure d'injonction et a condamné la société Alta aux dépens, au motif que lesdites clauses constituaient des «stipulations illicites» et que «la seule clause de 5 DH payables par mois, pour défaut de paiement d'un effet de 40 DH à son échéance, aboutit à un intérêt annuel de 150% largement usuraire »;
Attendu que le second alinéa de l'article 1er du dahir du 9 octobre 1913, qui fixe au taux maximum de 10% les intérêts conventionnels en matière civile et commerciale, s'applique non seulement aux conventions de prêt mais également à tout contrat donnant naissance à une obligation de payer un capital restant dû pendant un certain temps, tel la vente à crédit;
Que par suite les juges d'appel ont à bon droit déclaré illicites les deux clauses précitées, après avoir constaté qu'elles prévoyaient des intérêts conventionnels supérieurs au taux légal autorisé;
Attendu d'autre part que si l'article 230 du Code des obligations et contrats prescrit que «les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », l'article 62 du même Code prévoit que «l'obligation sans cause ou fondée sur une cause illicite est non avenue »; que dès lors les juges d'appel, en constatant le caractère illicite de ces clauses contraires au dahir du 9 octobre 1913 et en faisant droit au moyen de défense tiré de leur nullité, n'ont pas violé les textes visés au moyen;
D'où il suit que les deux premiers moyens doivent être rejetés;
....................................
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Deltel.__Rapporteur : M. Carteret.__Avocat général : M. Neigel.__Avocat : MeVallet.
Observations
I.-Certaines entreprises commerciales offrent pour une somme minime versée comptant des objets qu'une publicité habile fait désirer par une clientèle modeste et parfois inexpérimentée; le contrat prévoit des versements échelonnés qui dépassent souvent les possibilités de l'acheteur et stipule sous forme de pénalité et de frais de recouvrement des intérêts excessifs en cas de retard dans le règlement des échéances.
Comme le décide l'arrêt rapporté, la combinaison des dispositions des art. 62 C. obl. Contre. Et 1er DH. 9 oct. 1913 permet à l'acheteur d'obtenir l'annulation de ces clauses lorsqu'elles aboutissent à un taux d'intérêt réel supérieur à 10 %.
En outre le vendeur pourrait être condamné pénalement par application des art. 878 C. obl. Contr. Et 1er DH. 31 août 1926, s'il était établi que l'intérêt stipulé «dépasse notablement le taux normal et la valeur du service rendu» et si la preuve était rapportée d'un abus «des besoins, de la faiblesse d'esprit, ou de l'inexpérience» de l'acheteur.
II.__V. T. I note sous l'arrêt n°115, p. 211.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C19
Date de la décision : 26/10/1965
Chambre civile

Analyses

1° INTERETS DES CAPITAUX-Intérêt conventionnel-Taux maximum-Application à la vente à crédit.2° CONTRATS ET CONVENTIONS-Clause illicite-Nullité.

1° Le second alinéa de l'article 1er du dahir du 9 octobre 1913 qui fixe au taux maximum de 10% les intérêts conventionnels en matière civile et commerciale s'applique non seulement aux conventions de prêt, mais également à tout contrat donnant naissance à une obligation de payer un capital restant dû pendant un certain temps, tel la vente à crédit.2° Si, selon l'article 230 du Code des obligations et contrats, les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, l'article 62 du même Code dispose que l'obligation sans cause ou fondée sur une cause illicite est non avenue.Par suite, ne viole pas les dispositions du premier de ces textes et fait une exacte application du second, la Cour d'appel qui, constatant le caractère illicite des clauses d'un contrat de vente à crédit prévoyant des intérêts conventionnels supérieurs au taux légal autorisé, fait droit au moyen de défense que l'acheteur tirait de la nullité de ces clauses.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1965-10-26;c19 ?
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