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08/11/1962 | MAROC | N°P1219

Maroc | Maroc, Cour suprême, 08 novembre 1962, P1219


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par Ak Ai contre un jugement rendu le 1er mars 1962 par le tribunal de première instance de Casablanca qui, infirmant sur les intérêts civils un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 21 juillet 1961, a partagé la responsabilité d'un accident de la circulation par moitié entre le prévenu C A et la victime Ak Aa, a compte tenu de ce partage, alloue diverses indemnités aux consorts Ak, a exonéré l'Alliance Israélite Universelle, employeur de la victime, à due concurrence de la rente attribuée au mari de la victime, a déclaré Abdellah ben Ahmed ci

vilement responsable de C A et a substitué la société Marocaine...

Rejet du pourvoi formé par Ak Ai contre un jugement rendu le 1er mars 1962 par le tribunal de première instance de Casablanca qui, infirmant sur les intérêts civils un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 21 juillet 1961, a partagé la responsabilité d'un accident de la circulation par moitié entre le prévenu C A et la victime Ak Aa, a compte tenu de ce partage, alloue diverses indemnités aux consorts Ak, a exonéré l'Alliance Israélite Universelle, employeur de la victime, à due concurrence de la rente attribuée au mari de la victime, a déclaré Abdellah ben Ahmed civilement responsable de C A et a substitué la société Marocaine d'assurances à Ag Al Af pour le paiement des condamnations civiles prononcées.
8 novembre 1962
Dossier n°10313
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, en ses trois branches, « pris de la violation des articles 347 et 352 du dahir formant Code de procédure pénale, violation du dahir du 27 septembre 1957 et notamment de son article 13, de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 et notamment des ses articles 11 et 32, des article 320 et 485 du code pénal défaut et contradiction de motifs, défaut de base légale, violation de la loi, dénaturation des éléments et documents de la cause, défaut de réponse, en ce que le jugement entrepris a admis un partage de responsabilité par moitié entre C A et Ak Aa aux motifs que le boulevard Am étant large de 20 m à cet endroit, il en résulte que la dame Ak avait largement dépassé le milieu de la chaussée et que son véhicule était entièrement engagé sur la partie de route où le camion arrivait sur sa droite et bénéficiait du droit de priorité, la faute de dame Ak est d'autant plus manifeste que la vue étant trés dégagée dans la carrefour, elle voyait arriver la camion prioritaire et ne lui cédait cependant pas le passage . alors que 1° C A n'était pas dans un cas où il pouvait bénéficier du droit de priorité notamment parce qu'il y avait un prioritaire avant lui, parce qu'il n'y a pas eu simultanéité ou quasi- simultanéité d'arrivée des deux véhicules entrés en collision, parce que C A n'avait pas respecté ses obligations préalables de prioritaire et avait, d'après le jugement lui-même, commis au moins une faute lourde .;. 2° aurait-il le bénéfice de la priorité qu'il aurait pu en user puisqu'effectivement Mme Ak lui avait cédé un passage largement suffisant pour le faire .;. 3° le jugement attaqué n'a, en tout état de cause, pas établi la relation de cause à effet entre la prétendue faute de Mme Ak et préjudice subi par l'exposant ».
Attendu qu'il résulte des énonciations du jugement infirmatif attaqué que Aa Ak, se rendant à son travail au volant de son automobile, a, dans un carrefour permettant une bonne visibilité, été heurtée et mortellement blessée par le camion conduit par C A qui, d'une voie située à la droite de l'automobile, survenait à une vitesse telle que le conducteur d'une autre voiture avait préféré, pour éviter que collision, s'arrêter sans exercer sa priorité de passage sur le camion qui arrivait à sa gauche dans le carrefour .;.
Attendu que ni la présence de ce troisième véhicule, ni la vitesse de C A, ni l'absence éventuelle d'une absolue simultanéité d'arrivée des véhicules au carrefour, n'étaient de nature à dispenser Aa Ak du respect de l'obligation, impérativement mise à sa charge par l'article 11 (alinéa 2) de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953, de « céder la passage » au camion de C A débouchant de la voie située à sa droite.;. qu'en effet cet article exige qu' à toute intersection de voies l'usager non prioritaire cède le passage à l'usager prioritaire, s'il n'est pas en mesure de franchir l'intersection avant l'arrivée de ce dernier .;.
Attendu, d'autre part, que, les juges du fond ayant souverainement décidé que la voiture de Aa Ak « était entièrement engagée sur la partie de route où le camion arrivait sur sa droit », le demandeur au pourvoi ne saurait prétendre que cette voiture avait cédé le passage parce que le camion aurait disposé d'un espace suffisant pour passer devant elle .;.
Attendu enfin qu'il ne peut être fait grief au jugement attaqué d'avoir omis d'établir la relation
de cause à effet entre la faute de Aa Ak et l'accident et ses conséquences, puisque ce jugement énonce expressément que»les fautes respectives de chacun des conducteurs justifient un partage par moitié de la responsabilité de l'accident»;.
D'où il suit que, manquant partiellement en fait, le moyen ne saurait être accueilli .;.
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, pris de « la violation des articles 347 et
352 du dahir formant code de procédure pénale, violation du dahir du 27 septembre 1957 et de son article 13, violation des articles 51 et 55 du dahir formant code pénal, violation du dahir du 25 juin 1927 sur les accidents du travail et notamment de son article 7, défaut et contradiction de motifs, défaut de base légale, violation de la loi, défaut de réponse à conclusions, en ce que le tribunal s'est borné à déclarer évaluer, compte tenu du partage de responsabilité, à une rente annuelle et viagère de 2962,95 dirhams le montant du préjudice matériel de l'exposant, mari de la victime, alors que :
1° compte tenu des principes généraux, l'exposant ayant exercé l'action civile en son nom personnel et en vertu d'une créance qui lui est propre et non pas ès qualités d'héritier de la victime, l'inculpé était tenu in solidum de la réparation du préjudice intégral subi, et ce, sans qu'il y ait lieu de
tenir compte du partage de responsabilité et .;. en outre et plus spécialement dans la matière des accidents du travail, l'article 7 du dahir du 25 juin 1927 prévoit la réparation intégrale du préjudice causé à la victime ou à ses ayants droit :
2° le tribunal devait conformément audit dahir et plus spécialement à son article 7, indiquer la base de la fixation de la rente et son point de départ » :
Attendu, en ce qui concerne la première branche du moyen, que les dispositions de l'article 55
du code pénal introduit au Maroc par dahir du 12 août 1913, qui créent une obligation solidaire entre «individus condamnés pour un même délit », exigent pour leur application une pluralité de personnes pénalement condamnées, et se trouvent donc inapplicable en l'espèce, puisque C A a seul fait l'objet d'une condamnation pénale .;. que si l'article 99 du dahir des obligations et contrats institue une solidarité entre coauteurs d'un fait dommageable, il résulte de l'article 100 du même dahir que cette solidarité n'existe plus lorsque, comme en la cause, il a été possible de déterminer la proportion dans laquelle chacun des coauteurs avait contribué au dommage .;.
Attendu qu 'en présence de ce dernier texte, Ai Ak, bien qu'il exerce une action indépendante de la succession de son épouse, et que son statut personnel français ne lui attribue pas en raison de l'existence d'enfants de Aa Ak la qualité d'héritier de celle-ci, ne sauraient se prévaloir d'une obligation in solidum .;. que d'ailleurs, lorsqu'il excipe des liens affectifs qui l'unissaient à son épouse accidentellement décédée, en vue d'obtenir personnellement la réparation pécuniaire de la douleur morale que lui a causée leur rupture, un époux ne peut corrélativement faire abstraction de ces liens pour s'affranchir des conséquences de propre faute de la victime et éluder un partage de responsabilité qui se serait imposé à elle si elle avait survécu .;.
Attendu d'autre part que si l'article 7 du dahir du 25 juin 1927 dispose, en cas de responsabilité partielle du tiers auteur d'un accident du travail, que la fraction de la rente légale mise à sa charge eu égard à sa part de responsabilité sera augmentée d'une rente supplémentaire pour réparer le préjudice causé à la victime ou à ses ayants droit, cette rente supplémentaire n'est due à ceux-ci que lorsque, compte tenu du partage de responsabilité, leur préjudice n'a pas été déjà réparé intégralement par la rente légale .;. que le tribunal, ayant alloué à Ai Ak, mari de la victime, pour le remplir de ses droits, une rente inférieure à celle qui lui était versée au titre des accidents du travail, n'avait, en vertu du texte précité, ni l'obligation ni même la possibilité de lui attribuer une rente supplémentaire .;.
Attendu, en ce qui concerne la seconde branche du moyen, qu'aucune rente supplémentaire n'ayant été allouée à Ai Ak, ce demandeur ne saurait, faute d'intérêt, se prévaloir d'omissions du jugement attaqué, qui, concernant la base de fixation ou le point de départ de cette rente, ne peuvent lui porter personnellement aucun préjudice .;.
D'où il suit qu'en aucune de ses branches le moyen ne peut être accueilli .;.
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi formé par Léon Ninio.o.
Président : M. Deltel.-Rapporteur : M. Carteret.-Avocat général :
M. Ruolt.-Avocats MM. Chouraqui et Serres, Poussier, Pajanacci, Razon.
Observations
I.-Sur le premier point.-Aux termes de l'al. 2 de l'art. 11 de l'arr. Viz. 24 janv. 1953, sur la
police de la circulation et du roulage, : « Le conducteur est tenu, aux bifurcations et croisées de chemins, de céder le passage au conducteur qui vient sur la voie située à sa droite ».
La décision attaquée constatait que Ak Aa avait, alors qu'elle se trouvait au volant de son automobile, été heurtée et mortellement blessé par le véhicule conduit par C A qui venait, à une allure excessive, sur la voie située à la droite de la victime.
Pour rejeter le premier moyen de cassation présenté par l'époux de la victime qui s'était constitué partie civile, la Chambre criminelle de la Cour suprême décide notamment que l'al. 2 de l'art. 11 précité « exige qu'à toute intersection de voies, l'usager non prioritaire cède le passage à l'usager prioritaire s'il n'est pas en mesure de franchir l'intersection avant l'arrivé de ce dernier ». Elle précise que « ni la présence de ce troisième véhicule (dont le conducteur avait préféré, pour éviter une collision, s'arrêter au lieu d'exercer son droit de priorité de passage sur le camion de C A), ni la vitesse de C A, ni l'absence éventuelle d'une absolue simultanéité d'arrivée des véhicules au carrefour, n'étaient de nature à dispenser Aa Ak de son obligation » de céder la priorité.
Cette thèse est conforme à celle de la Cour de cassation française qui, après avoir rejeté les théories dites «de l'axe médian » et «de la priorité d'engagement », juge également que l'usager non prioritaire a l'obligation de céder le passage au véhicule venant sur sa droite s'il n'est pas en mesure de franchir l'intersection avant l'arrivée de ce dernier (Crim. 30 juil. 1932, B.C. 198, D.P. 1935.1.77 et la note de M.Marcel Nast, Gaz. Pal. 1932.2.582 .;. Civ. 12 mars 1945, Gaz. Pal. 1945.2.31 .;. 10 juil. 1945, D. 1946.50 .;. 17 mai 1957.Bull cass. 1957. II, p. 240).
Sur le droit de priorité, v. notamment : Ad Ab Ac, La priorité de passage (1952) .;. Du droit de priorité de passage .;. Essai de mise au point synthétique, Gaz. Pal. 1956.2, doctr. p. 32 .;. De la condition essentielle de l'arrivée simultanée ou quasi-simultanée à l'intersection en matière de priorité de passage, Gaz. Pal. 1958. 2, doctr. P. 35 .;. Maxime Mignon De la priorité de passage aux bifurcations, croisées de chemins et carrefours, D. 1952, chron. P. 13 .;. Etienne Bloch, La priorité de passage, J.C.P. 1961.1.1603 .;. Mazeaud et Tunc, t.2, n°1472-2.
II.-Sur les deuxième, troisième et quatrième points.-A) Aux termes de l'art. 55 C. pén, r. a. Dh. 12 août 1913 : « Tous les individus condamnés pour un même crime ou pour un même délit, seront tenus solidairement des amendes, des restitutions, des dommages-intérêts et des frais ».
Les dispositions de ce texte n'étaient applicables que lorsque plusieurs individus avaient été pénalement condamnés.
Le C pén. de 1913 a été abrogé par le nouv. C. pén. approuvé par Dh. 26 nov. 1962, dont l'art. 109 prescrit aujourd'hui : « Tous les individus condamnés pour un même, un même crime, un délit ou une même contravention sont, si le juge n'en décide autrement, tenus solidairement des amendes, des restitutions, des dommages-intérêts et des frais ».
B) Le bénéficiaire du droit de priorité est soumis aux obligations générales de prudence et il
doit notamment se conformer aux prescriptions de l'art. 11, al. 1er, arr. viz. 24 janv. 1953, aux termes duquel : « Tout conducteur de véhicule ou d'animaux abordant une bifurcation ou une croisée de chemins doit annoncer son approche, vérifier que la voie est libre, marcher à une allure modérée et serrer sur sa droite, surtout aux endroits où la visibilité est imparfaite ». Les fautes commet le prioritaire engagent sa responsabilité et il en est ainsi notamment lorsque le prioritaire :
-circule à une vitesse excessive (arrêt ci-dessus rapporté et, dans le même sens : arrêt n°694 du
7 juil. 1960, Rec. Crim. t. 1. 324 .;. Crim. 4 mai 1934, Gaz. Pal. 1934.2.133 .;. 4 nov. 1953, D. 1953.734 .;. Civ. 13 déc. 1961, Bull. Cass. 1961.2.607 .;. 14 déc. 1961, ibid. 614 .;. 19 janv. 1962, D. 1962.398) .;.
-ne vérifie pas que la voie est libre (arrêt n°1108 du 19 avr. 1962, Rec. Crim. t. 3. 222 .;. Civ 20 mai 1935, D.P. 1935.1.394 .;. Gaz. Pal. 1935.2.187 .;. 14 déc. 1961, Bull. Cass. 1961.2.614) .;.
-n'annonce pas son approche (Crim. 2 mai 1929, D.H. 1929.348. 22 févr. 1934, D.H. 1934.182 . 23 déc. 1938, Gaz. Pal. 1939.1.311 .;. 1er mai 1939, D.H. 1939.385) .;.
-ne serre pas sur sa droite (Crim. 10 févr. 1933, Gaz. Pal. 1933.1.826 .;. 22 févr. 1934, D.H. 1934. 182).
En cas de faute du prioritaire, il y a lieu de procéder à un partage de responsabilité suivant la gravité des fautes commises (Arrêt n°1199 du 19 juil. 1962, Rec. Crim. t. 3. 303 .;. v. Lalou, nos 348 s. .;. Mazeaud et Tunc, nos 1505 s. .;. Crim. 2 juin 1932, B.C. 129 .;. 6 mars 1936 B.C. 29, Gaz. Pal. 1936.1.73 .;. 14 déc. 1938, B.C. 240 Gaz. Pal. 1939.1.303 .;. Civ. 24 mars 1930, Gaz. Pal. 1930.1.881 .;. 30 déc. 1940, Gaz. Pal. 1941.1.213 .;. 25 juin 1941, s. 1941.1.192 .;. 11 nov. 1941, D.C. 1942.153 et la note signée P.L.P. compar. L'arrêt n°1711 du 22 oct. 1964 publié dans ce volume) et la proportion d'après laquelle doivent être réparties les conséquences du dommage relève de l'appréciation souveraine de juges du fond (Crim. 24 oct. 1935, D.H. 1935.527. 10 janv. 1936, D.H. 1936.151).
Les parents de la victime d'un accident mortel de la circulation peuvent intenter deux actions en indemnité :
-a) une action en réparation du préjudice personnel qui leur a été causé par le décès .;.
-b) une action en réparation du préjudice qui a été causé à la victime elle-même, lorsqu'ils sont
ses héritiers (v. la note (II)
sous l'arrêt n°753 du 24 nov. 1960, Rec. Crim. t. 2. 79 et les références citées).
En l'espèce, après avoir constaté que Aa Ak avait commis une faute, les juges du fond avaient décidé que cette faute devait avoir une incidence tant sur le droit à réparation de l'époux de la victime, qui exerçait une action indépendante de la succession de cette dernière, en vertu d'une créance qui lui était propre, que sur les actions intentées par les enfants .;. ils avaient fait supporter aux parties civiles une part de la responsabilité de l'accident.
Par l'arrêt ci-dessus rapporté, la Chambre criminelle de la Cour suprême confirme l'exactitude de cette solution.
Après avoir écarté l'application en la cause de l'art. 55 C. pén. de 1913, la haute juridiction décide que « si l'art. 99 C. oblig. et contr. Institue une solidarité entre coauteurs d'un fait dommageable, il résulte de l'art. 100 du même Code que cette solidarité n'existe plus lorsque, comme en la cause, il a été possible de déterminer la proportion dans laquelle chacun des coauteurs avait contribué au dommage ».
Ces textes sont en effet les suivants :
Art. 99 « Si le dommage est causé par plusieurs personnes agissant de concert, chacune d'elles est tenue solidairement des conséquences, sans distinguer si elles ont agi comme instigateurs, complices ou auteurs principaux ».
Art. 100 : « La règle établie en l'art. 99 s'applique au cas où, entre plusieurs personnes qui doivent répondre d'un dommage, il n'est pas possible de déterminer celle qui en s'est réellement l'auteur, ou la proportion dans laquelle elles ont contribué au dommage ».
Ainsi au Maroc, la règle selon laquelle la victime d'un dommage causé par plusieurs auteurs peut demander réparation intégrale de son préjudice à chacun d'eux cède les juges peuvent déterminer la proportion dans laquelle chaque coauteur a contribué au dommage.
La partie civile Ai Ak se prévalait d'une obligation in solidum qui, malgré la faute commise par son épouse, lui aurait permis de réclamer au conducteur du camion la réparation de l'intégralité du préjudice qu'il avait subi. La Chambre criminelle n'a pas admis cette thèse au motif que « lorsqu'il excipe des liens affectifs qui l'unissaient à son épouse accidentellement décédée, en vue d'obtenir personnellement la réparation pécuniaire de la douleur morale que lui a causée leur rupture, un époux ne peut corrélativement faire abstraction de ces liens pour s'affranchir des conséquences de la propre faute de la victime et éluder un partage de responsabilité qui se serait imposé à elle si elle avait survécu ».
La même question s'est posée en France et la Chambre criminelle de la Cour de cassation française avait d'abord décidé que « si la détermination des indemnités dues par l'auteur d'un délit est, aux termes de l'art. 51 C. pén, laissée à l'appréciation des tribunaux lorsque la loi ne les a pas
réglées, c'est à la condition que, en cas de faute commune au prévenu et à la partie civile, le quantum
des réparations soit fixé conformément au partage de responsabilité que les juges eux-mêmes ont reconnu exister » (Crim. 27 nov. 1956, Gaz. Pal. 1957.1.92, D. 1957.373, J.C.P. 1957. II.9854 .;. 21févr. 1975, B.C. 303 .;. v. dans le même sens : Crim.6 mars 1936, Gaz. Pal. 1936.1.71, D.H. 1936.237. 14 déc. 1938, Gaz. Pal. 1939.1.303).
Puis par arrêt du 16 mars 1960 (B.C. 188) la Chambre criminelle de cette Cour a jugé que « si des parties civiles, lorsqu'elles se présentent en qualité d'ayants cause de la victime reconnue partiellement responsable du fait dommageable, ne sauraient obtenir du prévenu une indemnisation intégrale à laquelle leur auteur n'eût pu lui-même prétendre, il en est autrement lorsque, comme en l'espèce, ces mêmes parties exercent l'action civile en leur nom personnel et en vertu d'une créance qui leur est propre à l'effet d'obtenir la réparation du préjudice que le fait dommageable leur a, elles- mêmes, causé » (V, dans le même sens, l'arrêt du même jour, B.C. 189. Crim. 26 déc. 1960, B.C. 608, J.C.P. 1961.II.12193 et la note de M. An Ah, Rev. trim. dr. civ. 1961, p.684, n°26, observations de M. Ad Ao .;. 15 juin 1961, B.C. 300, D. 1961.735, J.C.P. 1961.II.12193 et la note de M. An Ah). Elle a maintenu depuis sa jurisprudence (Crim. 8 mars 1962, B.C. 124 .;. Gaz. Pal. 1962.1.416 .;. 24 janv. 1963, D. 1963.264 et la note de M.René Meurisse, Gaz. Pal. 1963.1.309), à laquelle s'est ralliée la Chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 2e sect, 20 nov. 1963, Gaz. Pal. 1964.1.359), mais non la majorité des juridictions inférieures (v. les références citées dans la note de M. Aj Ae sous l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens, 23 nov. 1962, D. 1963.194).
La thèse de l'inopposabilité devait en définitive être rejetée par les Chambres réunies de la Cour de cassation (25 nov. 1964, Gaz. Pal. 1964.2.412) qui, statuant dans le sens de l'arrêt ci-dessus rapporté et reprenant une formule déjà utilisée dans les arrêts de la Chambre criminelle antérieurs au 16 mars 1960, ont décidé qu' « en cas de fautes conjuguées du prévenu et de la victime, le quantum des réparations doit être fixé conformément au partage de responsabilité dont les juges ont reconnu l'existence ».
III.-Sur le cinquième point.-Aux termes de l'art. 7 Dh. 25 juin 1927, relatif à la réparation des accidents du travail, mod. Dh. 13 août 1955 : « Indépendamment de l'action résultant du présent dahir, mais à condition que cette action soit terminée ou qu'elle ait été prescrite, la victime ou ses ayants droit conservent contre les auteurs de l'accident, autres que l'employeur ou ses préposés, le droit de réclamer, conformément aux règles du droit commun, la réparation du préjudice causé . ».
Ledit art. 7, dans son parag. C, prévoit que : « Si la responsabilité est partagée entre le tiers auteur de l'accident et la victime, l'employeur est exonéré à due concurrence des indemnités légales mises à la charge du tiers » (V. à ce sujet les arrêts nos 993 du 11 janv. 1962, et 1093 du 29 Mars 1962 Rec. Crim. t. 3. 198).
Les paragr. f) et h) de l'art. 7 prescrivent également que : « Lorsque l'accident du travail a déterminé une incapacité permanente ou la mort, l'indemnité mise à la charge du tiers sera la suivante : . b) En cas de responsabilité partielle du tiers, la fraction de la rente ou des rentes légales mises à sa charge, eu égard à sa part de responsabilité, augmentée d'une rente supplémentaire pour réparer le préjudice causé à la victime ou à ses ayants droits » (V. l'art. 178 Dh. 6 févr. 1963 portant modification en la forme du Dh. 25 juin 1927, B.O. 1963.357).
Ainsi, en cas de faute commune du tiers et de la victime d'un accident du travail, les juges du fond, qui doivent évaluer selon les règles du droit commun le préjudice total subi par la victime, ne peuvent accorder réparation à cette victime qu'en proportion de la part de responsabilité du tires et doivent exonérer l'employeur dans toute la mesure où le permet l'indemnité mise à la charge de ce tiers.
Mais en raison de la part de responsabilité laissée à la charge de la victime, la réparation à laquelle elle a droit peut ne pas dépasser le montant des indemnités forfaitaires incombant à l'employeur. Dans ce cas, la victime n'aura droit à aucune rente supplémentaire.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1219
Date de la décision : 08/11/1962
Chambre pénale

Analyses

1° CIRCULATION-Priorité-Principe.2° SOLIDARITE-Article 55 du Code pénal de 1913-Conditions d'application-Prévenu unique.3° ACTION CIVILE-Fautes du prévenu et de la victime-Partage de responsabilité-Partageopposable à l'époux de la victime, non-héritier-Article 100 du code des obligations et contrats.4° RESPONSABILITE CIVILE-Fautes du prévenu et de la victime-Partage de responsabilité opposable à l'époux de la victime non-héritier-Article 100 du Code des obligations et contrats.5° ACCIDENT DU TRAVAIL-Tiers responsable-Action de la victime ou de ses ayants droit engagée selon les règles du droit commun-Article 7 du dahir du 25 juin 1927-Fautes de la victime et du tiers-Rente supplémentaire.

1° L'article 11, alinéa 2, de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 exige qu'à toute intersection de voies, l'usager non prioritaire cède le passage à l'usager prioritaire s'il n'est pas en mesure de franchir l'intersection avant l'arrivée de ce dernier.2°, 3° et 4° Les dispositions de l'article 55 du Code pénal introduit au Maroc par le dahir du 12 août 1913, qui créent une obligation solidaire entre « individus condamnés . pour un même délit », exigent pour leur application une pluralité de personnes pénalement condamnées et se trouvent donc inapplicables lorsqu'un seul individu fait l'objet d'une condamnation pénale.Si l'article 99 du Code des obligations et contrats institue une solidarité entre coauteurs d'un fait dommageable, l'article 100 du même Code prévoit que cette solidarité n'existe pas lorsqu'il est possible de déterminer la proportion dans laquelle chacun des coauteurs a contribué au dommage.En application de ce dernier texte, le partage de responsabilité effectué entre le prévenu et la victime est opposable au mari de cette dernière, bien qu'il exerce une action indépendante de la succession de son épouse et que son statut personnel français ne lui attribue pas, en raison de l'existence d'enfants de la victime, la qualité d'héritier de celle-ci.5° Si l'article 7 du dahir du 25 juin 1927 dispose, en cas de responsabilité partielle du tiers auteur d'un accident du travail, que la fraction de la rente légale mise à sa charge eu égard à sa part de responsabilité sera augmentée d'une rente supplémentaire pour réparer le préjudice causé à la victime ou à ses ayants-droits, cette rente supplémentaire n'est due à ceux-ci que lorsque, compte tenu du patage de responsabilité, leur préjudice n'a pas été déjà réparé intégralement par la rente légale.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-11-08;p1219 ?
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