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13/12/1962 | MAROC | N°P1262

Maroc | Maroc, Cour suprême, 13 décembre 1962, P1262


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur les pourvois formés par Ae Ao, veuve Berthot, et la compagnie d'assurances La Fortune contre un jugement rendu le 13 mars 1962 par le tribunal de première instance de Rabat qui a condamné Ae Ao, avec substitution de la compagnie La Fortune, à payer des dommages-intérêts à Ab Af, partie civile.
13 décembre 1962
Dossiers nos 10833 et 10834
La Cour,
SUR LA PREMIERE BRANCHE DU MOYEN UNIQUE DE CASSATION, prise de la violation de la loi, du défaut de motifs et du manque de base légale, en ce que le tribunal aurait indemnisé le préjudice résultant de l'échec a

ux examens, sans déterminer son lien de causalité avec l'accident :
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Cassation sur les pourvois formés par Ae Ao, veuve Berthot, et la compagnie d'assurances La Fortune contre un jugement rendu le 13 mars 1962 par le tribunal de première instance de Rabat qui a condamné Ae Ao, avec substitution de la compagnie La Fortune, à payer des dommages-intérêts à Ab Af, partie civile.
13 décembre 1962
Dossiers nos 10833 et 10834
La Cour,
SUR LA PREMIERE BRANCHE DU MOYEN UNIQUE DE CASSATION, prise de la violation de la loi, du défaut de motifs et du manque de base légale, en ce que le tribunal aurait indemnisé le préjudice résultant de l'échec aux examens, sans déterminer son lien de causalité avec l'accident :
Attendu que tout jugement doit, à peine de nullité, comporter les motifs propres à justifier la décision .;.
Attendu que pour allouer à Af Ab, victime d'un accident dont Ao Ah a été déclarée entièrement responsable, la somme de 3 000 DH sollicitée en réparation du préjudice qu'elle aurait subi par suite d'interruption de ses études et d'échec à des examens, le jugement du tribunal de paix de Rabat, dont les motifs ont été adoptés par la décision confirmative attaquée, se borne à énoncer qu'il y a lieu d'évaluer à cette somme « Le préjudice particulier résultant de l'échec aux examens, ce qui a entraîné un retard pour parvenir au professorat et occasionné ainsi un manque à gagner ».;.
Attendu que ces seules énonciations, qui ne comportent aucune indication sur la valeur scolaire de la victime, sur la durée et l'époque de l'interruption des études, sur la nature des examens et les conditions dans lesquelles l'accident a pu entraîner un échec à ces examens, constituent une motivation insuffisante qui ne permet pas à la Cour suprême de contrôler si ce préjudice directement et avec certitude de l'infraction commise par Madeleine Berthot.;.
Que dès lors, manquant de base légale en ce qui concerne la condamnation civile prononcée contre les demandeurs en réparation d'un préjudice résultant de l'échec aux examens, le jugement attaqué encourt sur ce point la cassation.;.
........................................
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, entre les parties au présent arrêt, mais uniquement en ses dispositions relatives à l'indemnisation d'un préjudice consécutif à l'échec aux examens, le jugement du tribunal de première instance de Rabat du 13 mars 1962.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Zehler.-Avocat général :
M. Ruolt.-Avocat : MM. Tramini, El kaïm.
Observations
La « perte d'une chance »Constitue en principe, non un dommage purement éventuel et hypothétique, mais un préjudice certain et actuel dont la victime peut demander réparation (Rép.civ, v° responsabilité, par Réné Rodière n°149 s .;. Mazeaud et Tunc, n°219 .;. lalou, n°146 savatier n°461 .;. jurisclasseur de responsabilité civile fasc. III C, nos17 à 23 .;. Réné Rodiére, La responsabilité civile, n°1598, Ad Al, la perte d'une chance, Gaz. Pal.1963.2, doctr. p.49 .;. Aa Am, note au D.P 1920. 1. 137 sous trib.corr de la Seine, 28 oct 1919. trib. Meaux, 29 janv1929 et Paris, 10 mars 1920, notamment p.138, dernière colonne .;. Montpellier, 17 mai 1934, Gaz.Pal1934.2.167, s.1934.2.188 .;. Req. 30 avr. 1940, D. 941somm. 4, Gaz. Pal. 1940. 2. 37.;. civ. 9 juil. 1954, D1954. 627, Gaz pal. 1954. 2. 233 .;. Crim. 18 janv 1956 J. C. P. 1956. II. 9285 et la note de MJ. Carel .;. 10 D. C. 1956, D.C. 621 .;. civ.17 févr.1961, gaz.Pal.1961.1.400, Rev.trim.dr. civ. 1962.99, n°9, observations de M. Ag Aj;. 9 mai 1961, Gaz Pal.1961.1.423.;. 13juil. 1961, gaz. Pal 1961.2.216, Rev.trim dr.civ 1962.99, n°9, observations de M.André Tunc .;. Paris 16 mai 1963, j. c. p.1963 II. 13372 et la note signée J.A, comp. Civ.26 oct. 1949, J. C. P 1950 II. 5310 et la note de M. Ap Ai, Gaz.Pal 1949.2. 431 .;. civ. 25 oct.1962, D.1963. 377 et la note de M. Ak Ac .;. trib .;. Seine. 20 nov. 1963, J.c.p. 1964. II. 13622 bis et la note signée J.A.).
Ainsi, il a été jugé que :
-le notaire qui néglige de faire parvenir en temps utile à un ancien clerc de son étude le certificat de radiation à lui demandé en vue d'obtenir un certificat de stage de la chambre des notaires, doit réparer le préjudice causé par sa faute qui a empêché l'intéressé de se présenter à l'examen de premier clerc avant son départ sous les drapeaux et lui a fait subir un retard dans sa carrière (Montpellier, 17 mai 1934 précité) .;.
-la perte de l'aptitude d'un fonctionnaire à être nommé au grade supérieur constitue un dommage certain et estimable dont les juges du fond ordonnent à bon droit l'indemnisation (c. v. 9 juil. 1954 et 13 juil. 1961 précités).;.
-« en prenant en considération, pour évaluer le préjudice subi (par la victime d'un accident), la diminution de son activité professionnelle eu égard à sa qualité d'étudiant en médecine de dernière année, aux fonctions de « médecin résidant » qu'il exerçait dans une clinique, et à la situation à laquelle il devait normalement accéder, les juges du fond tiennent compte d'un préjudice actuel et certain et provenant directement du délit » (crim. 10 oct. 1956 précité).;.
-le préjudice subi par le client d'un avocat négligent se limite à la perte d'une chance qu'il avait d'obtenir gain de causse si intérêts avaient été loyalement et normalement soutenus par son avocat (paris, 16 mai 1963 précité).
Mais la relation de cause à effet entre la faute et le préjudice est soumise au contrôle de la juridiction de cassation (Rép. Pv. civ Vos cassation, par An A n°1967 à 1969 et les arrêts cités.;. Mazeaud et Tunc, n°2210.;. Arrêts n°579 du 10 mars 1960, Rec. crim. t. 1243 et la note.;. 745 du 17 nov. 1960, Rec. crim t. 2.67.;.768 du 1er déc.1960, ibid 97) et il en est de même en ce qui concerne la caractère certain du préjudice (Rép. pr. civ. v° cassation, par An A, n°1961.;.
Mazeaud et Tunc, n°2209 .;. lalou, n°140.;. req.1er juin 1932, D.P. 1932.1.102 et le rapport de M. le conseiller pilon.;. 1er juin 1934, D.h. 1934.377.;. civ 19 mars 1947, D. 1947. 313.;. 5 juil 1949, Gaz. pal. 1949. 2. 312, 5 oct. 1955, Bull. Cass. 1955. II, n°425, p. 264.;. 15 mai 1956, Bull. Cass. 1956. II, n°265, p. 173.;. Crim. 10 oct 1956, B.C. n°621.;. Soc. 24 oct. 1958, Bull. Cass. 1958.IV, n°837.;. 17 mars 1960, Bull. Cass. 1960. IV, n°272, p. 216).
Les juges du fond doivent donc, pour permettre à la cour suprême d'exercer son contrôle, exposer d'une façon suffisamment complète les faits de la cause (sur l'insuffisance de motifs ou manque de base légale, v. la note (III A) sous l'arrêt n°1220 du 8 nov. 1962) et justifier légalement leur décision accordant une indemnisation pour la perte d'une chance.
En l'espèce les juges d'appel, en confirmant purement et simplement, sans motivation propre, la décision du premier juge, avaient condamné l'auteur de l'accident à payer à la victime la somme de 3000 dh en réparation du préjudice résultant d'un échec à des examens. Ils n'avaient donné aucun renseignement sur la valeur scolaire de la victime, sur la durée et l'époque de l'interruption de ses études, sur la nature des examens et les conditions dans lesquelles l'accident avait pu entraîner un échec à ses examens. Leur décision encourait donc la cassation pour manque de base légale.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1262
Date de la décision : 13/12/1962
Chambre pénale

Analyses

1° DOMMAGES-INTERETS-Détermination de l'indemnité-pouvoirs des juges du fond-Motifs insuffisants - Echec à un examen.2° JUGEMENTS ET ARRETS-Motifs insuffisants-Dommages-intérêts.

1° et 2° tout jugement doit, à peine de nullité, comporter les motifs propres à justifier la décision.Manque de base légale la décision qui, pour allouer à la victime d'un accident la somme réclamée en réparation du préjudice qu'elle aurait subi par suite d'interruption de ses études et d'echec à des examen, se borne à énoncer qu'il y a lieu d'évaluer à cette somme « le préjudice particulier résultant de l'échec aux examens, ce qui a entraîné un retard pour parvenir au professorat et a occasionné ainsi un manque à gagner ».En effet, ces seules énonciations, qui ne comportent aucune indication sur la valeur scolaire de la victime, sur la durée et l'époque de l'interruption des études, sur la nature des examens et les conditions dans lesquelles l'accident a pu entraîner un échec à ces examens, constituent une motivation insuffisante qui ne permet pas à la cour suprême de contrôler si le préjudice résulte directement et avec certitude de l'infraction commise par le prévenu.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-12-13;p1262 ?
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