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04/07/1963 | MAROC | N°P1433

Maroc | Maroc, Cour suprême, 04 juillet 1963, P1433


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par Ac Ai contre un jugement rendu le 26 juin 1962 par le tribunal criminel de Casablanca qui l'a condamné à 2 années d'emprisonnement avec sursis et 2500 dirhams d'amende pour faux en écriture de commerce et abus de confiance qualifié, ainsi qu'à payer des dommages-intérêts à la société Granigold, partie civile.
4 juillet 1963
Dossier n°11237
La Cour,
SUR LES PREMIER ET DEUXIEME MOYENS DE CASSATION, pris,
-Le premier, de la «violation des articles 470 et suivants, 473, 474 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, de

la violation des droits de la défense, du défaut de motifs et du manque de base...

Rejet du pourvoi formé par Ac Ai contre un jugement rendu le 26 juin 1962 par le tribunal criminel de Casablanca qui l'a condamné à 2 années d'emprisonnement avec sursis et 2500 dirhams d'amende pour faux en écriture de commerce et abus de confiance qualifié, ainsi qu'à payer des dommages-intérêts à la société Granigold, partie civile.
4 juillet 1963
Dossier n°11237
La Cour,
SUR LES PREMIER ET DEUXIEME MOYENS DE CASSATION, pris,
-Le premier, de la «violation des articles 470 et suivants, 473, 474 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, de la violation des droits de la défense, du défaut de motifs et du manque de base légale, en ce qu'il ne résulte ni des énonciations du jugement ni de celles du procès- verbal des débats qu'aient été respectées les règles prescrites par les articles susvisés concernant les témoins »;
Le second, de la « violation de l'article 474 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, de la violation des droits de la défense, du défaut de motifs et du manque de base légale, en ce que le procès-verbal des débats porte qu'il a été procédé à l'interrogatoire «de l'accusé», alors que la loi prescrit que cet interrogatoire doit être effectué par le président du tribunal criminel et que la formule précitée ne permet pas à la Cour Suprême de vérifier la régularité de la procédure » :
Attendu qu'aux termes de l'article 498 (alinéa 2) du Code de procédure pénale « les formalités légales prescrites pour la tenue des audiences des tribunaux criminels sont présumées avoir été accomplies »; d'où il suit que dans le silence du procès-verbal des débats et du jugement du tribunal criminel et en l'absence de demande de donner acte des irrégularités alléguées les moyens doivent, en application de l'article 498 (alinéa 2) susvisé, être rejetés;
SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION , pris de la « violation des formes substantielles de procédure, notamment des articles 622 à 632 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, en ce qu' « aucune des règles de procédure édictées pour l'instruction des plaintes en faux n'aurait été respectée », que les pièces arguées de faux n'auraient pas été produites lors de l'audience devant la juridiction de jugement et que le tribunal criminel n'aurait donc pas été à même d'examiner les pièces arguées de faux » :
Vu lesdits articles et l'article 456 du Code de procédure pénale;
Attendu, d'une part, que Ac Ai, n'ayant pas formé de pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Chambre d'accusation qui lui a été notifié le 5 avril 1962 et l'a renvoyé devant le tribunal criminel, est irrecevable, en application de l'article 456 susvisé, à invoquer après la décision de condamnation une quelconque irrégularité qui aurait été commise au cours de l'instruction préparatoire;
Attendu, d'autre part, que les dispositions des articles 622 à 628 du Code de procédure pénale,
qui ne sont pas prescrites à peine de nullité, ne présentent pas un caractère substantiel et qu'aux termes de l'article 629 du même Code, le faux en écriture est instruit et jugé dans les formes habituelles; que le demandeur ne peut, en conséquence, invoquer à l'appui de son pourvoi une prétendue omission des formalités prévues en matière de faux en écriture alors qu'il n'a pas pris, au cours des débats, de conclusions tendant à leur exécution;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;
SUR LE QUATRIEME MOYEN DE CASSATION , pris de la violation des dispositions del'article 147 du Code pénal, du défaut de motifs et du manque de base légale, en ce que le tribunal criminel aurait condamné le demandeur pour faux en écritures de commerce, alors que les écrits servant de base à la condamnation ne constitueraient pas des écritures de commerce au sens de l'article 147 susvisé :
Vu ledit article;
Attendu qu'en dépit de leur laconisme regrettable les énonciations du jugement attaqué indiquent que les faux reprochés à Ac ont été commis «sur les livres de la société Granigold »;
Que les altérations de la vérité insérées dans les livres de commerce étant constitutives du faux en écritures de commerce prévu par l'article 147 du Code pénal, le moyen n'est pas fonde;
...................................
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par Ac Ai contre le jugement du tribunal criminel de Casablanca en date du 26 juin 1962.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Carteret.-Avocat général : M. A: MM. Rutili. George Lévy.
Observations
1. Sur le premier point.-Aux termes de l'al. 2 de l'art. 498 C. proc. Pén. : « Les formalités légalement prescrites pour la tenue des audiences des tribunaux criminels sont présumées avoir été
accomplies. Cette présomption n'est infirmée que par une mention du procès-verbal ou du jugement, ou par un donner acte, desquels résulte expressément le défaut d'accomplissement ».
Ces dispositions dérogent à celles de l'art. 765 du même code qui prévoient que : « Toute formalité édictée par le présent Code dont l'accomplissement n'a pas été régulièrement constaté est présumée n'avoir pas été accomplie ».
V, dans le même sens que l'arrêt ci-dessus reproduit, l'arrêt n°1186 du 12 juil. 1962, Rec. Crim. t. 3.290.
II.-Sur les deuxième et troisième points.-La Cour Suprême ne constituant pas un troisième degré de juridiction, le demandeur ne peut en principe proposer à l'appui de son pourvoi un « moyen nouveau », c'est-à-dire un moyen « qui n'ait pas été, expressément ou implicitement, soumis par la partie qui l'invoque au tribunal dont la décision est attaquée, ou qui n 'ait pas été apprécié par le tribunal, à moins que la loi ne lui en ait imposé l'examen d'office dans un intérêt d'ordre public; encore, dans ce dernier cas, la recevabilité du moyen est-elle subordonnée à la condition essentielle qu'il s'appuie sur des faits ou des documents soumis au juge du fond » (Faye, n°123). V. Rép. Pr. Civ, V° Cassation, par Ad Ak, nos 851s, Rép. Crim, V° Cassation, par Af Ae, nos 298 s.; Le Clec'h, Fasc. IV. nos 148 s.; Aj et Levasseur, 2, n°858; Vitu, p. 416; Vouin et Léauté, p. 317; comme exemples de moyens nouveaux, v. les arrêts nos 308 du 28 mai 1959, Rec. Crim. t. 1. 83; 744 du 10 nov. 1960, Rec. Crim. t. 2. 61; 761; du 1 er déc. 1960, ibid. 91; 880 du 24 mai 1961, ibid. 252.
Aux termes de l'art. 456 C. proc. Pén. : « L'accusé qui n'a pas formulé de pourvoi contre l'arrêt de renvoi de la Chambre d'accusation n'est pas recevable à invoquer ultérieurement une quelconque nullité ou irrégularité de l'instruction préalable ou de cet arrêt » (V, dans le même sens que l'arrêt ci-dessus rapporté, les arrêts nos 578 du 10 mars 1960, Rec. Crim. t. 1. 241 et 1058 du 1er mars 1962, Rec. Crim. t.3. 155). Il avait déjà été décidé, sous l'empire du C. instr. Crim, que le défaut de pourvoi contre l'arrêt de renvoi de la Chambre des mises en accusation purgeait tous les vices dont cet arrêt pouvait être entaché, ainsi que ceux qui affectaient l'instruction préparatoire et la procédure suivie devant la Chambre des mises en accusation (Le Poittevin, Art. 299, nos 6 et 7; Rép. Crim, V° Cassation, par Af Ae, n°301; V° Instruction préparatoire, par Ah Ag, n°243; Donnedieu de Vabres, n°1337, note 1; Bouzat, n°1169, C et la note 3).
Mais si lors de l'interrogatoire préalable, le président a indiqué par erreur à l'accusé, pour faire valoir ses droits devant la Cour Suprême, un délai inférieur à celui prévu par la loi, cette partie peut encore, après le prononcé du jugement du tribunal criminel la condamnant, invoquer les nullités de l'instruction préparatoire, de la procédure suivie devant la Chambre d'accusation et de l'arrêt de renvoi de cette Chambre (V. l'arrêt n°327 du 18 juin 1959, Rec. Crim. t. 1.86).
III.-Sur les quatrième et cinquième points.-Les art. 622 et s. C. proc. Pén. édictent les formalités relatives à la procédure du faux en écritures, qui était réglée antérieurement par les art. 448 et s. C. instr. Crim.
L'art. 629 C. proc. Pén. précise que : « Sous réserve des dispositions des articles précédents, le faux en écriture est instruit et jugé dans les formes habituelles » et cette disposition est la reprise, sous une autre forme, de l'al. 1er de l'art. 464 C. instr. crim. qui prévoyait que : « Le surplus de l'instruction sur le faux se fera comme sur les autres délits ».
Toutes les dispositions des art. 622 s. C. proc. Pén. montrent que les formalités prévues pour l'instruction du faux ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu'elles n'ont pas un caractère substantiel (Comp. Jurisclasseur d'instruction criminelle, Art. 448 à 457, n°1; Crim. 4 mars 1843, B.C. 58; 23 mars 1855, B.C. 108. 4 MAI 1871, B.C. 37; 26 juin 1947, B.C. 168).
Le demandeur, qui n'avait pas pris au cours des débats devant le tribunal criminel, de conclusions tendant à l'exécution des formalités prévues en matière de faux, ne pouvait invoquer à l'appui de son pourvoi, et pour la première fois devant la Cour Suprême, l'omission des ces
formalités. Le moyen était en effet nouveau, et comme tel irrecevable (Sur les «moyens nouveaux», v. ci-dessus (II).
IV.-Sur le sixième point.-Les altérations de la vérité insérées dans les livres de commerce sont constitutives du faux en écritures de commerce prévu par l'art. 147 C. pén. de 1913 (V. Rep. Crim. V° faux en écriture, par Ab Aa, nos 145s.)


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1433
Date de la décision : 04/07/1963
Chambre pénale

Analyses

1° TRIBUNAL CRIMINEL-Instruction à l'audience-Formalités légales-Présomption d'accomplissement et de régularité.2° CASSATION-Moyens irrecevables-Moyen nouveau-Moyen non soumis aux juges du fond.3° CHAMBRE D'accusation-Arrêt de renvoi devant le tribunal criminel-Absence de pourvoi-Effet sur l'instruction préparatoire.4° Cassation -Moyens irrecevables-Moyens nouveau-Moyen non soumis aux juges du fond.5° FAUX EN ECRITURE-Procédure-Formalité prévues par les articles 622 à 628 du Code de procédure pénale-Caractères.6° FAUX EN ECRITURE-Faux en écritures de commerce-Livres de commerce.

1° Les formalités légales prescrites pour la tenue des audiences du tribunal criminel sont, aux termes de l'article 498, alinéa 2, du Code de procédure pénale, présumées avoir été accomplies.2° et 3° L'accusé qui n'a pas formulé de pourvoi contre l'arrêt de renvoi devant le tribunal criminel est irrecevable, en application de l'article 456 du Code de procédure pénale, à invoquer après la décision de condamnation une quelconque irrégularité (ou nullité) de l'instruction préparatoire (ou de cet arrêt).4° et 5° Les dispositions des articles 622 à 628 du Code de procédure pénale, relatives à la procédure de faux en écritures, ne sont pas prescrites à peine de nullité et ne présentent pas un caractère substantiel, et, aux termes de l'article 629 du même code, le faux en écriture est instruit et jugé dans les formes habituelles.Un demandeur ne peut, en conséquence, invoquer à l'appui de son pourvoi une prétendue omission des formalités prévues en matière de faux en écriture alors qu'il n'a pas pris au cours des débats devant le tribunal criminel de conclusions tendant à leur exécution.6° Les altérations de vérité insérées dans les livres de commerce sont constitutives du faux en écritures de commerce prévu par l'article 147 du Code pénal de 1913.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1963-07-04;p1433 ?
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