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11/05/1965 | MAROC | N°C280

Maroc | Maroc, Cour suprême, 11 mai 1965, C280


Texte (pseudonymisé)
280-64/65 11 mai 1965 11 638
Af Ah Aa A Ab et autres c/Goube Marguerite et autres
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 9 juin 1962.
La Cour,
SUR LES TROIS MOYENS REUNIS, LE DEUXIEME PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
Attendu qu'il résulte de la procédure et de l'arrêt confirmatif attaqué (Rabat 9 juin 1962) en ses énonciations qui intéressent le pourvoi, que Ad Ae Ai a obtenu l'immatriculation à son profit d'un terrain dont il avait antérieurement vendu une parcelle à Si Ac Ag; que par la suite les héritiers de celui-ci ont cédé ladite par

celle à dame Goube; que cette dernière en ayant été judiciairement expulsée ...

280-64/65 11 mai 1965 11 638
Af Ah Aa A Ab et autres c/Goube Marguerite et autres
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 9 juin 1962.
La Cour,
SUR LES TROIS MOYENS REUNIS, LE DEUXIEME PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
Attendu qu'il résulte de la procédure et de l'arrêt confirmatif attaqué (Rabat 9 juin 1962) en ses énonciations qui intéressent le pourvoi, que Ad Ae Ai a obtenu l'immatriculation à son profit d'un terrain dont il avait antérieurement vendu une parcelle à Si Ac Ag; que par la suite les héritiers de celui-ci ont cédé ladite parcelle à dame Goube; que cette dernière en ayant été judiciairement expulsée comme occupante sans droits ni titres, a assigné, en restitution du prix et en paiement de dommages-intérêts, ses vendeurs qui ont appelé en garantie les héritiers de Ad Ae;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir fait droit à cette dernière demande, aux motifs que
les dispositions de l'article 64 du dahir du 12 août 1913 sur l'immatriculation des immeubles ne faisaient pas obstacle à l'exercice de l'appel en cause effectué par les consorts Ag, fondé sur la garantie dont tout acheteur est bénéficiaire et qui ne peut disparaître à la suite d'une immatriculation en l'absence d'un texte attribuant à cette mesure un tel effet, alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles 62 et 64 du dahir précité que l'éventuelle action en garantie pouvant exister au profit des consorts Ag et qui aurait trouvé sa base dans leur acte d'achat, avait disparu du fait de l'immatriculation intervenue postérieurement;
Mais attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, loin de violer les textes susvisés, la Cour d'appel en a fait une exacte application, dès lors que, par leur action, les consorts Ag ne revendiquaient pas sur l'immeuble un droit réel qui avait été en effet définitivement purgé par l'immatriculation, mais se bornaient à poursuivre contre les ayants cause de leur vendeur Ad Ae l'exécution des obligations contractées par leur auteur, lequel, en dépit de l'immatriculation, demeurait inter partes tenu par ses engagements, et, faute de les avoir respectés, devait à ses cocontractants réparation du préjudice que leur avait causé sa carence;
Et attendu que l'arrêt se trouvant par ce seul motif légalement justifié, il y a lieu de faire abstraction des motifs critiqués par le deuxième et le troisième moyens, dans lesquels la Cour d'appel envisage l'hypothèse, non réalisée, où les consorts Ag auraient fondé leur action sur le dol, et qui doivent être tenus pour surabondants;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Ammor.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Benchetrit, Fernandez et Botbol, Bruno.
Observations
L'immatriculation annule et purge tous les droits antérieurs non mentionnés sur le titre foncier (art. 2 Dh. foncier), et ce titre «forme le point de départ unique des droits réels et des charges foncières existant sur l'immeuble au moment de l'immatriculation, à l'exclusion de tous autres droits non inscrits» (art. 62). «Aucun recours ne peut être exercé sur l'immeuble à raison d'un droit lésé par suite d'une immatriculation» (art. 64, al. 1); toutefois «les intéressés peuvent, mais seulement en cas de dol, exercer une action personnelle en dommages-intérêts contre l'auteur du dol» (art. 64, al. 2).
Ces dispositions excluent la possibilité pour l'acheteur d'un immeuble immatriculé au nom du vendeur postérieurement à la vente, de revendiquer l'immeuble lui-même. Elles lui permettent, au contraire, d'exercer une action personnelle en dommages-intérêts contre le vendeur dont le dol est établi.
La preuve de ce dol paraît devoir être déduite nécessairement du simple fait que le vendeur a
fait immatriculer l'immeuble à son nom. La Cour suprême aurait donc pu en l'espèce rejeter le pourvoi des héritiers du vendeur en se bornant constater que la condition exigée par l'art. 64, al. 2 était remplie. Elle a préféré cependant adopter une solution différente qui donne à son arrêt valeur de principe.
En effet, il résulte de sa décision que, pour l'application de la disposition susvisée, il convient de faire une distinction entre les tiers et les parties contractantes, entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle. Autrement dit, lorsque le demandeur lésé par l'immatriculation dirige son action contre une personne qui n'avait contracté avec lui aucune obligation, c'est-à-dire lorsqu'il agit sur le plan délictuel, la recevabilité de sa demande est subordonnée à la preuve d'un dol, comme il est prévu à l'art. 64, al. 2, Dh. Foncier; au contraire ce texte n'est pas applicable et le demandeur n'a pas à rapporter cette preuve lorsque son action est fondée sur la violation d'une obligation contractuelle du défendeur à son égard.
Cette interprétation restrictive se justifie par l'idée que malgré les termes généraux du texte susvisé (« les intéressés peuvent, mais seulement en cas de dol.» et non «les tiers peuvent. »), le législateur n'a certainement pas entendu permettre au titulaire du titre foncier de se soustraire aux obligations et garanties contractuelles prévues par le Code des obligations et contrats.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C280
Date de la décision : 11/05/1965
Chambre civile

Analyses

IMMATRICULATION-Action personnelle en dommages-intérêts-Action contractuelle fondée sur l'obligation de garantie du vendeur-Conditions-Dol non nécessaire.

L'immatriculation d'un immeuble intervenue au nom du vendeur postérieurement à la vente ne fait pas disparaître l'obligation de garantie dont le vendeur était tenu à l'égard de l'acheteur.Par suite, et nonobstant les dispositions de l'article 64 du dahir du 12 août1913 sur l'immatriculation des immeubles, l'acheteur lésé par cette immatriculation est recevable et fondé, même en l'absence de dol, à réclamer à son vendeur des dommages-intérêts à raison de la violation de ses obligations contractuelles.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1965-05-11;c280 ?
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