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27/02/1963 | MAROC | N°C117

Maroc | Maroc, Cour suprême, 27 février 1963, C117


Texte (pseudonymisé)
117-62/63 27 février 1963 7135
Ac Ab A Aa et la compagnie d'assurances «L'Urbaine et la Seine »
Cassation d'un jugement du tribunal de première instance de Fès du 5 octobre 1960.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
Vu l'article 451 du Code des obligations et contrats, ensemble l'article 88 du même Code;
Attendu que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose de manière absolue au juge civil dans tous les cas où l'action dont celui-ci se trouve saisi tend à remettre en question un point définitivement résolu par le juge pénal;
Attendu

qu'il résulte de la procédure et du jugement confirmatif attaqué qu'au cours d'un ...

117-62/63 27 février 1963 7135
Ac Ab A Aa et la compagnie d'assurances «L'Urbaine et la Seine »
Cassation d'un jugement du tribunal de première instance de Fès du 5 octobre 1960.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES DEUX BRANCHES :
Vu l'article 451 du Code des obligations et contrats, ensemble l'article 88 du même Code;
Attendu que l'autorité de la chose jugée au pénal s'impose de manière absolue au juge civil dans tous les cas où l'action dont celui-ci se trouve saisi tend à remettre en question un point définitivement résolu par le juge pénal;
Attendu qu'il résulte de la procédure et du jugement confirmatif attaqué qu'au cours d'un dépassement, une voiture automobile, conduite par son propriétaire A Aa, heurta un taxi appartenant à dame Gilles et conduit par son mari Paul Gilles; que ce dernier, poursuivi devant la juridiction pénale pour changement de direction sans précaution, fut relaxé au bénéfice du doute; que dame Gilles. Se fondant sur l'article 88 du dahir des obligations et contrats, a assigné A Aa et la compagnie «L'Urbaine et la Seine» qui l'assurait en réparation du dommage causé à son véhicule;
Attendu que le tribunal a rejeté cette demande au motif que l'autorité de la chose jugée ne s'attachait pas à une décision de relaxe rendue au bénéfice du doute et qu'il résultait des éléments du dossier que l'accident était dû à la faute exclusive de Gilles;
Or attendu que la décision pénale, encore que rendue au bénéfice du doute, n'en ayant pas moins, pour relaxer Gilles, nécessairement jugé que la preuve de l'infraction qui lui était reprochée n'était pas rapportée, le juge civil n'a pu, sans méconnaître l'autorité de cette décision, décider que cette même preuve était rapportée et débouter en conséquence dame Gilles, dès lors qu'il n'a relevé
en faveur de A Aa aucune autre cause précise d'exonération de la présomption de responsabilité mise à sa charge en tant que gardien de la chose cause du dommage;
D'où il suit que le moyen est fondé;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Zamouth.__Avocat général : M. Bocquet.__Avocats: MM. Lorrain, Bayssière.
Observations
I et II.-Deux véhicules s'étaient heurtés, l'un appartenant à une dame Gilles et conduit par son mari, l'autre conduit par son propriétaire, A Aa. L'accident n'avait occasionné que des dégâts matériels, et Gilles, seul poursuivi pénalement, et du seul chef de changement de direction sans précaution, avait été acquitté par la juridiction répressive. Sa femme avait alors assigné A Aa devant la juridiction civile pour lui réclamer, sur le fondement de l'art. 88 C. obl. contr., en sa qualité de gardien de l'autre véhicule, le remboursement des dommages subis par sa propre voiture. Par le jugement attaqué, le tribunal civil l'avait déboutée de sa demande, au motif qu'ayant été prononcé au bénéfice du doute, l'acquittement de Gilles n'avait pas autorité de chose jugée et que l'accident s'était produit par la seule faute de ce conducteur.
Cette décision encourait doublement la censure de la Cour suprême.
D'une part, l'autorité du dispositif d'un jugement d'acquittement au bénéfice du doute est la même que celle d'un acquittement pur et simple (v. supra, note II sous l'arrêt n°4). Il était donc interdit au juge civil de retenir contre Gilles la faute pénale dont le juge répressif l'avait déclaré nom coupable, c'est-à-dire la faute ayant consisté à changer de direction sans précaution. Toutefois le juge civil aurait pu, sans porter atteinte à l'autorité de la chose jugée, retenir contre lui une autre faute (il en eût été autrement, et aucune faute quelle qu'elle soit n'aurait pu être imputée à Gilles si celui-ci avait été poursuivi et acquitté du chef d'homicide involontaire, ou de blessures involontaires; en effet, ces infractions, prévues aux art. 432 et 433 C. pén., englobent sous les termes de «maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements» toutes les fautes involontaires possibles).
L'arrêt rapporté n'indique pas expressément quelle faute le juge civil avait imputée à Gilles, mais il résulte implicitement de ses termes qu'il s'agissait bien de celle à raison de laquelle ce prévenu avait été acquitté.
D'autre part, eût-elle été valablement retenue, la seule faute du conducteur de la voiture de la demanderesse à l'action en responsabilité ne suffisait pas à exonérer totalement le gardien de l'autre véhicule de la présomption prévue à l'art. 88 C. obl. contr. Cet article exige en effet que le gardien démontre que le dommage est dû à un cas fortuit ou de force majeure ou à la faute exclusive de la victime et qu'il établisse en outre avoir fait tout ce qui était nécessaire afin d'éviter le dommage.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C117
Date de la décision : 27/02/1963
Chambre civile

Analyses

1°CHOSE JUGEE-Chose jugée au pénal-Autorité sur le civil-Acquittement au bénéfice du doute-Exonération de responsabilité fondée sur l'existence d'une faute à la charge de la personne acquittée.2°RESPONSABILITE CIVILE-Responsabilité du fait des choses-Exonération-Conditions.

1° et 2° L'acquittement, même prononcé au bénéfice du doute, a autorité de chose jugée en ce que la juridiction pénale qui l'a prononcé a constaté qu'aucune faute n'est établie à la charge du prévenu.Viole l'autorité de la chose jugée au pénal et l'article 88 du Code des obligations et contrats le jugement qui, pour exonérer de toute responsabilité le gardien d'un véhicule ayant occasionné un accident, se fonde uniquement sur l'existence d'une faute à la charge d'un autre conducteur acquitté par la juridiction répressive, sans constater que le défendeur a rapporté la double preuve exigée par l'article susvisé.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1963-02-27;c117 ?
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