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01/04/1965 | MAROC | N°P1805

Maroc | Maroc, Cour suprême, 01 avril 1965, P1805


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par A Ab contre un jugement rendu le 27 avril 1964 par le tribunal de première instance de Casablanca qui, infirmant partiellement un jugement du tribunal de paix de Casablanca-sud du 5 juin 1963 a déclaré A Ab civilement responsable de guiral Hervé et a substitué la société marocaine d'assurances à A Ab pour le paiement des condamnations civiles prononcées au profit de Ayoub tawfik, partie civile.
1er avril 1965
Dossier n°18284
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris de la « violation de l'article 452 du dahirformant code des obligations

et contrats et des règles de l'autorité de la chose jugée, de l'excès ...

Rejet du pourvoi formé par A Ab contre un jugement rendu le 27 avril 1964 par le tribunal de première instance de Casablanca qui, infirmant partiellement un jugement du tribunal de paix de Casablanca-sud du 5 juin 1963 a déclaré A Ab civilement responsable de guiral Hervé et a substitué la société marocaine d'assurances à A Ab pour le paiement des condamnations civiles prononcées au profit de Ayoub tawfik, partie civile.
1er avril 1965
Dossier n°18284
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris de la « violation de l'article 452 du dahirformant code des obligations et contrats et des règles de l'autorité de la chose jugée, de l'excès de pouvoir, du défaut de motifs et du manque de base légale.
En ce que le jugement attaqué a infirmé le jugement du tribunal de paix du 5 juin 1963 mettant hors de cause A et la société Marocaine d'Assurances, motif pris de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 21 septembre 1960.
Alors que l'exception de chose jugée n'avait pas été soulevée par la partie civile et que, s'agissant d'intérêts civils, le tribunal ne pouvait la suppléer d'office.
Et alors que d'autre part, l'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux dispositions d'un jugement sur la portée desquelles il ne peut y avoir de toute et qui sont susceptibles d'exécutions, ce qui n'était pas le cas pour les dispositions auxquelles le jugement attaqué s'est référé » :
Vu ledit article;
Attendu que, saisi de l'appel interjeté par Ayoub, partie civile, contre un jugement du tribunal
de paix de Casablanca-sud du 5 juin 1963 qui avait mis hors de cause A, et constatant qu'au cours d'une phase antérieure du même procès ce tribunal, par une décision du 21 septembre 1960 non frappée d'appel et devenue irrévocable, avait déclaré A civilement responsable du prévenu Guiral, le tribunal de première Instance de Casablanca a sur ce point infirmé à bon droit la décision du 5 juin 1963 et fait produire ses effets légaux au jugement du 21 septembre 1960;
Qu'en effet en tranchant sur le fond le 21 septembre 1960, par une disposition nette et précise ayant une valeur décisoire intrinsèque la contestation soulevée par les conclusions de A en ce
qui concerne sa responsabilité civile, le tribunal de paix avait épuisé sa saisine sur ce point et ne pouvait donc, puisqu'il en était dessaisi, y revenir dans sa décision ultérieure du 5 juin 1963;
Que d'autre part, les dispositions de l'article 452 du code des obligations et contrats, invoquées par le demandeur et relatives à l'exception de chose jugée, supposent nécessairement l'existence de deux procès distincts, et ne peuvent recevoir application au cours d'un même procès, fût-il, comme en la cause, scindé en plusieurs phases;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par A Ab contre le jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 27 avril 1964.
Président : M.Deltel.-Rapporteur : M.Carteret-Avocat général : M.Ruolot-Avocats : MM.Pajanacci, Ayoub.
Observations
1-Sur le premier point-Lorsqu'une juridiction a, dans un jugement mixte, tranché au fond certains points du litige, elle se trouve liée par sa décision et ne peut donc, en dehors des voies de rétractation prévues par la loi, revenir sur sa décision (v. sur ce point la note sous l'arrêt n°1782 du 25 févr 1965 et les références citées).
La règle du dessaisissement du juge peut être violée soit par les premiers juges, soit par les juges d'appel.
Lorsque le premier juge ne s'est pas, comme en l'espèce, conformé à ce qu'il avait lui-même décidé dans un précédent jugement rendu au cours du même procès, la juridiction d'appel doit réformer d'office sa décision et faire produire au premier jugement passé en force de chose jugée tous ses effets légaux. Aucun reproche ne pouvait donc être fait sur ce point au jugement attaqué.
Si la règle du dessaisissement a été violée par les juges d'appel, la cour suprême constatera la contradiction existant entre les deux décisions et cassera la seconde qui lui est déférée. Ainsi un arrêt de la chambre sociale du 8 avr 1957 a cassé un jugement d'appel qui avait déclaré irrecevable un appel alors que la même juridiction du second degré avait précédemment déclaré cet appel recevable par une décision irrévocable (soc 8 avr 1957.Bul, cass 1957 I V, N° 454, p 318).
II-Sur le deuxième point-L'art 452 c oblig et contr prévoit que : « L'exception de la chose jugée doit être opposée par la partie qui a intérêt à l'invoquer, elle ne peut être suppléée d'office par le juge », et la même règle est admise par la jurisprudence française (v.Nouv.Rép, v° chose jugeé, n°153, Rép.pr.civ, v° chose jugée, par Ab Aa, nos 202 s, civ 26 août 1861, d p 1961.1.427, com.13 dec 1949, Bull.cass.1949.1.200, 24 janv.1951, Bull.cass.1951.II.28, 24 oct.1951, Bull.cas 1951.I.212, gaz.pal.1952.1.22, j.c.p 1952.II.6806 et la note de M.Roger perrot, com.20 mai 1952, Bull. Cass 1952 III 153, civ.1er dec 1953, Bull. Cass 1953.I, n°345, p.285, 18 mai 1955, Bull.cass.1955.I n°206, p 177, 18 juil 1957, Bull.cass 1957.II.358, 9 janv. 1963, bull.cass 1963 II, n°28 p 22).
Pour déclarer A Ab civilement responsable de Guiral, et substituer la société Marocaine d'assurances à A, le jugement d'appel attaqué s'était fondé sur l'autorité de la chose jugée par une précédente décision du tribunal de paix de Casablanca-sud du 21 sept 1960, rendue dans la même affaire, alors qu'il ne résultait ni des qualités ni des motifs du jugement attaqué, ni de la procédure, que l'exception de chose jugée ait été soulevée par les parties.
L'application de l'art. 452 susvisé aurait donc entraîné la cassation de la décision.
Mais en réalité, cet art. n'était pas applicable en la cause.
En effet, l'autorité de la chose jugée permet au plaideur dont le droit a été reconnu en justice de se prévaloir du jugement et des avantages qui en découlent pour lui. Dans ce cas, c'est le « demandeur » qui invoque à son profit la chose jugée et il appartient au « défendeur » de démontrer qu'il n'y a pas identité de parties, ou d'objet ou de cause. C'est l'aspect positif de la chose jugée.
La chose jugée interdit d'autre part que soit remis en question et soumis à une autre juridiction le point qui a déjà été irrévocablement jugé entre les mêmes parties. Le « défendeur » à une action qui a déjà été jugée à son profit proposera au second tribunal une « exception de chose jugée », qui est une fin de non-recevoir dirigée contre la nouvelle demande de son adversaire. C'est l'aspect négatif de la chose jugée.
Or les dispositions de l'art. 452 C. oblig. et contr. ne s'appliquent que dans cette seconde hypothèse.
La fin de non-recevoir tirée de la chose jugée ne peut donc se concevoir que dans une instance nouvelle, lorsque le défendeur à cette instance se prévaut de l'autorité de la chose jugée dans un précédent procès, pour faire repousser définitivement la nouvelle demande de son adversaire.
Au contraire, au cours de la même instance, scindée en plusieurs phases, la fin de non-recevoir n'a pas à être proposée puisque le juge doit toujours, et d'office, tenir compte de qu'il a, sur certains points du litige, précédemment décidé entre les parties. Cette obligation découle directement de la règle relative au dessaisissement du juge.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1805
Date de la décision : 01/04/1965
Chambre pénale

Analyses

1-JUGEMENTS ET ARRETS-Dessaisissement du juge. 2-CHOSE JUGEE-Exception de chose jugée conditions - Existence de deux procès distincts-Phases successives d'un même procès (non)-Règle relative au dessaisissement du juge (oui).

1° lorsqu'un tribunal a, dans une phase d'un procès, tranché par une disposition nette et précise ayant une valeur décisoire intrinsèque une contestation soulevée par une partie, et que sa décision, non frappée d'appel, est devenue irrévocable, il a épuisé sa saisine sur le point tranché et ne peut donc plus, puisqu'il en est dessaisi, y revenir dans une décision ultérieure.Par suite, c'est à bon droit que la juridiction d'appel, qui constate qu'au cours du même procès pénal, le premier juge avait, par une décision irrévocable, déclaré une partie civilement responsable du prévenu, infirme la décision ultérieure du même juge mettant hors de cause cette personne et fait produire ses effets légaux au jugement l'ayant déclarée civilement responsable.2° Les dispositions de l'article 452 du code des obligations et contrats, relatives à l'exception de chose jugée, supposent nécessairement l'existence de deux procès distincts, et ne peuvent recevoir application au cours du même procès, fût-il scindé en plusieurs phases.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1965-04-01;p1805 ?
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