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08/11/1962 | MAROC | N°P1220

Maroc | Maroc, Cour suprême, 08 novembre 1962, P1220


Texte (pseudonymisé)
Cassation partielle sur les pourvois formés par Ab Aa, Ab Af épouse willard et Ab Ae épouse Grynberg contre le jugement rendu le 1er mars 1962 par le tribunal de première instance de Casablanca (V. l'arrêt n°1219).
8 novembre 1962
Dossier nos 10314, 10315 et 10316
La Cour,
...................................
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION , pris de la «violation des articles 347, 348, 349, 352 du dahir formant Code de procédure pénale, de la violation du dahir du 27 septembre 1957 et notamment de son article 13, en ce que le jugement entrepris a totalement omis de s

tatuer sur les dépens de première instance et d'appel, alors que l'arti...

Cassation partielle sur les pourvois formés par Ab Aa, Ab Af épouse willard et Ab Ae épouse Grynberg contre le jugement rendu le 1er mars 1962 par le tribunal de première instance de Casablanca (V. l'arrêt n°1219).
8 novembre 1962
Dossier nos 10314, 10315 et 10316
La Cour,
...................................
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION , pris de la «violation des articles 347, 348, 349, 352 du dahir formant Code de procédure pénale, de la violation du dahir du 27 septembre 1957 et notamment de son article 13, en ce que le jugement entrepris a totalement omis de statuer sur les dépens de première instance et d'appel, alors que l'article 352 considère comme nul tout jugement dont le dispositif ne contient pas les énonciations prévues par l'article 348, lequel vise expressément la charge des dépens ».
Attendu qu'aux termes de l'article 349 du Code de procédure pénale, tout jugement ou arrêt de condamnation rendu contre le prévenu et contre les civilement responsables de l'infraction, les condamne aux dépens envers le Trésor public .;. que si l'alinéa 4 du même article prévoit que « la partie civile qui succombe est tenue de dépens », cette disposition concerne uniquement le cas où une décision d'acquittement est intervenue du chef de l'infraction qui avait provoqué la constitution de partie civile .;.
Attendu que Ag Ac, prévenu, a été pénalement condamné, que dès lors les demandeurs au pourvoi, parties civiles, sont irrecevables, faute d'intérêt, à se prévaloir d'une omission du jugement attaqué qui ne peut leur porter personnellement aucun préjudice.;.
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli .;.
SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION, pris de la « violation des articles 347 et
352 du dahir formant Code de procédure pénale, violation du dahir du 27 septembre 1957 et notamment de son article 13, violation des articles 51 et 55 du dahir formant Code pénal, défaut et contradiction de motifs, d éfaut de base légale, violation de la loi, défaut de réponse à conclusions, en ce que le tribunal a déclaré évaluer à 2 500 dirhams le préjudice moral subi par l'exposante, compte tenu du partage de responsabilité et ce, sans autre précision, notamment quant au préjudice moral réparé, et sans faire état du moindre préjudice matériel, alors que :
1° l'exposante avait présenté une demande tendant à la réparation du préjudice à la fois moral et matériel .;.
2° l'exposante avait fait cette demande tant sur la base du préjudice direct à elle causé, que sur celle des droits qu'elle avait recueillis dans la succession de sa mère .;. et si l'on pouvait à la rigueur lui opposer le partage de responsabilité en tant que venant aux droits de la défunte, on ne pouvait le lui opposer en tant qu'ayant un droit direct .;.
3° s'il est vrai que les juges répressifs apprécient souverainement le montant des dommages- intérêts, c'est dans les limites des conclusions de partie civile et cette appréciation cesse d'être souveraine lorsqu'elle est déduite de motifs erronés ou contradictoires » :
Attendu que les dispositions de l'article 55 du Code pénal introduit au Maroc par dahir du 12
août 1913, qui créent une obligation solidaire entre « individus condamnés . pour un même délit » », exigent pour leur application une pluralité de personnes condamnées, et se trouvent donc inapplicables en l'espèce, puisque Ag Ac a seul fait l'objet d'une condamnation pénale .;. que si l'article 99 du dahir des obligations et contrats institue une solidarité entre coauteurs d'un fait dommageable, il résulte de l'article 100 du même dahir que cette solidarité n'existe plus lorsque, comme en la cause, il a été possible de déterminer la proportion dans laquelle chacun des coauteurs avait contribué au dommage .;.
Attendu qu'en présence de ce dernier texte, les trois demandeurs au pourvoi, héritiers de leur
mère Ad Ab décédée des suites de l'accident, ne sauraient se prévaloir d'une obligation in solidum, qu'ils agissent en qualité d'héritiers venant aux droits de la défunte ou qu'ils poursuivent la réparation de leur préjudice personnel par une action indépendante de la succession .;. que d'ailleurs, lorsqu'ils excipent des liens d'affection filiale qui les unissaient à leur mère accidentellement décédée, en vue d'obtenir personnellement la réparation pécuniaire de la douleur morale causée par leur rupture, les enfants ne peuvent corrélativement faire abstraction de ces liens pour s'affranchir des conséquences de la propre faute de la victime et éluder un partage de responsabilité qui se serait imposé à elle si elle avait survécu .;.
Qu'ainsi les demandeurs au pourvoi ne sauraient faire grief au jugement attaqué de leur avoir opposé le partage de responsabilité .;.
Attendu, toutefois, que les juges d'appel se trouvent saisis, par l'effet dévolutif de l'appel de la partie civile, de la demande soumise au premier juge par cette dernière .;. que les juges répressifs, s'ils apprécient souverainement les éléments constitutifs du préjudice et la quotité de la réparation à accorder à la partie civile, dans les limités de sa demande, ne peuvent refuser d'indemniser un élément de ce préjudice dés lors qu'ils n'ont pas constaté son inexistence .;.
Attendu que les demandeurs, parties civiles appelantes, avaient sollicité la réparation du préjudice matériel et moral subi par leur mère, dont ils sont les héritiers, et du préjudice matériel et moral qu'ils ont personnellement éprouvé .;. que le jugement d'appel attaqué à attribuer à chacun des demandeurs 2500 dirhams de dommages-intérêts, somme à laquelle il a évalué le « préjudice moral subi par chacun des trois enfants majeurs de la victime ».
Qu'en s'abstenant ainsi de s'expliquer sur les autres éléments de préjudice allégués, dont ils n'ont pas constaté l'inexistence, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision portant attribution de dommages-intérêts .;.
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, entre les parties au présent pourvoi, le jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 1er mars 1962, mais uniquement en ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice subi par les trois demandeurs.
Président : M.deltel.-Rapporteur : M. carteret.-Avocat général :
M. Ruolt.-Avocats : MM chouraqui et serres, poussier, pajanacci, Razon.
Observations
1.-sur le premier point._ la chambre criminelle a déjà décidé que les dispositions de l'al. 4 de l'art.349 c. proc. Pén. Concernent le cas où une décision d'acquittement est intervenue du chef de l'infraction ayant provoqué la constitution de partie civile, mais qu'elles ne sauraient recevoir application en cas d'indemnisation même partielle d'une partie civile dont la demande n'a pas été déclarée frustratoire (arrêt n°770 du 8 déc. 1960, Rec.crim t.2.99, la note (VI) et les références citées).
Ainsi, la juridiction d'appel qui maintient, bien qu'en la réduisant, la condamnation du civilement responsable au paiement de dommages-intérêts, ne peut condamner la partie civile aux dépens d'appel (arrêt n°1795 du 18 mars 1965, publié dans ce volume).
II, -Sur le deuxième point. Aux termes de l'art. 573 c. proc. Pén. :
« Nul n'est recevable à se pouvoir si la décision attaquée ne lui fait pas grief ».
« Il faut avoir intérêt à la cassation. Pas d'action sans intérêt. Le demandeur doit donc, pour
que son pourvoi soit recevable, avoir intérêt à la cassation dans le chef qu'il attaque, quelque minime d'ailleurs qu'il soit, ne s'agit-il que des frais. C'est d'après la décision attaquée et d'après les pièces de la procédure que ce point doit être résolu, la cour ne pouvant se livrer à l'examen des faites » (Faye, n°45).
Le défaut d'intérêt entraîne tantôt l'irrecevabilité du pourvoi, tantôt celle du moyen présenté par le demandeur et ces irrecevabilités sont déclarées d'office par la cour suprême (Arrêt n°892 du 22 juin 1961, Rec. crim. t. 2. 277)
La chambre criminelle déclare irrecevables faute d'intérêt les pourvois formés :
-par un prévenu acquitté au bénéfice du doute (Arrêt n°1030 du 8 févr.1962, Rec. crim.t.3. 128).
-par une compagnie d'assurances ou un civilement responsable mis hors de cause en appel (Arrêts nos 460 du 3 déc. 1959, Rec. crim.t.1. 140 .;. 543 du 4 févr. 1960, ibid. 206 .;. 882 du 1er juin 1961, Rec crim.t.2.261) .;.
-par une partie civile à laquelle les juges du fond ont alloué l'intégralité de sa demande (Arrêt n°713 du 21 Juil.1960, Rec. crim. t.1.341).;.
-par une compagnie d'assurances contre une décision par laquelle une juridiction l'a déboutée en l'état de sa constitution de partie civile, alors que la juridiction se trouvait en réalité incompétente pour en connaître (Arrêt n°892 du 22 juin 1961, Rec, Crim. t. 2 277).
Elle déclare également irrecevables faute d'intérêt des moyens pris contre la décision attaquée d'omissions qui ne pouvaient faire grief au demandeur en cassation (Arrêts n°988 du 4 Janv. 1962, Rec Crim.t. 3. 76 et 1021 du 8 févr. 1962 ibid.121).
Il en est de même des moyens par lesquels :
Un prévenu reproche à une décision de ne pas contenir l'indication de ses antécédents judiciaires (Arrêts n°815 du 9 févr.1961, Rec.crim.t.2.166), ou conteste la légalité d'une mesure de sursis prise en sa faveur (Arrêt n°845 du 23 mars 1961, ibid.201), ou critique les énonciations d'un jugement déclarant statuer par défaut à son encontre alors que cette erreur ne lui fait pas grief (Arrêt n°1710 du 22 oct. 1964, publié dans ce volume) .;.
-un assureur substitué se prévaut d'une dénaturation du contrat d'assurance qui ne lui porte pas préjudice (Arrêt n°1758 du 7 janv. 1965, publié dans ce volume) .;.
-une partie civile demande un changement de qualification, alors que la décision attaquée ne lui
fait pas grief et que ce changement de qualification ne produirait à son égard aucun résultat utile (Arrêt n°736 du 3 nov.1960, Rec.crim.t.2.51), ou reproche à la décision attaquée une omission de statuer sur un chef de demande en réalité irrecevable (Arrêt n°1682 du 2 juil. 1964, publié dans ce volume).
-V. également, en ce qui concerne le défaut d'intérêt, la note (I) sous l'arrêt n°726 du 27 oct.1960, Rec.crim.t.2.26, ainsi que les arrêts nOS 974 du 21 déc.1961,Rec.crim. t. 3. 60 .;. 1001 du 18 janv. 1962, ibid.95, 1104 du 12 avr.1962, ibid 215 .;. 1141 du 17 mai 1962, ibid 243 .;.1165 du 7 juin 1962, ibid 267.;. 1169 du 7 juin 1962, ibid 268 .;. 1713 du 29 oct.1964. publié dans ce volume.
III-sur les troisième et quatrième points-A-l'art.347 c. proc.pén.prévoit que : «tout jugement ou arrêt doit contenir . 7° les motifs de fait et de droit sur lesquels le jugement est fondé, même en cas d'acquittement ».
Pour permettre au juge de cassation d'exercer le contrôle qui lui est dévolu par la loi, et le mettre en mesure de vérifier si les dispositions légales ont été correctement appliquées, les juges du fond doivent exposer d'une façon suffisamment complète les faits de la cause. Lorsque les circonstances de fait sont précisées par la décision attaquée, et que de leur rapprochement avec le texte de loi dont il a été fait application il résulte que la disposition légale a été violée ou faussement appliquée, il y a lieu à cassation. Si, au contraire, les faits relevés comportent bien la qualification qui leur a été donnée, le pourvoi sera rejeté.
La juridiction de cassation ne peut donc exercer son contrôle que si elle trouve dans la décision
qui lui est déférée toutes les circonstances de fait lui permettant de suivre le raisonnement tenu par les juges répressifs et, par suite, d'affirmer ou de nier le caractère adéquat de la qualification juridique qu'ils ont adoptée et la légalité des conséquences qu'ils en ont tirées, lorsque les constatations de fait ne sont pas suffisantes, le raisonnement des juges du fond ne peut être reconstitué par le juge de cassation et la décision, qui n'est pas « justifiée » et qui « ne permet pas à la cour suprême d'exercer son contrôle », « manque de base légale » (sur cette notion et ses applications, v. la note (III) sous l'arrêt n°732 du 3 nov. 1960, Rec. crim. t.2. 39, ainsi que les arrêts cités dans les tables du Rec. crim. t.3 pp.381 s. et du présent volume v° jugements et arrêts, Insuffisance de motifs).
B._ V. La note (VIII) sous l'arrêt n°726 du 27 oct. 1960, Rec. crim. t. 2. 21 et la note (II) sous l'arrêt n°1007 du 25 janv. 1962, Rec. crim. t. 3. 102.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1220
Date de la décision : 08/11/1962
Chambre pénale

Analyses

1° FRAIS ET DEPENS-Répartition-Partie civile.2° CASSATION-Moyens irrecevables-Défaut d'intérêt-Partie civile-Omission dans la décisionattaquée. 3° DOMMAGES-INTERETS-Détermination de l'indemnité-Pouvoirs des juges du fond -Motifs insuffisants-Non-indemnisation d'un élément du préjudice dont l'inexistence n'est pas constatée.4° JUGEMENTS ET ARRETS-Motifs insuffisants-Dommages-intérêts.

1° Si l'article 349, alinéa 4, du Code de procédure pénale prévoit que «la partie civile qui succombe est tenue des dépens », cette disposition concerne uniquement le cas où une décision d'acquittement est intervenue du chef de l'infraction qui avait provoqué la constitution de partie civile.2° Lorsque le prévenu a été condamné, la partie civile ne peut se prévaloir, faute d'intérêt, d'une omission dans la décision attaquée qui ne lui fait pas personnellement grief.3° et 4° Les juges répressifs, s'ils apprécient souverainement les éléments constitutifs du préjudice etla quotité de la réparation à accorder à la partie civile, dans les limites de sa demande, ne peuvent refuser d'indemniser un élément de ce préjudice dès lors qu'ils ne constatent pas son inexistence.En conséquence, lorsqu'une partie civile sollicite la réparation du préjudice matériel et moral subi par sa mère, dont elle est héritière, et du préjudice matériel et moral qu'elle a personnellement éprouvé, les juges du fond ne peuvent, sans priver leur décision de basse légale, se borner à allouer à cette partie civile la somme à laquelle ils évaluent le préjudice moral par elle subi en s'abstenant de s'expliquer sur les autres éléments de préjudice allégués dont ils ne constatent pas l'inexistence.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-11-08;p1220 ?
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