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21/02/1963 | MAROC | N°P1331

Maroc | Maroc, Cour suprême, 21 février 1963, P1331


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par Ao Am ben Miloud contre un arrêt rendu le 19 juin 1962 par la Cour d'appel de Rabat qui l'a condamné à un mois d'emprisonnement pour émission de chèque sans provision ainsi qu'à payer à Aa Ad Ah Ad Aa la somme de 1 440 dirhams, égale au montant du chèque.
21 février 1963
Dossier n°11115
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la Violation du principe : « Nul nepeut invoquer sa propre turpitude », contradiction entre les motifs et le dispositif, en ce que le prévenu ayant remis un chèque non daté à Aa Ad Ah en paiement d'une l

ivraison de farine, La Cour d'appel, après avoir déclaré que Aa Ad Ah, bénéfi...

Rejet du pourvoi formé par Ao Am ben Miloud contre un arrêt rendu le 19 juin 1962 par la Cour d'appel de Rabat qui l'a condamné à un mois d'emprisonnement pour émission de chèque sans provision ainsi qu'à payer à Aa Ad Ah Ad Aa la somme de 1 440 dirhams, égale au montant du chèque.
21 février 1963
Dossier n°11115
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la Violation du principe : « Nul nepeut invoquer sa propre turpitude », contradiction entre les motifs et le dispositif, en ce que le prévenu ayant remis un chèque non daté à Aa Ad Ah en paiement d'une livraison de farine, La Cour d'appel, après avoir déclaré que Aa Ad Ah, bénéficiaire du chèque, connaissait le défaut de provision, n'en a pas moins condamné le prévenu à lui payer une somme de 1440 Dh égale au montant du chèque, alors qu'en raison du concert frauduleux formé entre le prévenu et le bénéficiaire du chèque, Aa Ad Ah aurait dû être déclaré tant irrecevable que mal fondé en sa demande de remboursement du montant de ce chèque :
Attendu qu'entre débiteur et créancier l'obligation incombant au tireur de payer le montant du chèque trouve sa cause, non dans l'émission de ce chèque qui constitue un simple moyen de paiement, mais dans la créance du bénéficiaire préexistence à l'émission.;. que, n'affectant pas cette créance. La connaissance, par le créancier bénéficiaire du chèque, d'un défaut de provision au moment de l'émission, ne peut le priver du droit que lui confère l'article 70 (dernier alinéa) du dahir du 19 janvier 1939 de porter comme partie civile sa demande en paiement d'une somme égale au montant du chèque devant les juges répressifs, investis par cet article des pouvoirs de la juridiction civile leur permettant notamment de vérifier la cause de l'obligation.;.
Attendu que, saisis des poursuites exercées contre Ao Am pour émission d'un chèque sans provision indiquant comme bénéficiaire Aa Ad Ah partie civile, les juges du fond ont constaté que ce bénéficiaire avait une créance exigible, dont la licéité n'a pas été contestée, s'élevant à 1440 dirhams, somme égale au montant du chèque.;. qu'en conséquence, bien qu'ayant admis Aa Ad Ah connaissait le défaut de provision lorsqu'il reçut le chèque, la Cour d'appel a pu, sans se contredire ni violer le principe énoncé au moyen, condamner le prévenu à payer à cette partie civile une somme égale au montant du chèque.;.
Qu'ainsi le moyen doit être rejeté.;.
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 56 du dahir
du 19 janvier 1939 sur les paiements par chèque, en ce que la Cour d'appel a condamné le prévenu au paiement d'une somme égale au montant du chèque, alors que le bénéficiaire n'en ayant demandé le remboursement que deux ans et demi après son émission, aurait dû se voir opposer d'office la prescription de six mois résultant dudit article 56.;.
Attendu qu'en application du principe édicté par l'article 14 du Code de procédure pénale, l'action civile en paiement d'une somme égale au montant du chèque, que l'article 70 (dernier alinéa) du dahir du 19 janvier 1939 ouvre devant les juridictions répressives au bénéficiaire d'un chèque sans provision, se prescrit les règles admises en matière civile.;.
Attendu qu'en cette matière l'article 372 (second alinéa) du dahir formant Code des obligations et contrats interdit au juge de suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.;. qu'il n'est pas établi en la cause, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, qu'une fin de non-recevoir tirée de la prescription ait été soumise aux juges du fond.;.
Qu'en conséquence, il ne peut être fait grief au jugement d'appel attaqué de n'avoir pas examiné d'office la question de la prescription.;.
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Zehler.-Avocat général : M. Ruolt.-Avocat : Me Botbol.l.
Observations
I.-Sur les premier et deuxième points.-Les juridictions répressives n'étant complétantes pour statuer sur la réparation d'un préjudice que s'il a pris directement sa source dans l'infraction poursuivie, la jurisprudence décidait que le bénéficiaire d'un chèque émis sans provision ne pouvait, en se constituant partie civile, demander la condamnation du tireur au paiement du montant du chèque (Crim. 12 déc. 1936, D.H. 1937.53, Gaz. Pal. 1937.1.76.;. 7 mai 1937, Gaz. Pal. 1937.2.306).
Mais l'art. 70, dern. Al, Dh. 19 janv. 1939, comme l'art. 66, dern. al, décr.-1. Français 30 oct. 1935, ont prévu qu'à l'occasion des poursuites pénales exercées contre le tireur d'un chèque sans provision, « le bénéficiaire qui s'est constitué partie civile est recevable à demander devant les juges de l'action publique une somme égale au montant du chèque, sans préjudice, le cas échéant, de tous dommages-intérêts ».
La question s'est posée de savoir si le bénéficiaire qui a accepté en connaissance de cause de recevoir un chèque sans provision, et s'est ainsi lui même rendu coupable d'une infraction, est recevable à exercer les deux actions en paiement du chèque et en dommages-intérêts.
Par arrêt du 22 avr. 1950 (D. 1950.432), la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait
décidé que le bénéficiaire de mauvaise foi ne pouvait obtenir de la juridiction répressive la condamnation du tireur ni au montant du chèque ni au montant du préjudice subi. Puis, par arrêt du 8 déc. 1953 (D. 1954.437 et la note de M.Robert Vouin, S. 1954.1.81, Gaz. Pal. 1954.1.54, J.C.P. 1954.II.8005 et la note de M. Aj AcA, elle a cassé un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 6 mars 1952 qui avait déclaré les deux actions irrecevables.;. elle a jugé que « Si l'art. 1131 C. civ. Déclare sans effet l'obligation sur une cause illicite, il ne vise pas les obligations ayant leur propre source, comme en l'espèce, dans un délit caractérisé par la loi pénale, et dont la somme allouée par les juges à la partie civile constitue la réparation » et que « la partie civile était, en conséquence, fondée à demander réparation du préjudice qu'elle avait pu subir du fait de ce délit ».
Par l'arrêt ci-dessus rapporté, la Chambre criminelle de la Cour Suprême déclare recevable en paiement du chèque. Elle se fonde sur le fait que « l'obligation incombant au tireur de payer le montant du chèque trouve sa cause, non dans l'émission de ce chèque qui constitue un simple moyen de paiement, mais dans la créance du bénéficiaire préexistante à l'émission » (V, dans le même sens, l'arrêt n°805 du 26 janv. 1961. Rec. Crim. t. 2. 158).
Les juges répressifs, saisis d'une demande en paiement du montant d'un chèque émis sans provision, doivent donc se préoccuper des conventions intervenus entre les parties et ils ne peuvent accorder au bénéficiaire le paiement demandé que s'il existe une cause à l'obligation qu'à le tireur de garantir le paiement du chèque (Arrêt n°805 précité.;. v. Crim. 2 nov. 1951, B.C. 280.;. 20 mars 1952, J.C.P. 1952. II.7162 et la note de M. Al Af, 29 mai 1953, B.C.27.;. 28 déc. 1954, B.C. 438.;. 12 juin 1956, B.C. 450, Gaz. Pal. 1956.2.232, J.C.P. 1956.II.9425. 28 nov. 1957. B.C. 780, D. 1958.303 et la note signée J.R, S. 1958.192.;. 16 janv. 1958, B.C. 63. 23 mai 1959, B.C. 287.;. 6 déc. 1961, B.C. 501.;. 7 déc. 1961, B.C. 511, D. 1962.61 et le rapport de M. Ai Ab Ag, qui précise les différentes hypothèses pouvant se présenter).Mais la connaissance par le bénéficiaire du défaut de provision ne le prive pas de l'action qui lui est donnée par le dernier al. 70 précité.
Sur cette question, v. Rép. Crim, V° chèque, par Ae Ak, n°81.;. Al An, Apropos de l'action civile en matière de chèque, Gaz. Pal. 1954.1, doctr. P. 13.;. Sur la notion de qualité, v. la note (I) sous l'arrêt n°1221 du 8 nov. 1962.
II.-Sur les troisième et quatrième points.-Aux termes de l'art. 14 C.proc. pén. : « L'action civile ne se prescrit que selon les règles admises en matière civile » et l'art. 372, 2° al, C. oblig. Et contrats prévoit que : « Le juge ne peut suppléer d'office le moyen résultant de la prescription ».


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1331
Date de la décision : 21/02/1963
Chambre pénale

Analyses

1° CHEQUE-Emission sans provision-Action civile en paiement du chèque-Acceptation du chèque en connaissance de cause-Recevabilité de l'action civile.2° ACTION CIVILE-Qualité pour agir-Chèque émis sans provision-Acceptation en connaissance de cause par le bénéficiaire-Action civile en paiement du chèque recevable.3° ACTION CIVILE-Prescription-Action en paiement d'un chèque sans provision4° PRESCRIPTION-a) Action civile-Action en paiement d'un chèque sans provision-b)Exception de prescription-Interdiction de la suppléer d'office.

1° et 2° La connaissance, par le bénéficiaire d'un chèque, du défaut de provision au moment d'émission ne le prive pas du droit que lui confère l'article 70, dernier alinéa, du dahir du 19 janvier 1939 de porter comme partie civile sa demande en paiement d'une somme égale au montant du chèque devant les juges répressifs.3° et 4° En application du principe édicté par l'article 14 du Code de procédure pénale, l'action civile en paiement d'une somme égale au montant du chèque, que l'article 70, dernier alinéa, du dahir du 19 janvier 1939 ouvre devant les juridictions répressives au bénéficiaire d'un chèque sans provision, se prescrit selon les règles admises en matière civile.L'article 372, 2e alinéa, du Code des obligations et contrats interdit au juge de suppléer d'office le moyen résultant de la prescription.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1963-02-21;p1331 ?
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