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20/11/1962 | MAROC | N°C41

Maroc | Maroc, Cour suprême, 20 novembre 1962, C41


Texte (pseudonymisé)
41-62/63 20 novembre 1962 8023
Aa Ab Ac et Ad Aa Ab Ac c/Ahmed ben Aomar.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 6 décembre 1960.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE PRIS EN SES TROIS BRANCHES :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué (Rabat 6 décembre 1960) que le 23 décembre 1956 un camion appartenant à Aa Ab Ac et conduit par Ad Ab Aa Ab Ac se renversa dans un fossé; qu'Ahmed ben Aomar, passager de ce véhicule, fut blessé; qu'il a assigné le propriétaire du camion et son conducteur en rép

aration du dommage qu'il avait subi;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avo...

41-62/63 20 novembre 1962 8023
Aa Ab Ac et Ad Aa Ab Ac c/Ahmed ben Aomar.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 6 décembre 1960.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE PRIS EN SES TROIS BRANCHES :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué (Rabat 6 décembre 1960) que le 23 décembre 1956 un camion appartenant à Aa Ab Ac et conduit par Ad Ab Aa Ab Ac se renversa dans un fossé; qu'Ahmed ben Aomar, passager de ce véhicule, fut blessé; qu'il a assigné le propriétaire du camion et son conducteur en réparation du dommage qu'il avait subi;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande sur la base de l'article 77 du Code des obligations et contrats, alors qu'elle se heurtait à l'autorité de la chose jugée au pénal par suite du classement sans suite du procès-verbal de gendarmerie dressé lors de l'accident, alors qu'au surplus la prétendue faute relevée à la charge du conducteur ne reposait sur aucun élément du dossier, et alors enfin que la victime qui avait fondé initialement son action sur l'article 88 du Code des obligations et contrats ne pouvait en cause d'appel la fonder également sur l'article 77 du même Code;
Mais attendu que le simple classement d'un procès-verbal par le représentant du ministère public ne constitue pas une décision de justice à laquelle peut s'attacher l'autorité de la chose jugée;
Que dès lors la Cour d'appel a pu, sans violer le principe invoqué et par une appréciation souveraine des éléments de l'enquête effectuée par la gendarmerie, retenir une faute à la charge du conducteur du véhicule cause de l'accident, et ce sur le fondement de l'article 77 du Code des
obligations et contrats subsidiairement invoqué par la victime devant la juridiction du second degré; que ce moyen, qui ne constitue pas la demande nouvelle visée par l'article 233 du Code de procédure civile, a pu ainsi être valablement présenté en cause d'appel;
D'où il suit que le pourvoi ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. Bourcelin.__Rapporteur : M. Azoulay.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : Me. Paolini.
Observations
I.-Le classement sans suite d'une affaire par le ministère public peut constituer pour le juge civil un élément d'appréciation parmi d'autres mais ne saurait avoir une quelconque autorité de chose jugée : en effet, le magistrat du Parquet qui prend cette décision n'est pas un juge, sa décision n'a aucun caractère juridictionnel, elle demeure révocable jusqu'à l'expiration de la prescription de l'action publique, et elle n'empêche pas la partie lésée de mettre cette action en mouvement.
II.-Le principe de l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel se justifie par la nécessité de garantir aux parties le bénéfice du double degré de juridiction. Il comporte néanmoins certaines restrictions qui trouvent leur fondement dans le souci contraire d'accélérer la solution du litige et de permettre aux juges de statuer en connaissance de tous les aspects de la cause. Ces restrictions qui figurent à l'article 233 C. proc. civ. sont les suivantes :
D'une part l'alinéa 1 dudit article permet de former des demandes nouvelles lorsque celles-ci constituent un moyen de défense à l'action principale; ainsi un défendeur peut pour la première fois en appel présenter, par exemple, une demande tendant à faire constater la nullité du titre invoqué par son adversaire, se prévaloir de la compensation légale, ou réclamer une compensation judiciaire (bien que prévues spécialement par le texte les demandes de compensation entrent dans la définition des demandes constituant une défense à l'action principale).
D'autre part l'alinéa 2 de l'art. 233 autorise le demandeur à réclamer en appel «les intérêts, arrérages, loyers et autres accessoires échus depuis le jugement dont est appel, et les dommages- intérêts pour le préjudice souffert depuis ce jugement ».
Enfin l'article 233, al. 3, donne une définition très stricte de la notion de «demande nouvelle» : n'est pas considérée comme telle «la demande procédant directement de la demande originaire et tendant aux mêmes fins, bien que se fondant sur des causes ou des motifs différents ». Tel était bien le cas en l'espèce : après avoir fondé sa demande originaire sur l'art. 88 C. obl. contr., la victime du dommage avait, en cause d'appel, invoqué subsidiairement les dispositions de l'art. 77 du même Code; or cette demande subsidiaire procédait directement de la demande originaire et tendait à la condamnation du défendeur à la même indemnité, bien qu'elle fut fondée sur la responsabilité pour faute prouvée au lieu d'être fondée sur la responsabilité du fait des choses.
Rappelons qu'une telle modification de la cause de la demande est interdite aux juges lorsque les parties n'en ont pas pris l'initiative (v. T. I, note sous l'arrêt n°155, p. 271).
III.-Le grief par lequel le demandeur au pourvoi remettait en discussion les appréciations de fait des juges d'appel était irrecevable; mais les deux autres étaient mal fondés et c'est pourquoi la Cour suprême a décidé globalement que le moyen ne pouvait «être accueilli».


Synthèse
Numéro d'arrêt : C41
Date de la décision : 20/11/1962
Chambre civile

Analyses

1° CHOSE JUGEE-Chose jugée au pénal-Autorité sur le civil-Classement sans suite.2° APPEL-Demande nouvelle-Demande originaire fondée sur l'article 88 du Code desobligations et contrats-Demande identique fondée subsidiairement sur l'article 77 du même code-Recevabilité.3° CASSATION-Moyen irrecevable-Moyen de pur fait.

1° Le classement sans suite d'un procès-verbal par le ministère public ne constitue pas une décision judiciaire et ne saurait donc avoir autorité de chose jugée.2° Par application de l'article 233, al. 3, du Code de procédure civile, la victime d'un dommage qui avait fondé devant les premiers juges sa demande d'indemnité sur les dispositions de l'article 88 du Code des obligations et contrat, est recevable en cause d'appel à fonder subsidiairement la même demande sur les dispositions de l'article 77 du même Code.3° La constatation des faits en fonction des éléments de preuve fournis par une enquête de gendarmerie relève de la libre appréciation des juges.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-11-20;c41 ?
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