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26/03/1964 | MAROC | N°P1602

Maroc | Maroc, Cour suprême, 26 mars 1964, P1602


Texte (pseudonymisé)
Cassation partielle sur le pourvoi formé par le Lloyd Continental Français contre un jugement rendu le 12 mars 1963 par le tribunal de première instance de Rabat qui l'a substitué à El Aa Al Ab Ao ben M'Hamed pour le paiement des condamnations civiles à intervenir en faveur de Ap Ab Ac, Am Ar Ap, Aq Ar Aa Ad Ab An et El Ae Ab Af ben Lahoucine, parties civiles.
26 mars 1964
Dossier n°14729
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la « violation des dispositions de l'article 230 du Code des obligations et contrats et fausse application des dispositions de l'ar

ticle 30 de l'arrêté viziriel du 8 juillet 1937 instituant un contr...

Cassation partielle sur le pourvoi formé par le Lloyd Continental Français contre un jugement rendu le 12 mars 1963 par le tribunal de première instance de Rabat qui l'a substitué à El Aa Al Ab Ao ben M'Hamed pour le paiement des condamnations civiles à intervenir en faveur de Ap Ab Ac, Am Ar Ap, Aq Ar Aa Ad Ab An et El Ae Ab Af ben Lahoucine, parties civiles.
26 mars 1964
Dossier n°14729
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la « violation des dispositions de l'article 230 du Code des obligations et contrats et fausse application des dispositions de l'article 30 de l'arrêté viziriel du 8 juillet 1937 instituant un contrôle en matière d'assurance automobiles », en ce que le jugement d'appel attaqué a prononcé la substitution du Lloyd Continental français pour le paiement des condamnations civiles devant être mises à la charge de El Aa Al Ab Ao, à la suite d'un accident survenu le 13 juillet 1959, alors que le contrat d'assurance avait été suspendu d'accord parties par avenant du 10 juillet 1959:
Vu les articles 8 du dahir du 8 juillet 1937 relatif au règlement des frais et indemnités dus à la suite d'accidents d'automobiles et aux contrats d'assurances de responsabilité civile des propriétaires de véhicules automobiles sur route, 30 de l'arrêté viziriel du 8 juillet 1937 instituant un contrôle en matière d'assurances automobiles et 3 du dahir du 23 décembre 1937 (modifié par dahir du 10 août 1938), applicable à l'époque et relatif aux transports par véhicules automobiles sur route;
Attendu que pour rejeter le moyen de défense du Lloyd Continental Français, pris de la suspension par avenant du 10 juillet 1959 du contrat d'assurance souscrit par El Aa Al Ab Ao, le jugement d'appel attaqué énonce que le camion de ce dernier «était assuré pour des transport privés de marchandises » et que Lloyd continental français n'ayant pas envoyé exigé » par l'article 30 de l'arrêté viziriel du 8 juillet 1937, « la suspension invoquée n'avait pu prendre effet, l'assurance restant de ce fait en cours de validité » le 13 juillet 1959, jour de l'accident;
Attendu que, le contrat d'assurance souscrit par El Aa Al pour son camion Fargo d'un poids total en charge de 7 500 kilos, à usage déclaré d' « agriculture », prévoyait l'utilisation de ce véhicule pour les transports nécessaires aux « besoins de son exploitation », qui sont assimilés aux transports privés de marchandises en vertu de l'article 3 (2°) du dahir du 23 décembre 1937; que la suspension du contrat ne pouvait en raison de cet usage, et par application de l'article 30 (2°, a) de l'arrêté viziriel du 8 juillet 1937, prendre effet avant le vingtième jour de la réception de l'avis de suspension envoyé par l'assureur, sous pli recommandé avec accusé de réception, au secrétariat de la commission des transports; qu'ainsi les juges d'appel ont à bon droit et par une exacte application des textes susvisés décidé que l'avenant de suspension du 10 juillet 1959 ne pouvait avoir pris effet le 13 juillet 1959, jour de l'accident qui a mis en jeu la garantie de l'assureur;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
MAIS SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, en ses deux branches, pris de la dénaturation du contrat d'assurance et de la violation de l'article 230 du Code des obligations et contrats:
Vu ledit article;
Attendu que s'il appartient aux juges du fond d'interpréter les conventions des parties, ils ne peuvent, sous prétexte d'interprétation, dénaturer le sens et la portée de clauses claires et précises; que, d'autre part, une compagnie d'assurances est uniquement tenue des risques qu'elle s'est engagée à couvrir;
Attendu que pour rejeter le moyen de non-assurance tiré par le Lloyd Continental Français du surnombre des passagers transportés gratuitement dans le camion de El Aa Al Ab Ao, le jugement d'appel attaqué énonce que « l'article 3, risque A, de la police précise que Si le nombre des personnes effectivement transportées excède celui indiqué aux conditions particulières, la sanction sera la déchéance du bènéfice de la garantie à l'encontre de l'assuré » et décide que « cette Clause n'est donc pas opposable aux demandeurs à l'action civile »;
Mais attendu que cette clause avait dans le contrat été expressément abrogée et remplacée, par l'effet d'une annexe n°13-3479 du 26 juillet 1957, aux termes de laquelle « la garantie vis-à-vis des tiers transportés à titre gratuit n'aura d'effet... en ce qui concerne les véhicules utilitaires, que si le nombre des passagers, membres de la famille et préposés de l'assuré inclus, n'excède pas cinq en sus du conducteur (les enfants de moins de quatre ans n'étant pas compris dans la limite précitée) »;
Que dès lors, ayant constaté que huit passagers à titre gratuit et trois enfants dont l'âge n'est pas indiqué, avaient pris place dans le véhicule utilitaire de El Aa Al Ab Ao, les juges d'appel ne pouvaient sans méconnaître cette nouvelle clause claire et précise de non-assurance, ni dénaturer la convention qui leur était soumise, déclarer que le Lloyd Continental Français serait substitué à El Aa Al Ab Ao pour le paiement des condamnations à intervenir en faveur de ceux de ces tiers transportés qui s'étaient constitués parties civiles;
D'où il suit que le jugement attaqué encourt sur ce point la cassation;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties au présent arrêt, mais uniquement en sa disposition prononçant la substitution du Lloyd Continental Français à El Aa Al Ab Ao, le jugement du tribunal de première instance de Rabat du 12 mars 1963.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Carteret.-Avocat général : M. Ruolt. Avocats : MM. Sabas,Benatar, Moutot, Lorrain.
Observations
I.Sur le premier point.-El Aa Al Ab Ao avait assuré son camion (véhicule utilitaire) pour un usage déclaré d' « agriculture » et il ne devait, suivant la définition de l'usage des véhicules annexée à la police « 4°utiliser le véhicule objet de l'assurance que pour la promenade et les besoins de son exploitation ».
Le contrat permettait donc l'utilisation du véhicule pour des transports privés de marchandises se rapportant à son exploitation agricole.
L'art. 3 Dh. 23 déc. 1937, relatif aux transports par véhicules automobiles sur route, prévoyait
en effet que : « Sont réputés transports privés de marchandises .2° Les transports effectués pour ses propres besoins au moyen de véhicules lui appartenant.. par un particulier.. pour déplacer marchandises lui appartenant soit directement nécessaire à sa propre exploitation, ou...».
Or, l'art. 30 arr. viz. 8 juil. 1937, instituant un contrôle en matière d'assurances aautomobiles, prescrivait que : «...Les sociétés ou assureurs sont tenus et doivent prendre l'engagement dans leur demande d'agrément : . 2° de signaler, par pli recommandé avec accusé de réception, au secrétariat de la commission des transports, à la direction générale des travaux publics : a) sans délai, toute résiliation ou toute suspension de police, la suspension ne pouvant prendre effet, nonobstant toute clause contraire, que le vingtième jour de la réception de l'avis au secrétariat de la commission des transports ». Ce texte était applicable à « l'assurance des risques résultant des transports publics de voyageurs, des transports mixtes et des transports publics et privés de marchandises par véhicules automobiles sur route » (Début de l'art. 30).
Ainsi, en décidant que la suspension du 10 juil. 1959 n'avait pu prendre effet le 13 juil. 1959, jour de l'accident, le jugement attaqué avait fait une exacte application du texte précité.
Il.-Sur les deuxième et troisième points.-Sur la dénaturation, v. la note sous l'arrêt n°1212 du 25 oct. 1962.
Une annexe à la police d'assurance stipulait que « La garantie vis-à-vis des tiers transportés à
titre gratuit n'aura d'effet... en ce qui concerne les véhicules utilitaires que Si le nombre des passagers, membres de la famille et préposés de l'assuré inclus n'excède pas cinq en sus du conducteur (les enfants de moins de quatre ans n'étant pas compris dans la limite précitée) ».
La clause «la garantie n'aura d'effet » prévoit, non une déchéance, mais une non-assurance (En ce sens : Civ. 15 avr. 1961, Bull. cass. 1961.1.156, Gaz. Pal. 1961.2.75).
Les constatations de la décision attaquée permettaient d'établir qu'au moins huit personnes (un mort et sept blessés), ainsi que trois enfants, dont l'âge n'était pas précisé, étaient transportés gratuitement. Le tribunal aurait donc dû accueillir l'exception de non-assurance présentée par l'assureur et mettre ce dernier hors de cause.
Sur les clauses relatives au surnombre des voyageurs transportés gratuitement et la non- assurance, v. Ah Aj et Ai As Ak, Code des assurances, nos 861, 862 et 865; Civ. 4 août 1937, D.H. 1937.536, Gaz. Pal. 1937.2.602 et la note; Ai Ag, note sous Civ. 7 janv. 1936, D.P. 1939.1.84 et notamment p. 85, 2e colonne (Il A) et p. 86, 6; Amiens, 10 déc. 1940, Gaz. Pal. 1941.1.17; trib. Saint-Brieuc, 31 mai 1955, Gaz. Pal. 1955.2.104 et la note.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1602
Date de la décision : 26/03/1964
Chambre pénale

Analyses

1° d'assurance-Suspension-Effets-Conditions- Transports privés de marchandises-Transports nécessaires aux besoins d'une exploitation agricole-Avis de suspension adressé par l'assureur au secrétariat de la commission des transports. ASSURANCES TERRESTRES-Contrat. 2°ASSURANCES TERRESTRES-Contrat d'assurance-Interprétation-Dénaturation des clauses claires et précises Transport à titre gratuit.3° JUGEMENTS ET ARRETS-Violation de la loi-Assurances terrestres.

1° Lorsqu'un contrat d'assurance souscrit pour un usage déclaré d' « agriculture » prévoit l'utilisation du véhicule pour les transports nécessaires aux besoins de l'exploitation de l'assuré, qui sont assimilés aux transports privés de marchandises en vertu de l'article 3(2°) du dahir du 23 décembre 1937, la suspension du contrat ne peut, en raison de cet usage, et par application de l'article 30 (2°, a) de l'arrêté viziriel du 8 juillet 1937 instituant un contrôle en matière d'assurances automobiles, prendre effet avant le 20e jour de la réception de l'avis de suspension envoyé par l'assureur, sous pli recommandé avec accusé de réception, au secrétariat de la commission des transports.2° et 3° S'il appartient aux juges du fond d'interpréter les conventions des parties, ils ne peuvent sous prétexte d'interprétation dénaturer le sens et la portée de clauses claires et précises.Lorsqu'un contrat d'assurance prévoit que « la garantie vis-à-vis des tiers transportés à titre gratuit n'aura d'effet..en ce qui concerne les véhicules utilitaires, que Si le nombre des passagers, inclus membres de la famille et préposés de l'assuré inclus, n'excède pas cinq en sus du conducteur (les enfants de moins de quatre ans n'étant pas compris dans la limite précitée) », les juges du fond qui constatent que 8 passagers à titre gratuit et trois enfants dont l'âge n'est pas indiqué, avaient pris place dans le véhicule utilitaire de l'assuré, ne peuvent, sans méconnaître cette clause claire et précise de non-assurance, ni dénaturer la convention qui leur est soumise, substituer l'assureur pour le paiement des condamnations civiles à intervenir de ceux de ces tiers transportés qui se sont constitués parties civiles contre l'assuré.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1964-03-26;p1602 ?
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