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02/01/1963 | MAROC | N°C63

Maroc | Maroc, Cour suprême, 02 janvier 1963, C63


Texte (pseudonymisé)
63-62/63 2 janvier 1963 10597
Driss ben Abderrahmane c/Metzger Jean.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 31 octobre 1961.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le docteur Aa ayant réclamé au caïd Driss ben Abderrahmane des honoraires relatifs aux soins donnés d'une part à l'épouse de ce dernier et d'autre part à ses filles à l'occasion de leur accouchement, le caïd lui a opposé la prescription biennale de l'article 388 du dahir des obligations et contrats;
Attendu qu'il est vainement fait grief à la Cour d'

appel d'avoir écarté cette exception; qu'en effet les juges du fond relèvent qu'...

63-62/63 2 janvier 1963 10597
Driss ben Abderrahmane c/Metzger Jean.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 31 octobre 1961.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le docteur Aa ayant réclamé au caïd Driss ben Abderrahmane des honoraires relatifs aux soins donnés d'une part à l'épouse de ce dernier et d'autre part à ses filles à l'occasion de leur accouchement, le caïd lui a opposé la prescription biennale de l'article 388 du dahir des obligations et contrats;
Attendu qu'il est vainement fait grief à la Cour d'appel d'avoir écarté cette exception; qu'en effet les juges du fond relèvent qu'elle a été soulevée en cause d'appel alors que le caïd avait soutenu qu'il n'était pas redevable de la somme demandée, son épouse n'ayant pas reçu de soins et ses filles étant mariées; que de ces énonciations souveraines l'arrêt a déduit à son droit que l'article 388 du dahir des obligations et contrats était inapplicable puisque la défense du caïd détruisait la présomption de paiement sur laquelle reposent les courtes prescriptions;
MAIS SUR LE SECOND MOYEN :
Vu le dahir du 22 novembre 1957 relatif au statut personnel et aux successions;
Attendu qu'en droit musulman le mari a l'obligation de pourvoir à l'entretien de l'épouse;
Attendu que l'arrêt attaqué a fait droit sans discrimination à la totalité de la demande, au motif que le caïd ne rapportant pas «la preuve que ses filles aient été, soit par lui soit par le juge, reconnues capables de gérer leurs biens », elles étaient censées être demeurées sous la tutelle de leur père et ce pendant une période de sept années à dater de leur mariage, selon le droit musulman à l'époque où les soins leur furent prodigués, antérieure à la promulgation du dahir du 25 décembre 1958 qui fixe la majorité et la capacité à 21 ans;
Or attendu que la Cour d'appel qui a ainsi admis que les frais d'accouchement d'une femme en état de mariage devaient être réglés sur ses biens propres a statué en violation des dispositions du
droit musulman, dont le dahir du 22 novembre 1957 n'est qu'une codification concernant le statut personnel et les successions, dès lors qu'il met à la charge du mari l'entretien de son épouse «prévu par la loi, tels la nourriture, l'habillement, les soins médicaux »;
Que le moyen est fondé;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Président: M. Bourcelin.__Rapporteur : Mme Houel.__Avocat général : M. Bocquet.__Avocats : MM. Lorrain, Sabas.
Observations
I.-Les art. 388 et 389 C. obl. contr. instituent des prescriptions abrégées pour certaines dettes habituellement réglées à bref délai et pour lesquelles il n'est pas d'usage que le créancier délivre une quittance à son débiteur. Ces prescriptions sont fondées sur une présomption de paiement. Il s'agit d'une présomption de droit qui n'est pas irréfragable mais qui ne peut pas être renversée par n'importe quelle preuve. Ainsi, le créancier n'est pas admis à prouver par témoin ou par présomption de fait que le débiteur n'a pas payé sa dette. Mais il peut, par contre, lui déférer le serment (art. 390, al. 2, C. obl. contr.) ou invoquer son aveu. Cet aveu peut être exprès ou tacite; un aveu tacite résulte du fait que le débiteur, au lieu d'opposer immédiatement la prescription, a commencé par employer un moyen de défense incompatible avec la présomption de paiement, par exemple en contestant, comme en l'espèce, l'existence même des fournitures ou des prestations dont le paiement lui est réclamé (v. sur ces questions, Rép. civ. V° Prescription civile, n. 347 et s., 510 et s.).
II.-Après avoir écarté à juste titre l'exception de prescription invoquée par le défendeur, les juges d'appel avaient condamné celui-ci à payer non seulement les honoraires afférents aux soins médicaux prodigués à son épouse, mais aussi les frais d'accouchement de ses filles mariées. Pour justifier ce deuxième chef de condamnation, l'arrêt attaqué énonçait que, selon les règles du droit musulman en vigueur à l'époque où les prestations avaient été fournies par le médecin demandeur, les filles demeuraient sous la tutelle de leur père pendant sept ans après leur mariage, à moins qu'elles aient été, par lui ou par le juge, reconnues aptes à gérer leurs biens. Cette motivation confondait les règles relatives à la capacité civile des filles avec les règles relatives aux effets du mariage, lesquelles, codifiées par le Code du statut personnel et des successions, mettent à la charge du mari les soins médicaux de son épouse (art. 35, 1° C. stat. Pers.). La décision encourait donc la cassation.
L'affirmation de l'arrêt rapporté selon laquelle le texte susvisé s'est borné à codifier, sans les modifier, les règles coutumières du droit musulman était sans doute exacte en l'espèce. Elle ne saurait cependant avoir la valeur d'un principe général. En effet certaines dispositions du Code de statut personnel et des successions sont différentes des solutions antérieurement admises. La preuve en est d'ailleurs que selon l'art. 3 Dh. 22 nov. 1957 portant application de ce Code «les principes du droit musulman précédemment en vigueur s'appliquent jusqu'à solution définitive du litige à toutes les affaires soumises aux tribunaux des cadis avant la publication du présent dahir »; ce qui implique nécessairement l'existence de modifications apportées au droit antérieur.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C63
Date de la décision : 02/01/1963
Chambre civile

Analyses

1° PRESCRIPTION-Prescription abrégée fondée sur une présomption de paiement-Débiteur contestant l'existence de la dette.2° MARIAGE-Effets-Obligations du mari-Charge des soins médicaux de son épouse.

1° la prescription biennale prévue à l'article 388 du Code des obligations et contrats est fondée sur une présomption de paiement. Cette prescription est inapplicable lorsque le débiteur conteste le principe de sa dette et reconnaît ainsi implicitement qu'il ne l'a pas payée.2° La charge des soins médicaux de la femme mariée incombe à son époux.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1963-01-02;c63 ?
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