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29/10/1964 | MAROC | N°P1713

Maroc | Maroc, Cour suprême, 29 octobre 1964, P1713


Texte (pseudonymisé)
Cassation partielle et sans renvoi, sur les pourvois formés par Atif M'Barek, l'Etat marocain et la Compagnie Ah Aj d'Assurances contre deux jugements rendus les 18 juin 1963 et 21 janvier 1964 par le tribunal de première instance de Rabat qui a confirmé une décision du tribunal de paix de Rabat du 5 janvier 1963 ayant notamment condamné Atif M'Barek à 12 dirhams d'amende pour excès de vitesse, à un mois d'emprisonnement avec sursis et 100 dirhams d'amende pour homicide involontaire, à la privation pendant deux mois du droit de conduire les véhicules automobiles, et à payer, sous la

responsabilité civile de l'Etat marocain et substitution ...

Cassation partielle et sans renvoi, sur les pourvois formés par Atif M'Barek, l'Etat marocain et la Compagnie Ah Aj d'Assurances contre deux jugements rendus les 18 juin 1963 et 21 janvier 1964 par le tribunal de première instance de Rabat qui a confirmé une décision du tribunal de paix de Rabat du 5 janvier 1963 ayant notamment condamné Atif M'Barek à 12 dirhams d'amende pour excès de vitesse, à un mois d'emprisonnement avec sursis et 100 dirhams d'amende pour homicide involontaire, à la privation pendant deux mois du droit de conduire les véhicules automobiles, et à payer, sous la responsabilité civile de l'Etat marocain et substitution de la compagnie Ah Aj d'Assurances, 12 000 dirhams de dommages-intérêts à Ab bent El Ak Ae Ad dont le fils avait trouvé la mort dans un accident de la circulation survenu le 24 août 1961.
29 octobre 1964
Dossiers nos 16980 à 16985
La Cour.
SUR LES MOYENS DE CASSATION, tous deux préalables en tant que dirigés contre les dispositions pénales, et pris par les demandeurs,
le premier, de la « violation des formes substantielles de la procédure », et de la « violation des dispositions de l'article 2 » (alinéa 4) du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, modifié par dahir du 18 septembre 1962 (B.O. 2611 du 9 novembre 1962), en ce que la procédure n'a pas été déclarée irrecevable bien que l'exercice de l'action publique contre Atif ben M'Bark, préposé et fonctionnaire de l'Etat, n'ait pas été notifié à M. l'agent judiciaire du Maroc, alors que cette mise mouvement est prescrite à peine d'irrecevable en l'état par le paragraphe 4 de l'article le 2 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, modifié par dahir du 18 septembre 1962 »;
le second, du « défaut ou de la contradiction de motifs » et de la « violation de l'article 347 du dahir du 10 février 1959 », en ce que « le jugement du 21 janvier 1964 accueilles dans ses motifs les faits de dépassement défectueux et d'excès de vitesse de l'article 32 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 », alors qu'il « confirme la décision de relaxe rendue à ce propos par le premier juge » :
Attendu, en ce qui concerne le premier moyen précité, que les lois de procédure, Si elles sont immédiatement applicables aux poursuites en cours lors de leur entrée en vigueur, ne sauraient néanmoins, en l'absence de dispositions expresses, entraîner la nullité d'actes déjà accomplis régulièrement en vertu de la législation antérieure, et obliger les parties à les réitérer conformément à la nouvelle législation;
D'où il suit que, l'action publique ayant été régulièrement mise en mouvement contre Atif ben M'Bark par les citations notifiées à ce prévenu les 12 avril, 24 octobre et 21 novembre 1962, donc antérieurement au 1er décembre 1962, date à laquelle l'article 6 du dahir du 18 septembre 1962 a fixé l'entrée en vigueur des dispositions de ce dahir invoquées par les demandeurs, le moyen n'est pas fondé;
Attendu, en Ce qui concerne le second moyen précité, que les pourvois en cassation ne peuvent être dirigés contre les motifs non décisoires des jugements, et que les demandeurs se trouvent sans intérêt à critiquer le dispositif du jugement d'appel en ce qu'il a confirmé l'irrecevabilité de l'action publique mise en mouvement par la partie civile, puisque cette décision d'irrecevabilité qui leur est favorable ne saurait leur faire grief;
Qu'en conséquence le moyen ne saurait être accueilli;
MAIS SUR LE MOYEN RELATIF A L'ACTION CIVILE, pris par les demandeurs de la « violation des dispositions du dahir du 2 mars 1953 »:
Attendu que Si l'article unique du dahir du 24 avril 1939 habilite le directeur de Régie des exploitations industrielles à représenter l'Etat en justice dans tous les cas où la responsabilité civile de ce dernier est mise en cause par suite d'un accident occasionné par un de ses véhicules, l'article 1er (dernier alinéa) du dahir du 2 mars 1953 décide en outre que « l'agent judiciaire doit être appelé en cause, à peine d'irrecevabilité de la requête », chaque fois que l'action engagée devant les tribunaux a pour objet de faire déclarer débiteur l'Etat, l'une de ses administrations, un office ou un établissement de l'Etat dans une matière étrangère à l'impôt ou au domaine; que dès lors, à défaut d'appel en cause de l'agent judiciaire dans une instance relative à un accident de la circulation provoque par un véhicule de la Régie des exploitations industrielles, la demande de la partie civile se trouve irrecevable;
Attendu que les tiers doivent être appelés en cause par la notification à eux faite d'un exemplaire de la requête de la partie qui a sollicité leur intervention au litige; que documents de la procédure il ressort que Ab An B Ak Ad avait bien, dans la requête par elle déposée le 19 avril 1962 au greffe du tribunal de paix, sollicité la mise en cause de l'agent judiciaire, mais que, par une omission regrettable, sa demande d'appel en cause n'a pas été notifiée à cet agent, en sorte que ce dernier, dans l'ignorance du litige, n'a jamais comparu ou conclu, la partie civile lorsqu'elle a Constaté son absence in limine litis n'ayant pas sollicité du premier juge un renvoi de l'affaire en vue de faire réparer une telle omission qui rendait sa demande irrecevable;
Qu'en s'abstenant dans ces conditions de déclarer irrecevable la demande de Ab An B Ak Ad, et en s'efforçant de régulariser la procédure par une citation tardive et inopérante de l'agent judiciaire en cause d'appel, les juges répressifs ont méconnu les dispositions légales visées au moyen;
D'où il suit que, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens qui concernent également l'action, civile, les deux jugements attaquées encourent de chef la cassation; que toutefois n'ayant jamais été régulièrement portée devant les juridictions répressives, et celles-ci se trouvant désormais dessaisies de l'action publique irrévocablement jugée par suite du rejet des moyens dirigés contre la décision pénale, l'action en indemnisation de la partie civile devra éventuellement être portée devant la juridiction civile, avec mise en cause de l'agent judiciaire; qu'il n'y a donc pas lieu, après cassation, à renvoi devant un nouvelle juridiction répressive;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties aux présents pourvois :
1° le jugement du tribunal de première instance de Rabat du 18 juin 1963, en ce qu'au mépris de l'irrecevabilité de la demande de la partie civile, il a ordonné la citation de l'agent judiciaire pour tenter en cause d'appel de couvrir cette irrecevabilité;
2° Le jugement du tribunal de première instance de Rabat du 21 janvier 1964, mais uniquement en toutes ses dispositions ayant statué sur l'action civile;
Dit n'y avoir lieu à renvoi après cassation;
Rejette les pourvois en tant que dirigés contre les dispositions ayant statué sur l'action publique.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Martin.-Avocat général : M. A vocats : MM. Sabas, Tsaros.
Observations
I. -Sur le premier point.-« Si les lois modifiant la procédure deviennent immédiatement applicables aux poursuites en cours d'exécution au moment où elles sont promulguées, elles ne sauraient, à défaut d'une disposition expresse, entraîner la nullité d'actes régulièrement accomplis en conformité de la législation antérieure et obliger les parties à les renouveler » (Crim. 12 janv. 1950, D. 1950.159 : arrêt concernant une citation, comme dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt ci-dessus rapporté); Sur la validité des actes régulièrement faits sous l'empire de la loi antérieure, v. Paul Roubier, L'application des lois dans le temps,t. 2, n0 140; Aa Ag, articles au Rép. Pr. Civ, V° Lois et décrets, nos 33 s. et au Rép. crim, eod. v0, n0 34 s.; Comp. Civ. 5 nov. 1941, DC. 1943.101 et la note de M. Am Ac; Com. 3 juil. 1950, D. 1951.96; Soc. 11 mars 1955, D. 1955, somm. 58).
Il.-Sur le deuxième point. « Le dispositif constitue seul le jugement et peut seul être attaqué; les motifs que donne le juge ne servent qu'à l'éclairer, à justifier sa décision et quelquefois à en apprécier la portée; ils permettent de la contrôler, mais, pris isolément, ils ne décident rien et ne peuvent dès lors être entrepris par le pourvoi. Il y a des jugements où ces deux éléments se trouvent confondus, et où des parties du dispositif ont pris place dans les motifs; il est évident que c'est au caractère décisoire de ce dispositif et non à la place qu'il occupe que l'on doit seulement s'attacher » (Faye, n°31). En ce
qui concerne les motifs décisoires, v. Com. 21 mars 1950, D. 1950.381; 17 oct. 1951, D. 1953.145 et la note de M. Al Af, spécialement 2e colonne de la page 146; Am Ai, Autorité de la chose jugée attachée aux motifs des décisions judiciaires à l'égard des parties, J.C.P. 1962.1.1692).
III.-Sur le troisième point.-V. la note (Il) sous l'arrêt n0 1220 du 8 nov. 1962.
IV.-Sur le quatrième point.-V, dans le même sens, l'arrêt n0 1526 du 2 janv. 1964 et les références citées dans la note (I).
V.-Sur le cinquième point.-V. la note (III) sous l'arrêt n0 1317 du 7 févr. 1963.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1713
Date de la décision : 29/10/1964
Chambre pénale

Analyses

1° LOIS ET DECRETS-Application dans le temps-Loi de procédure-Actes régulièrement accomplis conformément à la législation antérieure.2° CASSATION-Décisions susceptibles de pourvoi-Pourvoi dirigé contre un motif non décisoire d'un jugement.3° CASSATION-Moyens irrecevables-Défaut d'intérêt-Prévenu, civilement responsable et assureur critiquant le dispositif d'un jugement déclarant irrecevable l'action publique mise en mouvement par la partie civile.4° ACTION CIVILE-Action, dirigée contre l'Etat-Agent judiciaire du Maroc non appelé en cause-Constitution de partie civile irrecevable.5° CASSATION-Arrêts de la Cour suprême-Cassation sans renvoi-Action irrégulièrement introduite devant la juridiction répressive.

1° Les lois de procédure, si elles sont immédiatement applicables aux poursuites en cours, lors de leur entrée en vigueur, ne sauraient néanmoins, en l'absence de disposition expresse, entraîner la nullité d'actes accomplis régulièrement en vertu de la légalisation antérieure et obliger les partiers à les réitérer conformément à la nouvelle législation.2° Un pourvoi en cassation ne peut être dirigé contre les motifs non décisoires d'un jugement.3° Le prévenu, le civilement responsable et l'assureur ne peuvent, faute d'intérêt, critiquer devant la Cour suprême le dispositifs d'un jugement d'appel qui a déclaré irrecevable l'action publique mise en mouvement par la partie civile.4° Si l'article du dahir du 24 avril 1939 habilite de directeur de la Régie des exploitations industrielles à représenter l'Etat en justice dans tous les cas responsabilité civile de ce dernier mise en cause par suite d'un accident causé par un de ses véhicules, l'article premier du dahir du 2 mars 1953 dispose en outre que « Chaque fois que l'action engagée devant les tribunaux a pour objet de faire déclarer débiteur l'Etat chérifien, l'une de ses administrations, un office ou un établissement de l'Etat, dans une matière étrangère à l'impôt et au domaine, l'agent judiciaire doit être appelé en cause à peine d'irrecevabilité de la requête.La demande de la partie civile, qui n'a pas appelé en cause l'agent judiciaire dans l'instance relative à un accident de la circulation cause par un véhicule de la Régie des exploitations industrielles, doit être déclarée irrecevable.Méconnaissent les articles susvisés les juges répressifs qui, en s'abstenant de déclarer irrecevable la demande de la partie civile qui n'a pas appelé en causé l'agent judiciaire devant le premier juge, s'efforcent de régulariser la procédure par une citation tardive et inopérante de l'agent judiciaire en cause d'appel.5° Lorsque l'action publique est irrévocablement jugée et que l'action civile n'a pas été régulièrement portée devant la juridiction répressive, il n'y a pas lieu à renvoi après cassation.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1964-10-29;p1713 ?
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