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12/03/1963 | MAROC | N°C126

Maroc | Maroc, Cour suprême, 12 mars 1963, C126


Texte (pseudonymisé)
126-62/63 12 mars 1963 10 620
Compagnie «Ab Aa de Seguros y Reaseguros» c/compagnie «Yugoslav Lines».
Cassation d'un jugement du tribunal régional de Tanger du 20 février 1962.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES PREMIERE ET DEUXIEME BRANCHES QUI SE CONFONDENT :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations du jugement infirmatif attaqué que la Compagnie Hispano-Américaine d'Assurances et de Réassurance, ayant assuré le transport de Ac Ad à Tanger de 125 balles de vêtements usagés et ayant dû verser à son assuré la valeur de deux balles non d

ébarquées, a réclamé au transporteur, la «Yugoslav Line », le montant de ses débo...

126-62/63 12 mars 1963 10 620
Compagnie «Ab Aa de Seguros y Reaseguros» c/compagnie «Yugoslav Lines».
Cassation d'un jugement du tribunal régional de Tanger du 20 février 1962.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES PREMIERE ET DEUXIEME BRANCHES QUI SE CONFONDENT :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations du jugement infirmatif attaqué que la Compagnie Hispano-Américaine d'Assurances et de Réassurance, ayant assuré le transport de Ac Ad à Tanger de 125 balles de vêtements usagés et ayant dû verser à son assuré la valeur de deux balles non débarquées, a réclamé au transporteur, la «Yugoslav Line », le montant de ses débours;
Que les juges du second degré ont rejeté cette demande au motif que, le destinataire n'ayant pas accompli les formalités prescrites par l'article 262 du Code de commerce maritime, la fin de non- recevoir prévue par ce texte devait lui être opposée;
Attendu qu'il est fait grief au jugement d'avoir ainsi statué alors que la perte de deux balles constituant chacune une unité de chargement devait être considérée comme une perte totale et que dès lors ne pouvait être opposée la fin de non-recevoir prévue par le texte précité, laquelle ne joue qu'en cas de perte partielle et que si les marchandises ont été mises à la disposition du destinataire;
Mais attendu que la nature partielle ou totale de la perte s'apprécie par rapport à l'ensemble du chargement, la marchandise transportée ne pouvant, contrairement à ce que soutient le pourvoi, être l'objet de plusieurs pertes totales; que par «mise à la disposition de la marchandise» l'article 262
entend la remise effective des marchandises débarquées dont le pointage permet, par comparaison avec le connaissement, d'établir les manquants;
Attendu dès lors, qu'ayant constaté que la cargaison avait été livrée à l'exclusion des deux balles perdues, les juges du second degré, pour déclarer que l'article 262 était applicable, ont donné une base légale à leur décision;
SUR LA TROISIEME BRANCHE DU PREMIER MOYEN ET LE SECOND MOYEN REUNIS ET QUI SE CONFONDENT :
Vu l'article 262 du Code de commerce maritime;
Attendu que les prescriptions de ce texte ne sont pas d'ordre public et que les parties peuvent renoncer à s'en prévaloir; que dès lors les pourparlers qu'elles engagent peuvent suspendre les délais prévus dans ledit article;
Que le jugement, en décidant que les pourparlers engagés «ne dispensaient pas pour autant la demanderesse de remplir les formalités prescrites par l'article 262 dont le délai qu'il fixe est un délai de procédure à quoi il n'est pas possible de renoncer, même par l'accord des parties », a faussement appliqué et par suite violé ledit article;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Tanchot.__Avocat général : M. Bocquet.__Avocats : MM. Sorger, Courballée.
Observations
I.-Aux termes de l'art. 262 C. com. mar., toute action en dommages intérêts exercée contre le capitaine, l'armateur ou le propriétaire de la marchandise objet d'un transport maritime est irrecevable «si, au plus tard dans les huit jours, jours fériés non compris, de la date à laquelle la marchandise a été mise à la disposition effective du destinataire, il n'a pas été fait et signifié, par acte extra-judiciaire ou lettre recommandée, une protestation motivée, et si cette protestation n'a pas été suivie d'une action en justice dans le délai de quatre-vingt-dix jours ».
Cette fin de non-recevoir n'est applicable qu'en cas d'avaries particulières ou de pertes partielles de la marchandise. En cas de perte totale, seule la prescription annale prévue à l'art. 263 C. com. mar. est applicable.
La compagnie d'assurances demanderesse au pourvoi tentait donc d'échapper à la forclusion de l'art. 262 en soutenant que la perte intégrale de deux balles de vêtements parmi les cent vingt-cinq qui composaient la marchandise transportée pour son assuré, ne constituait pas une perte partielle au sens de l'art. Susvisé, mais une perte totale donnant lieu à la seule application de l'art. 263.
L'arrêt rapporté répond à juste titre qu'un même chargement ne peut faire l'objet de plusieurs pertes totales et que par perte partielle il faut entendre la perte d'une partie du chargement. Il va de soi, cependant, que par l'expression de chargement la Cour suprême entend désigner l'ensemble des marchandises expédiées par un même navire à un même destinataire et que l'on doit considérer qu'à
chaque destinataire différent correspond dans la cargaison un chargement différent susceptible de pertes partielles ou d'une perte totale.
II.-L'art. 435 C. com. français ne prévoit une fin de non-recevoir qu'en ces d'avaries et ne vise nullement les pertes partielles. Il en résulte que pour les transports régis par ce texte le délai de forclusion ne peut pas courir en ce qui concerne des marchandises qui n'ont pas été effectivement mises à la disposition du destinataire. Au contraire l'art. 262 C. com. mar. (comme d'ailleurs l'art. 57 D. français 31 déc. 1966) prévoit une fin de non-recevoir aussi bien en cas de manquants qu'en cas de simples avaries. Méconnaissant cette particularité, la demanderesse au pourvoi soutenait que la fin de non recevoir prévue audit articles n'était pas applicable puisque les deux balles manquantes n'avaient pas été débarquées.
L'arrêt rapporté répond que par «mise à la disposition de la marchandise» l'art. 262 susvisé entend la remise de l'ensemble des marchandises effectivement débarquées. En effet, le destinataire peut à ce moment-là se rendre compte aussi bien des avaries que des manquants, et c'est de ce moment que le délai de huit jours commence à courir contre lui.
Pour éviter que le destinataire puisse échapper à la fin de non-recevoir en refusant la marchandise, la jurisprudence assimile ce refus à la protestation prévue à l'art. 262 (v. Georges Ripert, Droit maritime, n. 1835 bis), ce qui l'oblige à peine de forclusion à engager son action dans les 90 jours.
III.-L'arrêt rapporté décide enfin que les dispositions de l'art. 262 ne sont pas d'ordre public et que dès lors les parties peuvent renoncer à s'en prévaloir. Cette solution est conforme à celle de la doctrine et de la jurisprudence française pour l'application des dispositions de l'art. 435 C. com. français (v. Georges Ripert, Droit maritime, n. 1840 et s.).
La renonciation peut être expresse; certains auteurs admettent même qu'on peut valablement y consentir à l'avance, et ce contrairement au principe général selon lequel la renonciation anticipée à une prescription est frappée de nullité (v. ibid. n. 1841). Elle peut également être tacite dans ce cas elle est susceptible d'être déduite, soit de la promesse faite par l'armateur au chargeur ou de l'abandon fait par le capitaine d'une partie du fret à titre d'indemnité, soit de l'expertise décidée par le capitaine et offerte par lui au chargeur, soit encore, comme en l'espèce, de pourparlers engagés entre les parties; mais dans cette dernière hypothèse, on s'est demandé si les pourparlers valaient renonciation définitive à la fin de non-recevoir ou seulement suspension des délais (v. ibid. n. 1842); l'arrêt rapporté opte pour cette deuxième solution.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C126
Date de la décision : 12/03/1963
Chambre civile

Analyses

1° TRANSPORT MARITIME-Responsabilité du transporteur-Fin de non-recevoir-Perte partielle-Définition.2° TRANSPORT MARITIME-Responsabilité du transporteur-Fin de non-recevoir-Délai-Point de départ.3° TRANSPORT MARITIME-Responsabilité du transporteur-Fin de non-recevoir- Pourparlers-Effets.

1° La nature partielle ou totale de la perte de la marchandise objet du transport maritime ne s'apprécie pas par rapport aux différentes unités du chargement, mais par rapport à l'ensemble de celui-ci.2° Le délai prévu à l'article 262 du Code de commerce maritime court à dater de la remise effective des marchandises débarquées dont le pointage permet, par comparaison avec le connaissement, d'établir les manquants.3° Les dispositions de l'article 262 du Code de commerce maritime ne sont pas d'ordre public et les parties peuvent renoncer à s'en prévaloir. Les pourparlers engagés entre elles ont pour effet de suspendre les délais prévus audit article.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1963-03-12;c126 ?
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