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09/05/1963 | MAROC | N°P1376

Maroc | Maroc, Cour suprême, 09 mai 1963, P1376


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur le pourvoi formé par Ab Ae et la compagnie d'assurances la Protectrice contre un jugement rendu le 9 juillet 1962 par le tribunal de première instance de Fés qui a condamné pénalement Moutaoukkil pour vitesse non adaptée aux circonstances, homicide et blessures involentaires, ainsi qu'à payer sous la substitution de la compagnie d'assurances la protectrice, des dommages-intérets à Ad bent taher ben moulay zaki et une indemnité provisionnelle à Af Ac Aa A m'hamed, en attendant les résultats d'une expertise médicale.
9 mai 1963
Dossier n°11267
La Cour,
SUR

LES DEUX EXCEPTIONS D'IRRECEVABILITE DU POURVOI , soulevées par Af Ac Aa...

Cassation sur le pourvoi formé par Ab Ae et la compagnie d'assurances la Protectrice contre un jugement rendu le 9 juillet 1962 par le tribunal de première instance de Fés qui a condamné pénalement Moutaoukkil pour vitesse non adaptée aux circonstances, homicide et blessures involentaires, ainsi qu'à payer sous la substitution de la compagnie d'assurances la protectrice, des dommages-intérets à Ad bent taher ben moulay zaki et une indemnité provisionnelle à Af Ac Aa A m'hamed, en attendant les résultats d'une expertise médicale.
9 mai 1963
Dossier n°11267
La Cour,
SUR LES DEUX EXCEPTIONS D'IRRECEVABILITE DU POURVOI , soulevées par Af Ac Aa A M'Hamed :
Attendu qu'à défaut de dispositions restrictives dans la déclaration de pourvoi, les parties ayant intérêt à la solution de ce pourvoi sont celles que concerne la décision attaquée; qu'en matière pénale la mise en cause de ces parties devant la cour suprême n'incombe pas, en, application de l'article 592 du code de procédure pénale, au demandeur au pourvoi; qu'ainsi doit être rejetée l'exception d'irrecevabilité du pourvoi tirée de ce qu'il n'a pas été expressément dirigé contre le ministère public;
Attendu d'autre part que, s'il ne peut être immédiatement frappé de pourvoi en ses dispositions avant dire droit qui ont ordonné une expertise pour déterminer le préjudice d'une partie civile, le jugement d'appel attaqué comporte, notamment en ce qui concerne la responsabilité du prévenu, des dispositions définitives susceptibles de pourvoi immédiat, et dont la cassation, si elle était prononcée, entraînerait par voie de conséquence celle de l'expertise ainsi privée de fondement; d'où il suit que doit également être rejetée l'exception d'irrecevabilité du pourvoi tirée du caractère partiellement avant dire droit de la décision attaquée;
........................................
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, pris du défaut de motifs et du manque de base légale :
Attendu que pour déclarer constituée l'infraction prévue par l'article 32 de l'arrêté viziriel du
24 janvier 1953, les juges du fond doivent, non seulement relever les circonstances momentanées ou les conditions de la circulation qui imposaient au prévenu de ralentir l'allure de son véhicule, mais en outre caractériser l'excès de vitesse commis par ce prévenu eu égard à ces circonstances et conditions; qu'à défaut d'évaluation de la vitesse du prévenu, ou de constatations impliquant son caractère excessif, la Cour suprême ne se trouve pas en mesure de vérifier la légalité de la décision de condamnation prononcée;
Attendu que le jugement infirmatif attaqué qui a condamné Moutaoukkil pour inobservation des dispositions de l'article 32 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953, précise bien les circonstances qui imposaient à ce conducteur de ralentir la vitesse de son véhicule, mais se borne, en ce qui concerne cette vitesse, a affirmer « qu'il appartenait à Moutaoukkil de réduire sa vitesse et de l'adapter aux circonstances de temps et de lieu. », « qu'ainsi il a perdu la maîtrise de son véhicule . » et « que s'il avait adapté sa vitesse aux circonstances de temps et de lieu il aurait.arrêté son véhicule avant qu'il dérape et heurte un mur et un pylône électrique »; que de telles recommandations ou considérations permettent pas de contrôler le caractère excessif de la vitesse attribuée au véhicule du prévenu;
Attendu que le jugement comporte en outre l'indication qu'à la suite du coup de frein donné par le prévenu, le véhicule a glissé et dérapé sur la chaussée mouillée; que toutefois cette constatation ne saurait, à défaut de précisions sur la longueur du dérapage ou sur l'importance des dégâts consécutifs à ce dérapage, permettre de déduire que le prévenu roulait à une allure excessive, le simple fait de déraper sur une chaussée rendue glissante par la pluie, pouvant avoir été provoqué non par la vitesse, mais par un freinage défectueux;
Attendu en conséquence que la décision de condamnation prononcée pour infraction à l'article 32 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 encourt la cassation pour manque de base légale; par voie de conséquence; que, il en est de même de celle intervenue en répression des délits d'homicide et de blessures involontaires, qui n'est fondée que sur l'existence de la contravention audit article 32;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule en toutes ses dispositions tant pénales que civiles, le jugement du tribunal de première instance de Fès du 9 juillet 1962.
Président : M. B : M.ZEHLER-Avocat général : M. C : MM.Pajanacci, Benchétrit.
Observations
1-Sur le premier point-V, dans le même sens l'arrêt n°1106 du 19 avr.1962, Rec. Crim.t.3.218 et la note, l'arrêt n°1681 du 2 juil 1964 et la note (I) sous l'arrêt n°1639 du 21 mai 1964, publié dans ce volume.
II-Sur le deuxième point-V. la note (I) sous l'arrêt n°1338 du 28 févr 1963.
III-Sur le troisième point-V, dans le même sens, l'arrêt n 882 du 1er juin 1961, Rec.Crim.t.2.261.comp.les arrêts nos 694 du 7 juil 1960, Rec.Crim.t.1.324 et 1104 du 12 avr.1962, Rec. Crim.t.3.215.
IV-Sur les quatrième et cinquième points-A-Aux termes de l'al.1er de l'art.32 arr. viz.24 janv.
1953 sur la police de la circulation et du roulage : « Sans préjudice des responsabilités qu'il peut encourir en raison des dommages causés aux personnes, aux animaux, aux choses ou à la route, tout Conducteur d'automobile doit toujours adapter sa vitesse aux circonstances momentanées ou aux conditions de circulation dans lesquelles il se trouve; il est tenu non seulement de réduire cette vitesse à l'allure autorisée sur les voies publiques, pour l'usage desquelles le directeur des travaux publics ou les autorités municipales et locales ont le pouvoir d'édicter des prescriptions spéciales, conformément aux dispositions de l'article 58 du présent arrêté, mais de ralentir ou même d'arrêter le mouvement toutes les fois que le véhicule, en raison des circonstances ou de la disposition des lieux, pourrait être une cause d'accident, de désordre ou de gêne pour la circulation, notamment dans les agglomérations, dans les courbes, les fortes descentes, les sections de route bordées d'habitations, les passages étroits et encombrés, les carrefours, lors d'un croisement ou d'un dépassement, ou encore lorsque, sur la voie publique, les bêtes de trait, de charge ou de selle, ou les bestiaux montés ou conduits par des personnes, manifestent à son approche des signes de frayeur ».
La règle essentielle édictée par ce texte est celle qui prévoit que tout conducteur d'automobile doit toujours adapter sa vitesse aux circonstances momentanées ou aux conditions de circulation dans lesquelles il se trouve. La suite de l'art. n'en constitue que l'illustration
La condamnation d'un conducteur d'automobile du chef d'infraction à l'art. 32 précité suppose donc :
a) l'existence de circonstances momentanées ou de conditions de circulation ayant rendu nécessaire le ralentissement ou l'arrêt du véhicule;
b) une vitesse non adaptée à ces circonstances ou conditions.
Pour permettre à la cour suprême d'exercer son contrôle sur la légalité de la condamnation prononcée, de suivre le raisonnement qu'ils ont tenu, d'affirmer ou de nier le caractère adéquat de la qualification juridique qu'ils ont adoptée et la légalité des conséquences qu'ils en ont tirées, les juges du fond doivent exposer d'une façon suffisamment complète les faits de la cause. Lorsque leurs constations de fait ne sont pas suffisantes, la décision n'est pas justifiée et manque de base légale (sur l'insuffisance de motifs ou manque de base légale, v. la note (III A) sous l'arrêt n°1220 du 8 nov. 1962).
Ainsi, la cour suprême casse les décisions qui ne comportent aucune indication relative aux circonstances de temps et de lieu qui rendaient nécessaire le ralentissement du véhicule ou son arrêt (Arrêts nOS 179 du 15 janv.1959, Rec. Crim.t.1.48, 957 du 30 nov.1961, Rec. Crim. T.3.33; 1176 du 21 Juin1962, ibid. 283).
Mais la question de savoir de quelle manière le caractère excessif de la vitesse du véhicule par rapport aux circonstances momentanées ou aux conditions de la circulation devait être motivé, ne s'était encore jamais posée à la cour suprême.
Or le caractère « excessif » attribué à la vitesse d'un véhicule ne constitue pas une simple constatation de fait, mais une «qualification » sur laquelle la cour suprême doit pouvoir exercer le contrôle qui lui est dévolu par l'art. 568 C. proc. Pén. (sur les pouvoirs des juges du fond et le contrôle de la cour suprême, ainsi que sur la distinction du «fait » et du « droit », v. la note (111) sous l'arrêt n°732 du 3 nov.1960, Rec. crim.t. 2.39).
La cour suprême avait déjà, antérieurement au prononcé de l'arrêt ci-dessus rapporté, contrôlé cette qualification, mais pour rejeter les moyens de cassation du demandeur au pouvoir (v.
notamment l'arrêt n°670 du 16 juin1960, Rec. Crim. t. 1. 306 : le jugement attaqué précisait que le prévenu n'avait « pu arrêter son véhicule qu' à 13 mètres du point de choc » et la cour suprême a ajouté : « ce qui démontre que sa vitesse était excessive par rapport à ses possibilités de freinage ».
Dans l'arrêt ci-dessus rapporté, la haute juridiction casse une décision qui, après avoir correctement énoncé les circonstances momentanées qui imposaient au conducteur un ralentissement de la vitesse de son véhicule, avait omis de préciser les circonstances de fait permettant « de contrôler le caractère excessif de la vitesse » (v. dans le même sens, l'arrêt n°1785 du 4 mars1965 publié dans ce volume). La constatation des juges du fond, selon laquelle le véhicule avait glissé et dérapé sur la chaussée, ne pouvait en effet, « à défaut de précisions sur la longueur du dérapage ou sur l'importance des dégâts consécutifs à ce dérapage, permettre de déduire que le prévenu roulait à une allure excessive, le simple fait de déraper sur une chaussée rendue glissante par la pluie pouvant avoir été provoqué non par la vitesse, mais par un freinage défectueux ».
B.-Pour condamner le prévenu des chefs d'homicide et blessures involontaires, les juges du fond avaient uniquement retenu à son encontre une contravention à l'art. 32 arr. Viz. 24 janv. 1953. Dés lorsque cette «inobservation des règlements » n'était pas légalement constatée, la condamnation pour homicide et blessures involontaires manquait également de base légale (v. dans le même sens, l'arrêt n°179 du 15 janv. 1959, Rec. Crim. T. 1. 48).


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1376
Date de la décision : 09/05/1963
Chambre pénale

Analyses

1-CASSATION-Instruction du pourvoi-Défendeur-Article 592 du code de procédure pénale.2-CASSATION-Décisions susceptibles de pourvoi-Décision définitives-Jugement mixte-Règlesapplicables. 3-JUGEMENT ET ARRETS-Mentions-Texte législatif appliqué-Sanction du défaut de citationde la loi pénale.4-CIRCULATION-Non-adaptation de la vitesse aux circonstances-Motifs insuffisants. 5-JUGEMENTS ET ARRETS-Motifs insuffisants-circulation.

1°-A défaut de dispositions restrictives dans la déclaration de pourvoi, les parties ayant intérêt à la solution de ce pourvoi sont celles que concerne la décision attaquée.En matière pénale, la mise en cause de ces parties devant la cour suprême n'incombe pas, en application de l'article 592 du code de procédure pénale, au demandeur au pourvoi.2°-L'exception d'irrecevabilité du pourvoi tirée du caractère partiellement avant dire droit dela décision attaquée doit être rejetée dés lors que cette décision comporte des dispositions définitives susceptibles de pourvoi immédiat et dont la cassation, si elle était prononcée, entraînerait par voie de conséquence celle de la mesure avant dire droit ainsi privée de fondement.3°-Lorsque les énonciations de la décision attaquée ne laissent subsister aucune incertitude sur le fondement légal des condamnations prononcées, l'inobservation de l'article 348 du code de procédure pénale relative au visa des textes de loi appliqués ne saurait entraîner la cassation de cette décision.4° et 5° Pour déclarer constituée l'infraction prévue par l'article 32 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953, les juges du fond doivent non seulement relever les circonstances momentanées ou les conditions de la circulation qui imposaient au prévenu de ralentir l'allure de son véhicule, mais en outre caractériser l'excès de vitesse commis par ce prévenu eu égard à ces circonstances et conditions.A défaut d'évaluation de la vitesse du prévenu, ou de constatations impliquant son caractère excessif, la Cour suprême ne se trouve pas en mesure de vérifier la légalité de la décision de condamnation prononcée.Lorsqu'une condamnation pour infraction à l'article 32 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 manque de base légale, la cassation s'étend par voie de conséquence à celle prononcée des chefs d'homicide et blessures involontaires dès lors que cette condamnation n'est fondée que sur l'existence de la contravention audit article 32.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1963-05-09;p1376 ?
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