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12/02/1963 | MAROC | N°C101

Maroc | Maroc, Cour suprême, 12 février 1963, C101


Texte (pseudonymisé)
101-62/63 12 février 1963 9490
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : Mme Houel.__Avocat général : M. Bocquet.__Avocats : Me.Pajanacci.
Observations
I.-Pour que la compensation entre deux dettes s'impose au juge, ces dettes doivent réunir les quatre conditions suivantes :
1° Elles doivent être réciproques entre les mêmes parties, c'est-à-dire que le créancier de l'une des obligations doit être personnellement débiteur de l'autre (art. 357 C. obl. contr.); ainsi, par exemple, il ne peut y avoir compensation entre la somme due par une société à un tiers et la créance

de ce tiers vis-à-vis de l'un des associés (art. 360).
2° L'objet de chacun...

101-62/63 12 février 1963 9490
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : Mme Houel.__Avocat général : M. Bocquet.__Avocats : Me.Pajanacci.
Observations
I.-Pour que la compensation entre deux dettes s'impose au juge, ces dettes doivent réunir les quatre conditions suivantes :
1° Elles doivent être réciproques entre les mêmes parties, c'est-à-dire que le créancier de l'une des obligations doit être personnellement débiteur de l'autre (art. 357 C. obl. contr.); ainsi, par exemple, il ne peut y avoir compensation entre la somme due par une société à un tiers et la créance de ce tiers vis-à-vis de l'un des associés (art. 360).
2° L'objet de chacune des dettes doit être le même (art. 362), c'est-à-dire qu'elles doivent porter sur du numéraire ou sur des «choses mobilières de même espèce et de même qualité », car la compensation est un mode de paiement, et le débiteur ne saurait imposer à son créancier de recevoir en paiement autre chose que ce qui a été stipulé. Cependant la compensation peut avoir lieu «entre du numéraire et des denrées », mais à condition que la valeur de ces denrées ne soit pas contestée, sinon la troisième condition exigée par la loi ne serait pas remplie.
3° En effet la dette dont la compensation et opposée doit être «liquide» (art. 362); c'est-à-dire que son existence doit être certaine, donc non subordonnée à une condition suspensive encore pendante, que son existence ne doit pas être sérieusement contestée, et que sa quotité doit être déterminée.
4° Enfin la dette invoquée par le défendeur doit être exigible (art. 362); la compensation ne peut donc avoir lieu avec une dette à terme, avant l'échéance, ni avec une dette dont le paiement ne peut être exigé, telle la dette résultant d'une obligation naturelle (par exemple une obligation alimentaire à l'égard d'un enfant adultérin) ou d'une obligation illicite (par exemple une dette de jeu).
Lorsque ces quatre conditions sont réunies et que le défendeur oppose la compensation, le juge est obligé d'en tenir compte (art. 358). En l'espèce, les loyers dont le défendeur était créancier étaient dus par le demandeur personnellement, l'objet des dettes réciproques était du numéraire, le prix du loyer et le nombre des échéances dues n'étaient pas discutés, si bien qu'une simple opération arithmétique permettait de liquider le total, enfin ce total était exigible; c'est donc à tort que la Cour d'appel avait refusé d'appliquer la compensation.
Lorsque la créance invoquée par le défendeur ne remplit pas toutes les conditions exigées par la loi, celui-ci peut néanmoins opposer la compensation en demandant au juge de se prononcer, au besoin après une mesure d'instruction, sur le caractère certain, le montant et l'exigibilité de la dette prétendue du demandeur; mais le juge ne peut alors statuer à cet égard que s'il est compétent à raison de la matière pour connaître de cette dette, et il demeure libre de passer outre aux conclusions du défendeur si la dette lui paraît douteuse.
Dans tous les cas la compensation peut être opposée par simples conclusions, et même pour la première fois en cause d'appel (v. supra note II sous l'arrêt n°21). Mais, bien entendu, lorsque le montant de sa créance dépasse celui de sa dette à l'égard du demandeur, le défendeur ne peut obtenir la condamnation du demandeur à lui payer la différence s'il n'a pas formé sur ce point une demande reconventionnelle devant les premiers juges; en effet, dans cette hypothèse, le défendeur ne se contente pas d'opposer la compensation pour se défendre contre l'action principale du demandeur, mais il prend lui-même la qualité de demandeur.
II.-La juridiction du second degré n'est saisie du litige que dans la limite des appels principaux
et incidents des parties; elle ne peut donc statuer que sur des chefs qui lui sont déférés par ces appels. D'autre part, l'appel ne peut pas nuire aux intérêts de celui qui l'a formé et les pouvoirs de la juridiction du second degré sont donc également limités à raison de la personne de l'appelant; il en résulte que lorsque l'intimé, n'ayant pas formé d'appel incident, s'est contenté de conclure à la confirmation de la décision dont appel, sans reprendre une demande que les premiers juges avaient déclarée mal fondée, la juridiction du second degré excède ses pouvoirs et viole les règles de l'appel si elle aggrave la situation de l'appelant, par exemple en lui retirant un délai de grâce que les premiers juges lui avaient accordé (Civ. 2 avr. 1930, D.H. 1930.316), en mettant à sa charge des frais que les premiers juges avaient condamné l'intimé à payer (Civ. II, 18 juin 1964, J.C.P. 1964. II. 13811) ou, comme en l'espèce, en accordant à l'intimé des intérêts qu'il avait demandés aux premiers juges mais que ceux-ci ne lui avaient pas alloués (dans le même sens, arrêt 141-62/63 du 26 mars 1963).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C101
Date de la décision : 12/02/1963
Chambre civile

Analyses

1° COMPENSATION-Compensation légale-Conditions-Obligation du juge2° APPEL-Effet dévolutif-Intimé concluant à la confirmation du jugement entrepris-Aggravation de la situation de l'appelant.

1° Par application des articles 357 et suivants du Code des obligations et contrats, le défendeur peut, par simples conclusions, opposer la créance certaine, liquide et exigible qu'il a contre le demandeur, en compensation de la somme qu'il doit à celui-ci. En conséquence, lorsque le défendeur est créancier de loyers à lui dus par le demandeur, dont le non paiement est reconnu par celui-ci, dont le montant a été fixé par une décision judiciaire devenue définitive et dont le nombre d'échéances n'est pas discuté, une Cour d'appel ne peut, sans violer les dispositions susvisées, refuser de faire droit aux conclusions par lesquelles ce défendeur demandait que ces loyers soient compensés à due concurrence avec la somme qu'il allait être condamné à payer au demandeur.2° Lorsque l'intimé s'est borné à conclure à la confirmation du jugement entrepris, un arrêt ne peut, sans encourir la cassation pour excès de pouvoir et violation des règles de l'effet dévolutif de l'appel, condamner l'appelant à verser à l'intimé des intérêts que les premiers juges ne lui avaient pas accordés.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1963-02-12;c101 ?
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