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10/03/1964 | MAROC | N°C160

Maroc | Maroc, Cour suprême, 10 mars 1964, C160


Texte (pseudonymisé)
160-63/64 10 mars 1964 8 999
Société «Bailly-Maroc» et compagnie d'assurances «La Concorde» c/veuve Carolus.
Pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 17 juin 1961.
(Extrait)
La Cour ,
SUR LES TROIS PREMIERS MOYENS REUNIS :
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué que le 9 septembre 1958 vers 9 heures du matin Ab Ad, inspecteur à la société de déménagements «Bailly », était trouvé grièvement blessé dans l'escalier d'un immeuble à Rabat et décédait quelques jours plus tard; que sa veuv

e a assigné la société «Bailly» et la compagnie d'assurances «La Concorde» pour se voir allo...

160-63/64 10 mars 1964 8 999
Société «Bailly-Maroc» et compagnie d'assurances «La Concorde» c/veuve Carolus.
Pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 17 juin 1961.
(Extrait)
La Cour ,
SUR LES TROIS PREMIERS MOYENS REUNIS :
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué que le 9 septembre 1958 vers 9 heures du matin Ab Ad, inspecteur à la société de déménagements «Bailly », était trouvé grièvement blessé dans l'escalier d'un immeuble à Rabat et décédait quelques jours plus tard; que sa veuve a assigné la société «Bailly» et la compagnie d'assurances «La Concorde» pour se voir allouer les rentes prévues par la loi sur les accidents du travail; que la Cour d'appel par arrêt confirmatif a fait droit à cette demande;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir, en violation de l'article 339 du dahir des obligations et contrats et des dispositions du dahir du 25 juin 1927, renversé le fardeau de la preuve en imposant à l'employeur la charge d'établir que la victime ne remplissait pas lors de l'accident une mission de son emploi, alors qu'incombait aux ayants droit du salarié l'obligation de prouver la relation de cause à effet entre l'accident et le travail;
Mais attendu que l'arrêt relève qu'il résultait des déclarations du chef de l'agence de la société «Bailly» entendu sous serment lors de l'instruction et d'une lettre de l'administrateur délégué que les fonctions de la victime consistaient plus particulièrement à prospecter et à «contacte» la clientèle, que Carolus n'était pas tenu de tenir son employeur au courant de ses démarches, qu'il pouvait être appelé à voir un client pour traiter une affaire à n'importe quelle heure; que le jour des faits il était arrivé à son bureau à 8 h 30 et qu'après avoir émargé la circulaire fixant le travail de la journée et parlé de certaines questions de service il était reparti en ville à 9 heures pour reprendre contact avec ses clients;
Attendu que de ces constatations que n'ont fait que renforcer celles critiquées par le pourvoi, les juges du fond ont pu, par une appréciation souveraine et sans renverser le fardeau de la preuve, déduire que l'accident était bien survenu au lieu et dans le temps du travail et devait dès lors être
considéré comme accident du travail sauf pour l'employeur à rapporter la preuve, ce qu'il ne faisait pas en l'espèce, d'une disposition pathologique de la victime;
D'où il suit que les moyens ne sont pas fondés.
Président : M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Ammor.__Avocat général : M. Guillot.__Avocats : MM. Sabas et Aa Ac, Vallet.
Observations
L'appréciation du caractère professionnel ou non professionnel d'un accident est soumise au contrôle de la Cour suprême en fonction des éléments de fait constatés par les juges du fond.
Le texte applicable est l'article 3 Dh. 25 juin 1927 (modifié en la forme par Dh. 6 fév. 1963) aux termes duquel «est considéré comme accident du travail. à moins que l'employeur ou l'assurer ne rapporte la preuve d'une disposition pathologique de la victime, l'accident, quelle qu'en ait été la cause, survenu par le fait ou à l'occasion du travail ».
Il résulte de cet article que tout accident survenu au temps ou au lieu du travail est un accident
du travail. Son application n'offre pas de difficultés lorsque la victime était tenue à des heures de travail fixes en un lieu déterminé. Au contraire le cas des salariés qui, comme les représentants de commerce, les courtiers ou les inspecteurs, ont à se déplacer fréquemment et jouissent d'une certaine liberté dans l'organisation de leur service, pose parfois des problèmes délicats de fond et de preuve.
Sur le fond il convient de faire une distinction entre l'activité professionnelle proprement dite et les nécessités de la vie courante de la victime, ou entre les moments où le salarié est dans l'exercice effectif de ses fonctions et ceux où il a interrompu son travail. Ainsi : est victime d'un accident du travail et non d'un accident de trajet, le courtier ou le représentant de commerce blessé en rentrant en voiture à l'hôtel où il avait à passer la nuit, alors que sa tournée n'était pas terminée et qu'il était trop loin de son domicile pour pouvoir aller coucher chez lui (Civ. IV, 3 mai 1957, B. 510; Civ. IV, 15 nov. 1957, D. 1958.97); au contraire n'est pas couvert par la législation sur les accidents du travail le représentant de commerce blessé en se lavant les pieds dans sa chambre d'hôtel (Civ. 4 juin 1953, D. 1953.680), ou tué à l'hôtel par suite d'un séisme à un moment où il avait suspendu son activité professionnelle (Civ. 13 février 1958, D. 1958.339).
La preuve des circonstances servant de base à l'application de ces principes relève de la libre appréciation des juges du fait qui, en l'absence de certitudes absolues, sont nécessairement conduits à se fonder sur de simples présomptions de fait.
En l'espèce les juges d'appel avaient pu légitimement tirer de l'heure et du lieu de l'accident la conviction que la victime se rendait chez un client au moment où elle avait été blessé; ce faisant ils n'avaient nullement renversé la charge de la preuve et le grief des demanderesses au pourvoi procédait d'une confusion entre la notion de présomption de fait et celle de présomption de droit. Dès lors qu'il était ainsi établi que l'accident était survenu pendant le travail, il incombait à l'employeur ou à son assureur de démontrer que la chute de la victime dans l'escalier ou son décès consécutif étaient dus à une disposition pathologique préexistante.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C160
Date de la décision : 10/03/1964
Chambre civile

Analyses

ACCIDENT DU TRAVAIL-Caractère professionnel de l'accident-Démarcheur-Constatations suffisantes.

Ne renverse pas la charge de la preuve et ne viole pas le dahir du 25 juin 1927, l'arrêt qui qualifie d'accident du travail, l'accident survenu le matin, dans l'escalier d'un immeuble, à l'« inspecteur» d'une entreprise de déménagement chargé de rencontrer la clientèle à domicile alors qu'après être passé à son bureau pour prendre connaissance de son programme de la journée, cet employé était pour visiter ses clients.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1964-03-10;c160 ?
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