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23/05/1963 | MAROC | N°C201

Maroc | Maroc, Cour suprême, 23 mai 1963, C201


Texte (pseudonymisé)
En conséquence, encourt la cassation l'arrêt qui d'une part fait partir le délai de cinq ans de la date de l'immatriculation, sans avoir égard à la date à laquelle la victime a eu connaissance du dol, et qui d'autre part fait partir le délai de quinze ans de la date de la décision judiciaire qui a statué définitivement sur le contentieux de l'immatriculation entre la victime et son adversaire.
201-62/63 23 mai 1963 6868
Ab et Ad Aa Ac Aa Ae c/Bouchaïb ben Houcine.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 2 juillet 1960.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE PRIS E

N SES DEUX BRANCHES :
Vu l'article 106 du dahir des obligations et contrat...

En conséquence, encourt la cassation l'arrêt qui d'une part fait partir le délai de cinq ans de la date de l'immatriculation, sans avoir égard à la date à laquelle la victime a eu connaissance du dol, et qui d'autre part fait partir le délai de quinze ans de la date de la décision judiciaire qui a statué définitivement sur le contentieux de l'immatriculation entre la victime et son adversaire.
201-62/63 23 mai 1963 6868
Ab et Ad Aa Ac Aa Ae c/Bouchaïb ben Houcine.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 2 juillet 1960.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
Vu l'article 106 du dahir des obligations et contrats;
Attendu que d'après ce texte l'action en indemnité du chef d'un délit ou quasi-délit se prescrit par trois ans à partir du moment où la partie lésée a eu connaissance du dommage et de celui qui est tenu d'en répondre et en tous cas par quinze ans à partir du moment où le dommage a eu lieu;
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué que Ab bent Lahcen et sa sour Ad ont assigné Af ben Houcine en réparation du dommage qu'il leur aurait causé en obtenant son inscription au titre foncier n°29 866/C au moyen de manouvres frauduleuses par lui commises au cours de la procédure d'immatriculation;
Attendu que la Cour d'appel qui a statué tant par motifs propres que par adoption de motifs a déclaré cette action prescrite, en raison de ce que plus de trois ans se sont écoulés entre le 21 septembre 1943 où le titre foncier a été établi et le 3 juillet 1958 où l'action a été engagée, et au surplus de ce que plus de quinze ans s'étaient écoulés entre cette dernière date et celle de l'arrêt du 25 mars 1942 qui a mis fin au contentieux de l'immatriculation, procès au cours duquel s'est réalisé le dommage;
Attendu que pour justifier leur décision les juges du fond énoncent d'une part que l'inscription aux registres fonciers vaut, tant en vertu de la loi que de la jurisprudence, publicité des droits qu'ils constatent, et marque le moment où les deux demanderesses sont réputées avoir eu valablement connaissance du dommage, d'autre part que celles-ci ont été parties à l'instance qui a abouti à l'arrêt du 25 mars 1942 qu'elles n'ont pu ignorer;
Or attendu d'une part que le dommage dont l'article 64 du dahir du 12 août 1913 permet de réclamer la réparation pécuniaire est uniquement celui que constitue une immatriculation dolosive, et qu'ainsi le délai de trois ans visé à l'article 106 du dahir des obligations et contrats ne doit commencer à courir que du jour où la partie lésée a eu connaissance tant de l'immatriculation que du dol dont elle est la conséquence et qui seul autorise l'exercice du recours, et que la prescription de quinze ans doit avoir pour point de départ le jour où s'est réalisée cette immatriculation par l'inscription aux livres fonciers;
Attendu d'autre part que la publicité et la présomption de connaissance sur lesquelles la Cour d'appel a fondé sa décision ne concernent que les droits ayant fait l'objet d'une inscription au livre foncier à l'exclusion des manouvres qui y ont abouti;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour d'appel a faussement interprété et donc violé le texte susvisé;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Azoulay.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Ayoub, Abitan.
Observations
La victime d'une manouvre dolosive n'a réellement «connaissance du dommage» que du jour
où elle a découvert la tromperie, puisque, jusque là, elle ignore qu'elle a été lésée. C'est pourquoi, dans l'hypothèse d'une immatriculation dolosive, prévue à l'art. 64 Dh. foncier, le premier des deux délais fixés par l'art. 106 C. obl. (originairement de 3 ans, porté à 5 ans par Dh. 17 nov. 1960) ne peut commencer à courir que du moment où les trois conditions suivantes sont réunies : une condition objective qui est réalisée par l'immatriculation, et deux conditions subjectives, la connaissance par la victime de l'existence du dol et la connaissance de son auteur, c'est-à-dire de «celui qui est tenu d'en répondre» (cette personne étant la plupart du temps le bénéficiaire de l'immatriculation, cette dernière condition résulte de l'immatriculation elle-même, ce qui, comme en l'espèce, ramène pratiquement à deux les conditions susvisées).
Quant au délai de 20ans (jadis 15 ans) qui, selon l'art. 106, court dans tous les cas de la date de réalisation du dommage, il part dans la même hypothèse nécessairement du jour de l'immatriculation elle-même, puisque c'est l'immatriculation qui est visée par l'art. 64, et que, jusqu'à elle, le dol peut demeurer sans effet, soit que la victime l'ait découvert à temps, soit que ses auteurs aient renoncé à en tirer profit.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C201
Date de la décision : 23/05/1963
Chambre civile

Analyses

IMMATRICULATION-Action en dommages et intérêts pour immatriculation dolosive- Prescription-Délais-Point de départ.

Aux termes de l'article 106 du Code des obligations et contrats, l'action en indemnité née d'un délit ou d'un quasi-délit se prescrit par cinq ans (trois ans à l'époque des faits) à partir du moment où la partie lésée a eu connaissance du dommage et de celui qui est tenu d'en répondre, et en tous cas par quinze ans à partir du moment où le dommage a eu lieu.Lorsque cette action est exercée par la victime d'une immatriculation dolosive par application de l'article 64 du dahir du 12 août 1913 sur l'immatriculation des immeubles, le délai de cinq ans court de la date à laquelle la partie lésée a eu à la fois connaissance de l'immatriculation et connaissance du dol, et le délai de quinze ans court de la date de l'immatriculation.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1963-05-23;c201 ?
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