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07/04/1964 | MAROC | N°C189

Maroc | Maroc, Cour suprême, 07 avril 1964, C189


Texte (pseudonymisé)
189-63/64 7 avril 1964 8 180
Société «Casino Municipal de Tanger» c/Henri Cazeaux et Aa Ab.b.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Tanger du 20 avril 1961.
(Extrait)
La Cour ,
SUR LE PREMIER MOYEN EN SA PREMIERE BRANCHE :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Tanger 20 avril 1961) que la société «Casino Municipal de Tanger» a aménagé dans ses locaux des salles de jeu ainsi qu'un «café restaurant night-club »; qu'ayant exploité directement les jeux, elle a concédé à Vinograde le soin d'org

aniser et d'exploiter le «café restaurant night-club »;
Que Cazeaux et Devoise prétendant...

189-63/64 7 avril 1964 8 180
Société «Casino Municipal de Tanger» c/Henri Cazeaux et Aa Ab.b.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Tanger du 20 avril 1961.
(Extrait)
La Cour ,
SUR LE PREMIER MOYEN EN SA PREMIERE BRANCHE :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Tanger 20 avril 1961) que la société «Casino Municipal de Tanger» a aménagé dans ses locaux des salles de jeu ainsi qu'un «café restaurant night-club »; qu'ayant exploité directement les jeux, elle a concédé à Vinograde le soin d'organiser et d'exploiter le «café restaurant night-club »;
Que Cazeaux et Devoise prétendant avoir cru traiter avec la société du Casino lui ont réclamé le paiement de spiritueux par eux livrés au «café restaurant night-club» dans le courant des années 1958 et 1959;
Attendu que, la Cour d'appel ayant fait droit à cette demande, il est d'abord fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir imputé à faute à la société du Casino de n'avoir pas, en l'absence de texte l'y obligeant, publié le contrat de concession, distinct d'une location ou d'une gérance, intervenu entre elle et Vinograde;
Mais attendu que l'arrêt constate expressément qu'à la connaissance de la société du Casino, Vinograde a publié dans la presse locale, édité et distribué des prospectus portant la dénomination de «café restaurant night-club du Casino de Tanger» en prenant le titre de directeur; que les activités de Vinograde se déroulaient à l'intérieur même des aménagements destinés aux jeux; qu'ayant imposé à Vinograde une série d'obligations, elle ne lui avait pourtant point imposé de s'inscrire au registre du commerce et de publier l'exploitation séparée pour son compte personnel de même qu'elle n'avait point, dans sa propre inscription au registre du commerce, fait figurer la remise à Vinograde de l'exploitation du «café restaurant night-club »;
Attendu qu'en l'état de ces constatations la Cour d'appel a pu, sans qu'il soit nécessaire d'assimiler à une location ou à une mise en gérance libre le contrat que la demanderesse qualifie de
«concession », considérer qu'aux yeux des plus avertis il eût été difficile de dissocier l'exploitation
des jeux de l'exploitation des activités annexes intimement liées aux jeux eux-mêmes, et relever que l'abstention par la société du Casino de prendre des mesures susceptibles d'avertir les tiers de la dissociation des diverses activités «se déroulant au sein du même local et des mêmes aménagements» constituait à la charge de ladite société une faute génératrice du préjudice causé à Cazeaux et Devoise;
....................................
SUR LE SECOND MOYEN :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt de s'être abstenu de constater le lien de causalité entre la faute qu'il retenait et le préjudice dont il était demandé réparation;
Mais attendu que l'arrêt relève que les tiers «étaient en droit de croire qu'en livrant les marchandises qui leur étaient commandées, ils les livraient au Casino et non à Vinograde» et que «le Casino dans son ensemble était leur gage »;
Que de ces appréciations la Cour a pu déduire, par un lien de causalité suffisamment exprimé,
que la société du Casino, ayant commis une faute engageant sa responsabilité, devait «en conséquence» être tenue au paiement de la créance de Cazeaux et Devoise;
D'où il suit que le moyen est mal fondé;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Voelckel.__Avocat général : M. Guillot.__Avocats : Me Courballée-Thévenin.n.
Observations
Le contrat de gérance libre est le contrat par lequel «une personne prend en location, moyennant une redevance, un fonds de commerce appartenant à autrui en vue de l'exploiter à son nom et pour son propre compte» (Cohen, T. II, n. 990).
Il est en principe publié au registre du commerce à la fois par le gérant (immatriculation ou inscription rectificative, selon qu'il n'était pas encore commerçant ou qu'il l'était déjà) et par le bailleur (radiation totale ou radiation partielle, selon qu'il a cessé toute activité commerciale ou n'a loué qu'une partie de son fonds); d'autre part il est d'usage que le contrat de gérance libre soit porté à la connaissance des tiers dans un journal d'annonces légales (Cohen, T. II, n°1002).
Bien que le défaut d'inscription au registre du commerce ne rende pas le contrat inopposable
aux tiers et que la publication dans un journal ne soit pas obligatoire, la jurisprudence décide que l'inobservation de ces formalités engage la responsabilité du bailleur lorsqu'il en est résulté un préjudice pour les créancier du gérant Cette responsabilité n'a pas pour effet nécessaire de rendre le bailleur tenu des dettes de son locataire, mais, fondée sur les art. 77 et 78 C. obl. contr., elle permet aux créanciers impayés de celui-ci de réclamer au bailleur des dommages-intérêts, éventuellement égaux au montant de leur créance, à charge pour eux d'établir la faute du bailleur, leur propre
préjudice et le lien de causalité entre l'une et l'autre (v. Cohen, T. II, n. 1032, Civ. 26 juin 1944 et 7 nov. 1944, D. 1945.141, note G.R.).
En l'espèce cependant la société du Casino n'avait jamais assuré elle-même l'exploitation du
café restaurant qu'elle avait «concédée» dès l'origine à Vinograde; elle en concluait que le contrat intervenu entre elle et lui ne pouvait être qualifié de contrat de gérance libre puisqu'elle n'avait jamais été effectivement propriétaire du fonds et elle soutenait qu'en conséquence les principes ci- dessus exposés ne lui étaient pas applicables.
Mais la nature exacte du contrat était sans intérêt pour la solution du litige, et la Cour suprême
n'a pas eu à prendre parti sur ce point. Il convenait en effet uniquement de déterminer, en application des règles générales de la responsabilité délictuelle, si, par une abstention fautive, la société avait pu laisser croire aux fournisseurs de Vinograde que sous le couvert de celui-ci ils traitaient en réalité avec elle, et de rechercher si l'erreur ainsi provoquée leur avait causé un préjudice.
V. pour l'application des mêmes principes généraux à des espèces différentes, supra arrêt n°34, note III et arrêt n°90.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C189
Date de la décision : 07/04/1964
Chambre civile

Analyses

RESPONSABILITE CIVILE-Responsabilité délictuelle-Faute commise dans un contrat et préjudiciant à un tiers partie à un autre contrat-Equivoque créée quant à l'identité de l'exploitant d'un commerce.

La société exploitante d'un casino qui a donné à un particulier la «concession» d'un café restaurant aménagé dans ses locaux commet une faute délictuelle génératrice d'un dommage à l'égard des tiers fournisseurs impayés de cet établissement quand, par son omission de donner au contrat de «concession» une publicité appropriée, elle a laissé croire à ces fournisseurs qu'ils traitaient avec elle et que son patrimoine était le gage de leurs créances.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1964-04-07;c189 ?
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