La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/1965 | MAROC | N°C189

Maroc | Maroc, Cour suprême, 23 février 1965, C189


Texte (pseudonymisé)
Si, par une précédente décision devenue irrévocable, la juridiction civile a débouté les père et mère de la victime de leur action en dommages-intérêts contre le transporteur bénévole au motif qu'il n'avait commis aucune faute, une Cour d'appel saisie de l'action principale dirigée par ces père et mère contre le gardien de l'autre véhicule et de l'action récursoire exercée par ce gardien contre le transporteur bénévole, ne peut, sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée, condamner le transporteur bénévole à réparer le dommage.
189-64/65 23 février 1965

11 696
Ah Ab Aj et compagnie d'assurances «La Foncière» c/Larbi ben Aomar , Ae...

Si, par une précédente décision devenue irrévocable, la juridiction civile a débouté les père et mère de la victime de leur action en dommages-intérêts contre le transporteur bénévole au motif qu'il n'avait commis aucune faute, une Cour d'appel saisie de l'action principale dirigée par ces père et mère contre le gardien de l'autre véhicule et de l'action récursoire exercée par ce gardien contre le transporteur bénévole, ne peut, sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée, condamner le transporteur bénévole à réparer le dommage.
189-64/65 23 février 1965 11 696
Ah Ab Aj et compagnie d'assurances «La Foncière» c/Larbi ben Aomar , Ae bent El Maâti, Am Ag et compagnie d'assurances «La Prévoyance ».
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 27 mars 1962.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN :
Vu l'article 451 du Code des obligations et contrats;
Attendu que selon ce texte l'autorité de la chose jugée s'attache au dispositif de la décision
lorsqu'il y a avec le nouveau litige identité d'objet, de cause et de parties;
Attendu qu'il résulte de la procédure et de l'arrêt partiellement infirmatif attaqué, en ses dispositions qui intéressent le pourvoi, que Ad Ab Ak, passager d'un camion appartenant à Ah Ab Aj, fut tué au cours d'une collision survenue entre ce véhicule et un autre camion appartenant à Licari; que Ak Ab Ai et Ae Al A Aa, ses père et mère, poursuivirent contre Ah la réparation du dommage qu'ils avaient subi de ce fait; que par arrêt définitif en date du 11 juillet 1958 ils furent déboutés de leur demande aux motifs que leur fils étant transporté gratuitement l'article 88 du Code des obligations et contrats n'était pas applicable, et que sur la base de l'article 78 du même Code aucune faute ne pouvait être établie contre le chauffeur du véhicule transporteur; qu'ils ont alors assigné aux mêmes fins Licari en tant que gardien de la chose cause du dommage et sa compagnie d'assurances «La Prévoyance »; que ces derniers ayant appelé en garantie Ah et son assureur «La Foncière », ils ont, à titre subsidiaire, demandé la condamnation solidaire de Licari et de Ah;
Attendu que l'arrêt attaqué, tout en relevant qu'il résultait de l'arrêt du 11 juillet 1958 que la responsabilité de Ah ne pouvait être recherchée ni en tant que gardien de la chose ni en tant que
civilement responsable de son chauffeur, ne l'a pas moins condamné solidairement avec Licari à réparer le dommage, au motif qu'il avait été appelé en cause par la voie de l'action récursoire en garantie, laquelle, si elle trouvait sa cause comme l'action principale dans l'événement qui avait donné naissance à celle-ci, en différait quant à son objet, et avait été introduite dans le seul intérêt de ceux qui l'avaient engagée et non dans celui des demandeurs à l'action principale;
Attendu que la Cour d'appel n'a pu statuer comme elle l'a fait sans méconnaître l'autorité attachée à l'arrêt du 11 juillet 1958, dès lors qu'en appelant Ah en garantie Licari ne poursuivait pas la réparation d'un dommage qui lui fut propre, mais exerçait par le jeu de la subrogation légale les droits des parents de la victime sur lesquels ledit arrêt avait définitivement statué;
D'où il suit que le moyen est fondé;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen,
Casse.
Président : M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Bensabat.__Avocat général : M. Guillot.__Avocats : MM. Laporte et Bayssière.
Observations
I.-Sur la non application au transporteur bénévole de la présomption prévue à l'article 88 C. obl. contr., v. T. I note I sous l'arrêt n°84, p. 155.
A noter toutefois un revirement récent de la jurisprudence sur ce point au Maroc (C.S. civ. 20 déc. 1967, Gaz. Trib. mar., mars-avril 1968, p. 23) et en France (Cass. Chambre mixte 20 déc. 1968, J.C.P. 1969. II. 15756).
II.-Un plaideur ne peut se prévaloir de l'autorité de la chose jugée par une décision irrévocable de la juridiction civile que si les deux litiges ont la même parties agissant en la même qualité (art. 451 C obl. contr.).
Pour écarter l'exception de chose jugée que le transporteur bénévole tirait de la décision rendue entre lui et les père et mère de la victime, les juges d'appel avaient cru pouvoir énoncer que les deux procès différaient par leur objet ainsi que par les parties et la qualité en laquelle elles intervenaient. Ces affirmations étaient inexactes.
D'une part l'appel en garantie, formé par le gardien du véhicule entré en collision avec la voiture du transporteur bénévole, n'avait en réalité d'autre objet que de faire déclarer ce dernier responsable du décès de la victime; or tel avait été précisément l'objet du précédent litige.
D'autre part les père et mère de la victime et le transporteur bénévole étaient intervenus dans les deux procédures en la même qualité, les uns de créanciers, l'autre de débiteur d'une réparation délictuelle.
Enfin, bien que le gardien du second véhicule n'ait pas été personnellement partie au premier
litige, la décision rendue lui était opposable puisque, par l'effet de son action récursoire, il intervenait dans le second en qualité de créancier du transporteur bénévole; en effet, par «parties» au litige il faut entendre non seulement les plaideurs eux-mêmes mais aussi leurs ayants cause, et notamment leurs créanciers (v. Rép. civ. V° Chose jugée, par Ac Af, n. 100). L'arrêt de cassation rapporté se fonde cependant sur une notion différente : il énonce que la première décision était opposable au demandeur à l'action récursoire parce qu'il «exerçait par le jeu de la subrogation légale les droits des père et mère de la victime» à l'encontre de qui cette décision avait été rendu; pourtant la subrogation légale implique l'existence d'un paiement effectué par le subrogé à la place du débiteur véritable (art.214, 3°, C. obl. contr.), or le gardien du second véhicule n'avait rien payé pour le compte du transporteur bénévole aux père et mère de la victime, et il ne pouvait donc, semble-t-il, être considéré comme subrogé aux droits de ces derniers.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C189
Date de la décision : 23/02/1965
Chambre civile

Analyses

1° RESPONSABILITE DELICTUELLE-Responsabilité du fait des choses-Transport gracieux- Collision de véhicules-Action récursoire.2° CHOSE JUGEE-Chose jugée au civil-Autorité sur le civil-Conditions suffisantes.

1° et 2° Lorsqu'une personne transportée gratuitement dans une voiture automobile a été tuée par suite d'une collision entre cette voiture et un autre véhicule, le gardien de celui-ci, appelé à dédommager les père et mère de la victime en application de l'article 88 du Code des obligations et contrats, n'est fondé à exercer une action récursoire contre le transporteur bénévole qu'à la condition de prouver sa faute.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1965-02-23;c189 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award