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28/02/1963 | MAROC | N°P1338

Maroc | Maroc, Cour suprême, 28 février 1963, P1338


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur les pourvois formés par Ap Ab Ak Ab Al, Af Ab Al et Ae Ab Ak, parties civiles, contre un jugement rendu le 12 juillet 1962 par le tribunal de première instance de Marrakech qui a statué sur une défense à exécution provisoire présentée par Aq A Ag Ab Ad, prévenu, par la Société Atlantide, civilement responsable, et par la compagnie d'assurance L'Urbaine et la Seine, ainsi que sur les indemnités provisionnelles allouées aux parties civiles par décision du tribunal de paix de Safi du 28 février 1962.
28 février 1963
Dossiers nos 11506, 11507 et 11508
La Co

ur,
Attendu que, déclarant « inéluctable l'indemnisation des parties civ...

Cassation sur les pourvois formés par Ap Ab Ak Ab Al, Af Ab Al et Ae Ab Ak, parties civiles, contre un jugement rendu le 12 juillet 1962 par le tribunal de première instance de Marrakech qui a statué sur une défense à exécution provisoire présentée par Aq A Ag Ab Ad, prévenu, par la Société Atlantide, civilement responsable, et par la compagnie d'assurance L'Urbaine et la Seine, ainsi que sur les indemnités provisionnelles allouées aux parties civiles par décision du tribunal de paix de Safi du 28 février 1962.
28 février 1963
Dossiers nos 11506, 11507 et 11508
La Cour,
Attendu que, déclarant « inéluctable l'indemnisation des parties civiles» et préjugeant de l'évaluation ultérieure de l'indemnité définitive par le fait de la réduction à 8000 DH qu'il fait subir à l'indemnité provisionnelle de l'une des parties civiles « pour rester avec certitude en dessous du dommage », le jugement d'appel attaqué tranche partiellement le fond du litige et comme tel n'est pas soumis aux dispositions de l'article 572 du Code de procédure pénale.;. que d'autre part les suppressions ou réductions qu'il apporte au montant des indemnités assorti par le premier juge de l'exécution provisoire, font grief aux parties civiles demanderesses au pourvoi.;. qu'ainsi les pourvois, réguliers par ailleurs en la forme, se trouvent recevables.;.
Attendu que, sur le pourvoi des parties civiles, peuvent être relevés d'office les moyens de cassation qui, en même temps qu'aux intérêts civils, touchent à l'ordre public, tels ceux relatifs à l'exercice des voies de recours devant les juridictions répressives.;.
Attendu que, saisi respectivement par les appels du prévenu Aq A Ag, de la Société Atlantide civilement responsable et de son assureur la compagnie « L'Urbaine et la Seine » par les appels des parties civiles Af Ab Al et Ap Ab Ak Ab Al, et par l'appel du ministère public contre les deux prévenus dont l'un Ah Ab Aj Ab Am avait été relaxé par le premier juge, le tribunal d'appel de marrakech, reconnaissant que « l'examen sur le fond n'avait pas été porté au rôle de l'audience », eût dû se borner à statuer sur la demande de défenses à exécution provisoire par laquelle Aq A Ag, la Société Atlantide, et la compagnie « L'Urbaine et la Seine » tentaient de s'opposer au paiement immédiat de la part des indemnités que le premier juge avait accordée aux quatre parties civiles avec exécution provisoire en vertu de l'article 400 du Code de procédure pénale, méconnaissant ainsi en ce qui concerne Ae Ab Ak et Ac Ab Ao, pour lesquels l'indemnité constituait une provision avant expertise, les dispositions de l'article 5 du dahir du 8 juillet 1937 selon lesquelles : «Tout jugement allouant une provision à la victime ou à ses ayants droit sera exécutoire nonobstant appel et sans caution».;.
Attendu qu'après avoir à bon droit déclaré irrecevable une telle demande aux fins de défenses à exécution provisoire qui n'est prévue par aucune disposition du Code de procédure pénale, les juges d'appel ont cru néanmoins pouvoir examiner cette demande comme étant susceptible de dissocier la procédure d'appel et de faire par anticipation « utilement venir en appel la partie du jugement statuant sur l'exécution provisoire».;.
Attendu qu'en dénaturant ainsi la demande précise dont ils étaient saisis, en statuant comme ils l'ont fait par une disposition fragmentaire tranchant partiellement le fond du litige, en proclamant l'néluctabilité d'une indemnisation des parties civiles qui implique nécessairement une condamnation pénale puisqu'elle lui est subordonnée, les juges d'appel ont révélé leur décision ultérieure relative aux poursuites pénales, excédé leurs pouvoirs, et violé les règles relatives à l'effet dévolutif de l'appel.;.
Qu'en conséquence, et sans qu'il nécessaire d'examiner les moyens des demandeurs, le jugement d'appel attaqué encourt la cassation en toutes ses dispositions autres que celles constatant l'irrecevabilité de la demande aux fins de défenses à exécution provisoire et réservant les dépens.;. que rien ne restant à juger relativement à cette demande irrecevable, il n'y a pas lieu à renvoi devant une autre juridiction.;.
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties, sans renvoi, le jugement du tribunal de première instance de Marrakech du 12 juillet 1962, en toutes dispositions, à l'exception de celles qui ont déclaré irrecevable la demande aux fins de défenses à exécution provisoire et réservé les dépens.
Président: M.Deltel.-Rapporteur: M. Martin.-Avocat général: M. Ruolt.-Avocats : MM.Cohen, Gui et Paolini.
Observations
I. Sur le premier point. Aux termes de l'art. 571 C. proc. pén. :
« Tous jugements, arrêts et ordonnances définitifs sur le fond et en dernier ressort peuvent être frappés de pourvois en cassation, si la loi n'en dispose autrement ».
L'art.572, al 1er, du même Code prescrit d'autre part que : « les décisions préparatoires ou interlocutoires ou statuant sur des incidents ou exceptions ne peuvent être frappées de pourvoi qu'après la décision définitive rendue en dernier ressort sur le fond et en même temps que le pourvoi formé contre cette dernière décision. Il en est de même des décisions rendues sur la compétence à moins qu'il ne s'agisse d'incompétence à raison de la matière et que l'exception ait été soulevée avant toute défense au fond. ».
La chambre criminelle a déjà décidé que le jugement qui comporte à la fois des dispositions statuant définitivement sur le fond et des dispositions préparatoires ou interlocutoires est soumis pour les premières aux règles propres aux jugements définitifs et pour les secondes aux règles applicables aux jugements avant dire droit (Arrêt n°1164 du 7 juin 1962, Rec.Crim.t.3.265.;. v, dans le même sens, l'arrêt n°1579 du 5 mars 1964, publié dans ce volume). Elle applique donc distributivement les deux régimes prévus par les art.571 et 572 C. proc.pén (V. les arrêts nos 1141 du 17 mai 1962, Rec.Crim.t.3.243.;.1164 du 7 juin 1962 précité.;.1376 du 9 mai1963, et 1579 du 5 mars 1964, publiés dans ce volume).
En déclarant inéluctable l'indemnisation des parties civiles, les juges d'appel avaient tranché partiellement le fond du litige et leur décision n'était donc pas soumise aux dispositions de l'art.572 c. proc. pén.
Sur les jugements mixtes, v. Rép.pr, V° jugement, par claude Giverdon, n°17.;. Rép.crim. V° Cassation, par Ai An, ° 104, Nou.v. Rép.V°Jugement avant dire droit, n°3, Morel, n°552, Cuche et Vincent, nos 74, 354 et 424 bis, René Meurisse, Les dispositions définitives et avant dire droit d'un même jugement, Gaz.Pal.1951.1, doctr.10.;.Georges Aa, les jugements dits « mixtes », Rev.trimdr.civ.1960 pp.5 à 32.
II-Sur le deuxième point.-Le conseiller rapporteur, le ministère public et la Chambre criminelle peuvent soulever des moyens dits « d'office »soit lorsqu'aucun moyen n'a été présenté par le demandeur, dans le cas où le mémoire exposant les moyens de cassation, étant facultatif, n'a pas été déposé (V. les arrêts nos 93 du 1er juil.1958, Rec.crim.t.29.;.115 du 21 oct.1958, ibid.39.;. 347 du 8 juil.1959ibid.87.;.373 du 22 juil.1959, ibid 93.;. 378 du 22 juil.1959, ibid 95.;.439 du 19 nov.1959, ibid.131,799 du 19 janv.1961, Rec. Crim. t. 2. 148.;. 819 du 16 févr. 1961, ibid. 173.;. 1018 du 1er févr. 1962, Rec.Crim.t.3117),soit lorsque le moyen présenté a été rejeté (Arrêt n°484 du 17 déc.1959,Rec.Crim.t.1.169), soit même lorsque le moyen d'office apparaît préalable à ceux produits par le demandeur (Arrêts nos 225 du 5 mars 1959, Rec Crim. t. 1. 65.;. 657 du 2 juin 1960, ibid. 290.;. 853 du 6 avr. 1961, Rec. Crim. t. 2. 210.;. 978 du 21 déc.1961, Rec.crim.t.3.64.;.1016 du 1er févr.1962, ibid.110)
La faculté de soulever des moyens d'office varie suivant que le pourvoi en cassation a été formé par le prévenu, par le ministère public ou par la partie civile.
Lorsque le pourvoi a été formé par le prévenu ou le ministère public, tous les moyens fondés sur une violation quelconque de la loi peuvent être relevés d'office (V.les exemples cités dans la note (I) sous l'arrêt n°733 du 3 nov.1960, Rec.Crim.t.2.45 et les arrêts cités dans les tables des Rec.crim.t.3 et 4, V°) cassation, moyen de cassation, moyens d'office).
Sur le pourvoi de la partie civile, au contraire, un moyen de cassation, ne peut être relevé d'office que contre les dipositions de la décision attaquée qui, en même temps qu'aux intérêts civils, touchent à l'odre public (arrêt ci-dessus rappoté.;. v, dans le même sens.;. les arrêts, nos 733 du 3 nov.1960 précité, 1616 du 16 avr.1964, 1579 du 5 mars1964, 1798 du 25 mars 1965 et 1815 du 8
avr.1965, publiés dans ce volume.;. Rép.crim.V°Cassation, par Ai An, n°353, le Clec'h, Fasc.III, nos 420 à 422).
III._ Sur le troisième point._a) Aux termes de l'art.5 dh.8 Juil.1937 relatif au règlement des frais et indemnités dus à la suite d'accidents d'automobile et aux contrats d'assurance de responsabilité civile des propriétaires de véhicules automobiles sur route : « Tout jugement allouant une provision à la victime ou à ses ayants droit sera exécutoire nonobstant appel et sans caution ».
b) l'art.191c.proc.civ,mod.Dh.29 mars 1954, prévoit dans al 3 que : « Des défenses à exécution provisoire peuvent être formulées devant la juridiction saisie soit de l'appel, soit de l'opposition, Ces défenses sont portées par le juge rapporteur à l'une des plus prochaines audiences en chambre du conseil devant laquelle les parties peuvent présenter leurs observations orales ou écrites».
Bien que l'art.400, al.5, c.proc,pén. prévoie que le tribunal « peut, en motivant expressément sa décision sur ce point, par l'exposé des circonstances particuliéres qui la justifient, ordonner l'exécution provisoire, mais en ce qui concerne seulement le paiement de tout ou partie des dommage-intérêts ». aucun texte n'institue en matière pénale la défense à exécution provisoire. La Chambre criminelle décide en conséquence que cette défense est irrecevable devant les juridictions répressives. Il en est d'ailleurs de même de la rétractation (Arrêt n°687 du 30 juin 1960, Rec. Crim.t.1.319). Sur le rôle supplétif que peut néanmoins jouer la procédure civile pour combler les lacunes de la procédure pénale v. la note (I) sous l'arrêt n°745 du 17 nov.1960, Rec.crim.t.2.69.
IV._ sur les quatrième, cinquième et sixième points. _ En dissociant la procédure d'appel non encore portée à leur audience, en examinant la partie de la décision du premier juge relative à l'éxécution provisoire et en tranchant partiellement le fond des appels, les juges du second degré avaient excédé leurs pouvoirs et violé les règles concernant l'effet dévolutif de l'appel.
La cassation de leur décision, qui ne laissait rien à juger au fond, devait intervenir sans renvoi (sur la cassation sans renvoi, v. la note (III) sous l'arrêt n°1317 du 7 févr 1963).


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1338
Date de la décision : 28/02/1963
Chambre pénale

Analyses

1° CASSATION-Décisions susceptibles de pourvoi-Décisions définitives-Jugement mixte- Règles applicables.2° CASSATION-Moyens de cassation-Moyens d'office-Pourvoi de la partie civile.3° EXECUTION PROVISOIRE-Défense à exécution provisoire :a) Jugement allouant une provision à la victime d'un accident d'automobile-Article 5 du dahir du 8 juillet 1937.;.b) Défense à exécution provisoire-Irrecevabilité devant les juridictions répressives. 4° APPEL-Effet dévolutif violation de la loi-Excès de pouvoirs.5° JUGEMENTS ET ARRETS-a) Excès de pouvoirs-Appel.;.b) Violation de la loi-Appel. 6° CASSATION-Arrêts de la Cour Suprême-Cassation sans renvoi-Juridiction, d'appel ayant statué sur d'autres demandes que celle porté à son audience.

1° Le jugement qui déclare « inéluctable l'indemnisation des parties civiles » et qui préjuge de l'évaluation ultérieure de l'indemnité définitive en réduisant l'indemnité provisionnelle de l'une des parties civiles « pour rester avec certitude en dessous du dommage », tranche partiellement le fond du litige et n'est donc pas soumis aux dispositions de l'article 572 du Code de procédure pénale.2° Sur le pourvoi de la partie civile, un moyen de cassation peut être relevé d'office contre les dispositions de la décision attaquée qui, en même temps qu'aux intérêts civils, touchent à l'ordre public.3° a) Aux termes de l'article 5 du dahir du 8 juillet 1937, tout jugement allouant une provision à la victime d'un accident d'automobile ou à ses ayants droit est exécutoire nonobstant appel et sans caution.b) La défense à exécution provisoire, qui n'est prévue par aucune disposition du Code de procédure pénale, est irrecevable devant les juridictions répressives.4°, 5° et 6° Les juges d'appel saisis d'une défense à exécution provisoire contre la décision du premier juge alors que l'examen de appels sur le fond interjetés par les parties et le ministère public n'a pas encore été porté à leur audience, ne peuvent sans excéder leurs pouvoirs ni violer les règles relatives à l'effet dévolutif de l'appel considérer cette défense à exécution provisoire comme étant susceptible de dissocier la procédure d'appel et de faire par anticipation « utilement venir en appel la partie du jugement statuant sur l'exécution provisoire », ni trancher partiellement par une disposition fragmentaire le fond des appels, ni révéler leur décision ultérieure relative aux poursuites pénales en déclarant inéluctable une indemnisation des parties civiles qui implique nécessairement une condamnation pénale du prévenu puisqu'elle lui est subordonnée.La cassation des dispositions par lesquelles les juges d'appel ont statué sur des demandes autres que celle portée à leur audience intervient sans renvoi, l'arrêt de la Cour suprême ne laissant, sur ce point, rien à juger au fond.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1963-02-28;p1338 ?
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