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19/02/1964 | MAROC | N°C138

Maroc | Maroc, Cour suprême, 19 février 1964, C138


Texte (pseudonymisé)
138-63/64 19 février 1964 10 649
Compagnie d'assurances «La Concorde»
c/Compagnie de Ab Ae Ac Aa Ad,
Capitaine du navire Oberhausen et Manutention.A.A.
Cassation d'un jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 19 octobre 1961.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE :
Vu les articles 78 du dahir formant Code de commerce et 221 du dahir formant Code de commerce maritime;
Attendu que selon ces textes le transporteur maritime répond de la perte et des avaries des objets qui lui ont été confiés depuis le moment où ils ont été remis jusqu'à celui où il les

délivre au destinataire, sauf pour lui à agir contre l'auteur du dommage; qu'en cons...

138-63/64 19 février 1964 10 649
Compagnie d'assurances «La Concorde»
c/Compagnie de Ab Ae Ac Aa Ad,
Capitaine du navire Oberhausen et Manutention.A.A.
Cassation d'un jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 19 octobre 1961.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE :
Vu les articles 78 du dahir formant Code de commerce et 221 du dahir formant Code de commerce maritime;
Attendu que selon ces textes le transporteur maritime répond de la perte et des avaries des objets qui lui ont été confiés depuis le moment où ils ont été remis jusqu'à celui où il les délivre au destinataire, sauf pour lui à agir contre l'auteur du dommage; qu'en conséquence le destinataire peut poursuivre contre le transporteur maritime la réparation intégrale des avaries qu'il constate lors de la délivrance des marchandises;
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations du jugement attaqué qu'au déchargement d'automobiles ayant voyagé à nu d'Hambourg à Casablanca sur le navire Oberhausen, la Manutention A prit sous palan des réserves pour des avaries d'un montant de 41 936 francs; que lors de la remise des véhicules au destinataire, les avaries s'élevaient à 104 843 francs;
Or attendu que, saisis d'une demande formée par l'assureur du destinataire contre le transporteur maritime en paiement de cette dernière somme et d'un appel en garantie du transporteur contre l'acconier, les juges du fond, considérant que le bord et l'armement, seuls mis en cause par l'assureur, ne pouvaient être déclarés responsables des avaries survenues postérieurement à la mise sous palan pour déchargement, n'ont condamné le transporteur qu'au paiement de 41 936 francs, rejetant le surplus de la demande principale et déclarant mal fondé l'appel en garantie;
D'où il suit qu'en statuant ainsi ils ont faussement appliqué et par suite violé les textes visés au moyen;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président : M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Ammor.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Cagnoli, Chouraqui.
Observations
Un lot de véhicules automobiles est débarqué à Casablanca par les soins de la Manutention A qui fait des réserves sous palan pour des avaries s'élevant à 400 DH. A la livraison le destinataire constate d'autres dégâts qui portent le préjudice total à 1 000 DH, et il obtient de son assureur le paiement de cette somme. L'assureur en demande alors le remboursement au transporteur maritime seul, et ce dernier appelle en garantie la Manutention A afin d'éviter d'avoir à supporter la charge de l'entier dommage, alors qu'il n'en est personnellement responsable que pour 400DH.
Le tribunal saisi est-il tenu de condamner le transporteur, unique défendeur principal, à verser les 1 000 DH à la compagnie d'assurances demanderesse, tout en condamnant la Manutention A à le garantir à concurrence des 600 DH représentant la partie du dommage dont cet acconier est responsable ? Doit-il au contraire décider que la demanderesse n'était pas fondée à agir contre le transporteur maritime pour le dommage réalisé après la mise sous palan, qu'ainsi, n'ayant pas dirigé son action contre l'acconier, la compagnie d'assurances peut obtenir seulement 400 DH du transporteur maritime, et que dès lors l'appel en garantie formé par celui-ci contre la Manutention A est sans objet ?
En adoptant la première solution qu'elle fonde sur les art. 78 C. com. et 221 C. com. mar., la Cour suprême a pris parti sur l'interprétation de l'art. 221 susvisé (1°) et sur la qualité en laquelle intervient la Manutention A lorsqu'elle décharge des marchandises et en assure la garde en attendant leur livraison (2°); mais elle ne s'est pas prononcée nettement sur le principe de l'unité du contrat de transport maritime (3°).
1° Selon l'art. 221 C. com. mar., «le fréteur est responsable de toutes pertes ou avaries occasionnées aux marchandises aussi longtemps qu'elles sont sous sa garde. »; selon l'art. 78 C. com., «le voiturier répond des pertes et avaries des objets qui lui ont été confiés, depuis le moment où ils ont été reçus, jusqu'à celui où il les délivre au destinataire. ». Or, il semble qu'en matière de transport les dispositions du Code de commerce maritime ne doivent pas être considérées comme autonomes, mais comme destinées à appliquer aux particularités du commerce maritime les règles générales du Code de commerce (v. en ce sens René Bayssière, Le droit commercial maritime du Maroc français, p. 67); de fait, dans son titre septième intitulé «Du contrat de transport et du voiturier» le Code de commerce vise souvent sous le nom de voiturier aussi bien le transporteur terrestre que le transporteur maritime (v. art. 79 et art. 81).
Il est donc légitime d'interpréter les dispositions de l'art. 221 C. com. mar. à la lumière des règles générales de l'art. 78 C. com. (V. en ce sens René Bayssière, préc., p. 335 et 336) en décidant, comme le fait l'arrêt rapporté, que «le transporteur maritime répond de la perte et des avaries des objets qui lui ont été confiés, depuis le moment où ils lui ont été remis jusqu'à celui où il les a délivrés au destinataire », c'est-à-dire dans les mêmes limites de temps que le transporteur terrestre.
2° Mais le problème posé n'en est pas pour autant résolu lorsque, comme c'est presque toujours le cas, le déchargement est effectué par une entreprise de manutention. En effet, selon que celle-ci agit en qualité de mandataire du bord ou de mandataire du réceptionnaire, la délivrance des marchandises doit être considérée comme réalisée dès la mise sous palan ou seulement au moment de la livraison effective au destinataire (v. Ripert, T. II, n. 1575-3).
En prolongeant la responsabilité du transporteur maritime jusqu'à cette livraison, c'est-à-dire en estimant que l'exécution des obligations mises à la charge du fréteur par le contrat de transport s'achève seulement à ce moment là, la Cour admet nécessairement, conformément d'ailleurs à la jurisprudence antérieure des juridictions marocaines (v. Ripert, T. II, n. 1575-3 et les décisions citées note 4), que la Manutention A est en principe mandataire du bord. Cette solution apparemment purement prétorienne, comme d'ailleurs la solution inverse admise dans d'autres pays (v. Ripert, ibid.), peut cependant se fonder juridiquement sur les dispositions de l'art. 262 C. com. mar., selon lesquelles le délai de 8 jours imparti au destinataire pour protester contre les avaries court précisément du jour où la marchandise a été mise «à sa disposition effective ».
3° On s'est demandé si les opérations accessoires au transport maritime proprement dit, c'est-à- dire le chargement, le déchargement et éventuellement le dépôt des marchandises à terre en attendant leur livraison font ou non partie du contrat de transport maritime, et si en conséquence elles obéissent ou non aux mêmes règles que ce contrat. C'est la question de l'unité ou du sectionnement du contrat de transport. Elle présente un grand intérêt notamment pour l'application de l'art. 264 C. com. mar. qui prohibe les clauses «ayant pour objet de soustraire l'armateur à sa responsabilité, de déroger aux règles de compétence ou de renverser la charge de la preuve ».
Bien que la Cour suprême n'ait pas eu, en l'espèce, à prendre partie sur ce point, il convient, semble-t-il, d'admettre en droit maritime marocain le principe de l'unité du transport qui est à la fois le plus logique (v. Ripert, T. II, n. 1362) et le plus conforme tant à l'esprit de la décision rapportée qu'aux principes de la législation maritime A, particulièrement sévère pour le transporteur
( v. Ripert, T. II, n. 1358).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C138
Date de la décision : 19/02/1964
Chambre civile

Analyses

TRANSPORT MARITIME-Responsabilité du transporteur-Dommages Survenus pour partie au cours du transport et pour partie après déchargement-Action dirigée contre le transporteur seul-Obligation d'indemniser totalement le destinataire sauf recours du transporteur contre l'acconier.

Le transporteur maritime est responsable des pertes et avaries subies par les marchandises qui lui ont été confiées, depuis le moment où elles lui ont été remises jusqu'à leur délivrance au destinataire.En conséquence, même lorsque le dommage s'est produit entre la mise sous palan et la livraison des marchandises, le destinataire est fondé à réclamer la réparation de son préjudice au transporteur seul, sauf à celui-ci à appeler l'acconier en garantie.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1964-02-19;c138 ?
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