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22/10/1964 | MAROC | N°P1711

Maroc | Maroc, Cour suprême, 22 octobre 1964, P1711


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par la compagnie d'assurances Banco Vitalicio de Espana contre un jugement rendu le 12 mars 1964 par le tribunal de première instance de Meknès qui, statuant sur l'appel d'un jugement du tribunal de paix Meknès du 8 mai 1962, a prononcé l'acquittement de Ad Ab Af, s'est déclaré incompétent pour connaître des constitutions de partie civile dirigées contre lui, a mis hors de cause la Compagnie Auxiliaire de Transports au Maroc et son assureur, la compagnie d'assurances La Nationale, a condamné Ah Ae à 10 dirhams d'amende pour vitesse inadaptée aux circonstance

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Rejet du pourvoi formé par la compagnie d'assurances Banco Vitalicio de Espana contre un jugement rendu le 12 mars 1964 par le tribunal de première instance de Meknès qui, statuant sur l'appel d'un jugement du tribunal de paix Meknès du 8 mai 1962, a prononcé l'acquittement de Ad Ab Af, s'est déclaré incompétent pour connaître des constitutions de partie civile dirigées contre lui, a mis hors de cause la Compagnie Auxiliaire de Transports au Maroc et son assureur, la compagnie d'assurances La Nationale, a condamné Ah Ae à 10 dirhams d'amende pour vitesse inadaptée aux circonstances et à 100 dirhams d'amende pour délit de blessures involontaires, ainsi qu'à payer, sous la substitution de la compagnie d'assurances Banco Vitalicio de Espana, 1856, 37 dirhams de dommages-intérêts à la Compagnie Auxiliaire de Transports au Maroc.
22 octobre 1964
Dossier n°16870
La Cour,
.......................................
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, pris de « la violation des articles 11 de l'arrêté viziriel du 24 janvier1953, 319, 320 de l'ancien Code pénal, 347 et suivants du Code de procédure pénale, du défaut de motifs, de la contrariété de motifs et du manque de base légale, en ce que le jugement attaqué, sans répondre aux moyens de la demanderesse au pourvoi, a déclaré que l'entière responsabilité de l'accident devait être laissée à la charge de Ah Ae ben Jillali » :
Attendu qu'il ressort de la décision du premier juge et des dispositions confirmatives du jugement d'appel attaqué que, conduisant à très grande vitesse sa voiture légère en direction du carrefour des routes principales 1 et 34, et ayant aperçu un autocar « déjà avancé au carrefour » où son conducteur Ad Ab Af l'avait engagé lentement en arrivant de la route située à gauche, Ah Ae a cru devoir braquer brutalement vers sa gauche plus de cent mètres avant le carrefour, a renversé un poteau indicateur après être monté sur le refuge axial, puis, poursuivant sa course en déséquilibre « à la vitesse d'un mobile complètement désemparé », s'est alors vu «projeter vers la droite » et, laissant sur vingt-cinq mètres des traces non de freinage mais de dérapage, est venu prendre l'autocar « en écharpe, en fin de carrefour »;
Attendu que le conducteur qui invoque le bénéfice de la priorité de droite instituée par l'article
11 précité n'est pas pour autant dispensé de toute obligation de prudence, et ne saurait notamment attribuer à l'inobservation de cette priorité par d'autres usagers de la route la responsabilité d'une collision rendue inévitable par son propre comportement fautif; qu'il en est ainsi lorsque ce conducteur se trouvant encore à grande distance du carrefour où était engagé un autre véhicule qui arrivait à allure modérée de la voie située à gauche, n'a pu le rejoindre et le heurter qu'en raison de sa vitesse manifestement excessive et de la perte du contrôle de son propre véhicule;
Que dès lors, ayant caractérisé par leurs constatations de fait souveraines le comportement fautif de Ah Ae qui avait rendu l'accident inévitable, les juges du fond dont la motivation n'a pas laissé sans réponse les conclusions de la demanderesse, ont pu, sans violer la disposition visée au moyen, déclare ce conducteur entièrement responsable de l'accident;
Qu'en conséquence, le moyen n'est pas fondé;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par la compagnie d'assurances Banco Vitalicio de Espana contre le jugement du tribunal de première instance de Meknès du 12 mars 1964.
Président : M. Deltel. Rapporteur: M. Colombini.-Avocat général : M. Ruolt.-Avocats MM. Benatar, Lorrain, Botbol.
Observations
En ce qui concerne le droit de priorité, v. la note (I) sous l'arrêt n0 1219 du 8 nov. 1962.
Si l'art. 11, al. 2, arr. viz. 24 janv. 1953, sur la police de la circulation et du roulage, exige qu'à toute intersection de voies, l'usager non prioritaire cède le passage à l'usager prioritaire s'il n'est pas en mesure de franchir l'intersection avant l'arrivée de ce dernier (Arrêt n0 1219 précité; Crim.28 nov. 1956, B.C. p. 1398, J.C.P. 1956. II. 9679 et la note de M. Aa AiA, l'usager prioritaire n'est pas pour autant dispensé de toute obligation de prudence et il doit notamment se conformer aux dispositions de l'art. 11, al. 1er, du même arr. viz, aux termes duquel : « Tout conducteur de véhicule ou d'animaux abordant une bifurcation ou une croisée de chemins doit annoncer on approche, vérifier que la voie est libre, marcher à une allure modérée et serrer sur sa droite, surtout aux endroits où la visibilité est imparfaite ».
L'inobservation, par le conducteur prioritaire, d'une seule des quatre obligations mises à sa charge par l'al. 1er précité, suffit à engager sa responsabilité, et les juges du fond peuvent, dans ce cas, procéder à un partage de la responsabilité de l'accident (Arrêt n°1108 du 19 avr. 1962, Rec. Crim. t. 3. 222 et la note (III).
Mais les juges du fond peuvent-ils laisser à la charge du prioritaire, en raison de la gravité des fautes par lui commises, l'entière responsabilité de l'accident ? Le droit de priorité est-il absolu ou relatif ?
La Cour de cassation française a d'abord admis la thèse de la relativité du droit de priorité et
permis aux juges du fond de faire supporter au prioritaire fautif la totalité de la responsabilité (V. Ag Ac Aj, La perte totale du droit de priorité, Gaz. Pal. 1952.1, doctr. p. 10; Civ. 22 nov. 1950, Gaz. Pal. 1950.1.134 sous-note a; Civ. 25 avr. 1951, Bull. cass. 1951.1.103, S. 1952.1.181, Gaz. Pal. 1951.2.94).
Mais ensuite la haute juridiction a décidé que le prioritaire ne peut se voir privé totalement du bénéfice de son droit, quelle que soit la gravité de sa faute (Civ. 4 mars 1954, D 1954.348; 6 janv 1954. 348; 6 janv. 1955, Bull. Cass. 1955.II.3; 20 mars 1956, Gaz. Pal 1957.1.323; Crim. 18 juin 1958, B.C. 827).
Dans l'affaire soumise à son contrôle, la Chambre criminelle de la Cour suprême a, pour rejeter
le pourvoi une décision ayant laissé l'entière responsabilité d'un accident à la charge du conducteur Ah Ae qui invoquait le bénéfice du droit de priorité, relevé les circonstances exceptionnelles dans lesquelles s'était produite la collision et le fait que « le comportement fautif de Ah Ae . avait rendu l'accident inévitable » (comp. Civ. 22 nov. 1950 précité).


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1711
Date de la décision : 22/10/1964
Chambre pénale

Analyses

CIRCULATION-Priorité-Obligation de prudence du prioritaire-Méconnaissance- Responsabilité entière du prioritaire.

Le conducteur qui invoque le bénéfice de la priorité de droite instituée par l'article 11 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 n'est pas pour autant dispensé de toute obligation de prudence et ne saurait notamment attribuer à l'inobservation de cette priorité par d'autres usagers de la route la responsabilité d'une collision rendue inévitable par son propre comportement fautif.Il en est ainsi lorsque ce conducteur se trouvant encore à grande distance du carrefour où était engagé un autre véhicule qui arrivait à une allure modérée de la voie située à gauche, n'a pu le rejoindre et le heurter qu'en raison de sa vitesse manifestement excessive et de la perte du contrôle de son propre véhicule.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1964-10-22;p1711 ?
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