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08/07/1965 | MAROC | N°P1885

Maroc | Maroc, Cour suprême, 08 juillet 1965, P1885


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur le pourvoi formé par le procureur général près la Cour d'appel de Rabat contre un arrêt rendu le 4 mars 1965 par la Chambre d'accusation de ladite Cour qui a infirmé une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction de Casablanca du 19 janvier 1965, a ordonné la poursuite de

l'information par le magistrat instructeur, lui a renvoyé le dossier de la procédure et a condamné la société Unigral aux dépens.
8 juillet 1965
Dossier n°19701
La Cour,
Vu les dispositions de l'article 127 du Code pénal approuvé par dahir du 26 novembre 1962 relatives à

la responsabilité pénale des personnes morales;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI :
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Cassation sur le pourvoi formé par le procureur général près la Cour d'appel de Rabat contre un arrêt rendu le 4 mars 1965 par la Chambre d'accusation de ladite Cour qui a infirmé une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction de Casablanca du 19 janvier 1965, a ordonné la poursuite de

l'information par le magistrat instructeur, lui a renvoyé le dossier de la procédure et a condamné la société Unigral aux dépens.
8 juillet 1965
Dossier n°19701
La Cour,
Vu les dispositions de l'article 127 du Code pénal approuvé par dahir du 26 novembre 1962 relatives à la responsabilité pénale des personnes morales;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI :
Vu l'article572 du Code de procédure pénale;
Attendu que bien que rédigé en termes généraux, l'alinéa 1de cet article ne s'oppose pas à l'examen par le juge de cassation de celles des dispositions de la décision attaquée qui, apparemment avant dire droit, ordonnent des mesures d'instruction dans des conditions contraires aux lois et sont ainsi de nature à entraver le cours normal de la justice;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris par le demandeur de «la violation des dispositions de l'article 226 du Code de procédure pénale » etSUR LE MOYEN RELEVE D'OFFICE, pris de la contradiction dans le dispositif de la décision attaquée :
Vu ledit article 226 (alinéa 1er) d'après lequel les suppléments d'information ordonnés par la Chambre d'accusation doivent être effectués par un membre de cette Chambre ou par le juge d'instruction qu'elle délègue à cet effet;
Attendu que, par arrêt du 4 mars 1965, la Chambre d'accusation a déclaré bien fondé l'appel interjeté par la Société Huilière Annexe contre une ordonnance de non-lieu du 19 janvier 1965, et a cru pouvoir infirmer immédiatement cette ordonnance, bien qu'elle ordonne la poursuite de l'information par le même juge d'instruction;
Attendu qu'en statuant ainsi la Chambre d'accusation a entaché de contradiction le dispositif de son arrêt, puisque sa décision d'infirmation implique nécessairement qu'elle disposait d'éléments d'appréciation déterminants lui permettant de fonder une conviction opposée à celle du magistrat instructeur, alors précisément que les nouvelles investigations par elle ordonnées démontrent au contraire qu'elle ne se trouvait pas en possession de tels éléments;
e r) précité en ordonnant au juge d'instruction de poursuivre l'information après qu'elle se fut dessaisie par son arrêt infirmatif vidant l'appel; qu'il lui incombait en effet, si elle entendait confier au magistrat instructeur le soin de procéder à des actes d'information complémentaires, de donner délégation à ce juge d'instruction en vue uniquement d'investigations dont les résultats auraient été destinés à lui permettre des statuer elle-même ultérieurement sur l'appel;
Que d'autre part la Chambre d'accusation a violé les dispositions de l'article 226 (alinéa 1 d'où il suit que l'arrêt attaqué encourt la cassation en toutes ses dispositions, sans qu'il soit dès lors nécessaire d'examiner le deuxième moyen de cassation dirigé contre la disposition de cet arrêt qui a cru pouvoir condamner la société Union Industrielle des Grandes Huileries aux dépens bien qu'elle n'ait jamais eu la qualité de partie à l'instance;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties au présent pourvoi, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Rabat du 4 mars 1965.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Carteret.-Avocat général :
M. Ruolt.-Avocats :MM. Renucci, Bayssière, de Monaghan.
Observations
I.-Sur le premier point.-V. la note (II) sous l'arrêt n°1338 du 28 févr. 1963.
Il.-Sur les deuxième et troisième points.-V. la note (II) sous l'arrêt n°1357 du 21 mars 1963.
III.-Sur les quatrième et cinquième points :
A.-Sur la contradiction dans les motifs, ou dans le dispositif ou entre les motifs et le dispositif d'une décision judiciaire, v. la note (A) sous l'arrêt n°1279 du 3 janv. 1963.
La contradiction relevée par la Chambre criminelle était évidente : le supplément d'information doit en effet précéder nécessairement le règlement de la procédure par la Chambre d'accusation qui ne peut logiquement infirmer d'abord une ordonnance de non-lieu puis ordonner des actes complémentaires d'instruction dont l'objet est précisément de permettre de vérifier le bien-fondé ou le mal-fondé de l'ordonnance entreprise.
Son arrêt, vidant l'appel de l'ordonnance de règlement, la dessaisissait de la procédure et elle n'avait plus dès lors aucun pouvoir pour ordonner un supplément d'information.
B.-Pour compléter une instruction, la Chambre d'accusation peut soit « ordonner tous actes d'information complémentaires » en vertu de l'art. 222, al. 1er, C. proc. pén, soit ordonner un supplément d'information, mais, dans ces deux cas, elle est tenue de se conformer aux dispositions de l'art. 226, al. ler, du même Code aux termes duquel : « Il est procédé aux suppléments d'information, conformément aux dispositions relatives à l'instruction préalable, soit par un des membres de la Chambre d'accusation, soit par le juge d'instruction qu'elle délègue à cet effet ».
Avant l'infirmation de l'ordonnance de non-lieu, une telle délégation aurait donc pu être donnée au juge d'instruction.
Mais si la délégation confère au magistrat délégué des attributions d'instruction, qu'il appartient à la Chambre d'accusation de fixer et qui peuvent être aussi larges que celles d'un juge d'instruction procédant à une information, elle ne donne au délégué aucun pouvoir de juridiction.
Aussi le pouvoir de statuer sur le règlement de la procédure appartient à la Chambre d'accusation et non au magistrat délégué, qui ne peut notamment rendre une ordonnance de non-lieu ou de renvoi devant une juridiction de jugement (V. Crim. 26 juil. 1955, B.C. 366). Lorsque l'information pour laquelle il a été commis est terminée, le délégué doit se borner à en informer la Chambre d'accusation qui « ordonne le dépôt au greffe de la procédure » (art. 229, al.1er, C. proc. pén.) et règle elle-même la procédure après qu'il ait été satisfait aux exigences des al. 2 et 3 de l'art. 229 et des art. 219 et 220 du même Code.
Or la. formule du dispositif de l'arrêt : « Ordonne la poursuite par le magistrat instructeur de l'information; lui renvoie le dossier de la procédure », impliquait nécessairement un dessaisissement de la part de la Chambre d'accusation et, par voie de conséquence, une nouvelle saisine du juge d'instruction, tous deux contraires aux dispositions de l'art. 226 C. proc. pén.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1885
Date de la décision : 08/07/1965
Chambre pénale

Analyses

1° CASSATION-Moyens de cassation-Moyens d'office-Conditions -Cas. 2°CASSATION-Décisions susceptibles de pourvoi-Décisions définitives-Décisions avant dire droit-Décisions apparemment avant dire droit, ordonnant des mesures d'instruction dans des conditions contraires aux lois et étant ainsi de nature à entraver le cours normal de la justice.3° JUGEMENTS ET ARRETS AVANT DIRE DROIT-Pourvoi en cassation-Décisions apparemment avant dire droit, ordonnant des mesures d'instruction dans des conditions contraires aux lois et étant ainsi de nature à entraver le cours normal de la justice.4° CHAMBRE D'ACCUSATION-Supplément d'information : a) Ordonnance de non-lieu-Infirmation immédiate-Contradiction avec la disposition ordonnant la poursuite de l'information par le même juge d'instruction; b) Délégation-Membre de la Chambre d'accusation ou juge d'instruction.5° JUGMENTS ET ARRETS- a) Contradiction de motifs-Ordonnance de non-lieu-Infirmation immédiate-Contradictionavec la disposition ordonnant la poursuite de l'information. b) Violation de la loi-Chambre d'accusation.

1° Un moyen de cassation peut être relevé d'office contre une disposition de la décision qui touche à l'ordre public.Il en est ainsi en cas de contradiction dans le dispositif de la décision attaquée.2° et 3° Bien que rédigé en termes généraux, l'alinéa 1er de l'article 572 du Code de procédure pénale ne s'oppose pas à l'examen par le juge de cassation de celles des dispositions de la décision attaquée qui, apparemment avant dire droit, ordonnent des mesures d'instruction dans des conditions contraires aux lois et sont ainsi de nature à entraver le cours normal de la justice.4° et 5° a) La Chambre d'accusation qui déclare bien fondé l'appel interjeté par la partie civile contre une ordonnance de non-lieu et infirme immédiatement cette ordonnance, bien qu'elle ordonne la poursuite de l'information par le même juge d'instruction, entache de contradiction le dispositif de son arrêt, puisque sa décision d'infirmation implique nécessairement qu'elle disposait d'éléments d'appréciation déterminants lui permettant de fonder une conviction opposée à celle du magistrat instructeur, alors précisément que les nouvelles investigations par elle ordonnées démontrent au contraire qu'elle ne se trouvait pas en possession de tels éléments.b) L'article 226, alinéa 1er, du Code de procédure pénale prescrit qu'il est procédé aux suppléments d'information soit par un membre de la Chambre d'accusation, soit par le juge d'instruction qu'elle délègue à cet effet.La Chambre d'accusation viole les dispositions de cet article en ordonnant au juge d'instruction de poursuivre l'information après qu'elle se fut dessaisie par un arrêt infirmatif vidant l'appel.Il lui incombait en effet, si elle entendait confier au magistrat instructeur le soin de procéder à des actes d'information complémentaires, de donner délégation à ce juge d'instruction en vue uniquement d'investigations dont les résultats auraient été destinés à lui permettre de statuer elle-même ultérieurement sur l'appel.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1965-07-08;p1885 ?
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