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22/07/1965 | MAROC | N°P1896

Maroc | Maroc, Cour suprême, 22 juillet 1965, P1896


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur le pourvoi formé par Af Ab contre un arrêt rendu le 27 avril 1965 par la Cour d'appel de Rabat qui a condamné Saïd ben Messaoud ben Saïd, sous la substitution de la compagnie d'assurances L'Aigle, à lui payer la somme de 15.000 dirhams à titre de dommages- intérêts, en réparation du préjudice à lui causé par le décès de son épouse, victime d'un accident de la circulation.
22 juille 1965
Dossier n°20105
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION pris de la « violation des articles 347 et 352du dahir de procédure pénale, 78 du Code des obligations et

contrats et des règles du droit mosaïque, de la violation de la loi, du défaut...

Cassation sur le pourvoi formé par Af Ab contre un arrêt rendu le 27 avril 1965 par la Cour d'appel de Rabat qui a condamné Saïd ben Messaoud ben Saïd, sous la substitution de la compagnie d'assurances L'Aigle, à lui payer la somme de 15.000 dirhams à titre de dommages- intérêts, en réparation du préjudice à lui causé par le décès de son épouse, victime d'un accident de la circulation.
22 juille 1965
Dossier n°20105
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION pris de la « violation des articles 347 et 352du dahir de procédure pénale, 78 du Code des obligations et contrats et des règles du droit mosaïque, de la violation de la loi, du défaut de motifs et du manque de base légale »:
Attendu qu'Amar sollicitait la réparation du préjudice qu'il prétendait avoir subi du fait de l'application des règles successorales de son statut personnel israélite, rendue selon lui plus onéreuse en raison de ce que le décès accidentel de son épouse était survenu prématurément, alors que les deux enfants nés du mariage n'avaient pas atteint leur majorité; que l'existence de ce préjudice était contestée par Saïd ben Messaoud et la compagnie L'Aigle, qui prétendaient notamment qu'Amar n'avait pu s'appauvrir en garantissant à ces enfants, quel que fût leur âge, la délivrance de l'équivalent de la part de droits indivis dont sa femme était de son vivant titulaire, et qui alléguaient en outre qu'un tel préjudice se trouvait sans rapport direct avec l'infraction;
Attendu que les juges répressifs, auxquels il eut normalement incombé dans ces conditions de rechercher en premier lieu Si les documents versés par Amar aux débats justifiaient de l'existence ainsi contestée du préjudice allégué, ont écarté la demande d'Amar sur ce point, en déclarant que ce préjudice, eût-il existé, ne pouvait être indemnisé puisqu'il n'était pas « le fait » de l'auteur de l'accident mortel et que ce dernier, s'il avait avancé la liquidation du patrimoine commun, n'avait été que « la cause indirecte » du préjudice pouvant résulter de cette opération;
Attendu que si l'exercice de l'action civile devant les tribunaux répressif est un droit exceptionnel restreint par l'article 7 du Code de procédure pénale à la réparation du dommage «directement causé par l'infraction», il appartient aux juges répressifs, lorsqu'ils affirment le caractère indirect du préjudice allégué, de déterminer ce caractère par des constatations suffisamment précises pour permettre au juge de cassation d'exercer son contrôle à cet égard;
Qu'en statuant comme ils l'ont fait, sans indiquer les considérations leur ayant permis d'admettre que le préjudice invoqué par Amar, notamment en raison de la fin prématurée de l'indivision conjugale, ne se serait rattaché au délit que par l'effet d'une obligation distincte et séparable de celui- ci, les juges répressifs n'ont pas mis la Cour suprême en mesure d'exercer son contrôle et n'ont pas justifié le caractère indirect qu'ils ont, par voie d'affirmation, attribué à ce préjudice;
D'où il suit que manquant ainsi de base légale, l'arrêt attaqué encourt la cassation en ses dispositions civiles concernant le demandeur, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le deuxième moyen de cassation;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties, mais quant aux intérêts civils de Ab Af seulement, l'arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 27 avril1965.
Président : M. Deltel.-Rapporteur:M. Martin.-Avocat général :
M. Ruolt.-Avocats : MM. Bayssière et Ae, Petit, Lorrain, Benzaquin.
Observations
Aux termes de l'art. 7 C. proc. pén. : « L'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement subi un dommage corporel, matériel ou moral, directement causé par l'infraction ».
L'action civile devant la juridiction répressive n'est donc recevable qu'autant que la partie qui l'exerce a subi un préjudice personnel et actuel, résultant directement de l'infraction elle-même par une relation de cause à effet (Le Poittevin, Art. 1er, nos 383 s.; Rép. crim, V° Action civile, par Ac Aa, nos 26 s.; Donnedieu de Vabres, n°1122; Bouzat et Pinatel, 2, n°1000; Garraud, 2, 107-11 Ad et Levasseur, 2, n°137; Vitu, p. 151).
La juridiction de cassation exerce son contrôle sur la relation de cause à effet existant entre la faute et le préjudice (V. la note sous l'arrêt n°1668 du 18 juin 1964 et les références citées).
Ainsi la Chambre criminelle a déjà décidé que l'action civile exercée devant les juridictions répressives par une compagnie d'assurances pour le remboursement des sommes versées à son assuré en vertu d'un contrat d'assurance « tous risques » était irrecevable, car le préjudice subi par cette compagnie ne résultait pas directement de l'infraction mais du contrat d'assurance (Arrêts nos579 du 10 mars 1960, Rec. Crim. t. 1.243; 744 du 10 nov. 1960, Rec. Crim. t. 2. 61 et la note (IV), p. 65).
Pour permettre à la Cour suprême d'exercer son contrôle, les juges du fond qui affirment le caractère indirect du préjudice allégué par la partie civile, doivent donc énoncer les constatations de fait, précises et non contradictoires, desquelles ils ont déduit ce caractère (Sur l'insuffisance de motifs ou manque de base légale, v. la note (III A) sous l'arrêt n°1220 du 8 nov. 1962).


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1896
Date de la décision : 22/07/1965
Chambre pénale

Analyses

1° ACTION CIVILE-Conditions tenant au préjudice servant de fondement à l'action civile- Partie personnellement et directement lésée par l'infraction, base de la poursuite- Affirmation d'un préjudice indirect-Constatations nécessaires.2° JUGEMENTS ET ARRETS-Motifs insuffisants-Action civile-Préjudice indirect.

1° et 2° Si l'exercice de l'action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel restreint par l'article 7 du Code de procédure pénale à la réparation du dommage « directement causé par l'infraction », il appartient aux répressif, lorsqu'ils affirment le caractère indirect du préjudice allégué, de déterminer ce caractère par des constatations suffisamment précises pour permettre au juge de cassation d'exercer son contrôle à cet égard.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1965-07-22;p1896 ?
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