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25/10/1962 | MAROC | N°P1212

Maroc | Maroc, Cour suprême, 25 octobre 1962, P1212


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur le pourvoi formé par Ad Aa Ba contre un jugement rend le 23 décembre 1961 par le tribunal de première instance de Ao qui l'a notamment déboutée de sa constitution de partie civile formée qualités de tutrice dative de sa fille mineure Naïma bent Djilali.i.
25 octobre 1962
Dossier n°9635
La Cour,
SUR LES PREMIER, DEUXIEME, TROISIEME, QUATRIEME ET CINQUIEME MOYENS DE CASSATION REUNIS, CE DERNIER EN SA PREMIERE BRANCHE , pris du «défaut de base légale», de la «violation de la loi de fond», de la «violation du principe de l'autorité de la chose jugée, no

tamment des articles 450 et suivants du dahir formant Code des obligations et...

Cassation sur le pourvoi formé par Ad Aa Ba contre un jugement rend le 23 décembre 1961 par le tribunal de première instance de Ao qui l'a notamment déboutée de sa constitution de partie civile formée qualités de tutrice dative de sa fille mineure Naïma bent Djilali.i.
25 octobre 1962
Dossier n°9635
La Cour,
SUR LES PREMIER, DEUXIEME, TROISIEME, QUATRIEME ET CINQUIEME MOYENS DE CASSATION REUNIS, CE DERNIER EN SA PREMIERE BRANCHE , pris du «défaut de base légale», de la «violation de la loi de fond», de la «violation du principe de l'autorité de la chose jugée, notamment des articles 450 et suivants du dahir formant Code des obligations et contrats», de la «violation des règles découlant du dahir du 24 avril 1959», de la «dénaturation des faits» et du «défaut de motifs» :
Attendu qu'une décision judiciaire ne peut sans violer la foi due aux actes authentiques, admettre ou dénier des faits en méconnaissance des énonciations de ces actes;.
Attendu qu'au motif que «l'acte de tutelle du 2 juin 1960 versé au dossier stipule que la qualité
de tutrice n'est accordée à Rabah qu'à l'égard de Aq Aa Aw», la décision d'appel attaquée a débouté Ad Aa Ba de la constitution de partie civile Formée au nom de sa fille mineure Naïma bent Djilali, alors que par cet acte authentique (daté en réalité du 26 hija 1379 correspondant au 21 juin 1960), qui avait été régulièrement produit aux débats, le cadi de Settat avait expressément conféré à la demendresse la tutelle dative de cette mineure;.
Qu'ainsi le jugement attaqué, en dénaturant l'acte qui lui était soumis et en lui faisant produire un effet juridique qu'il ne comportait pas, encourt la cassation;.
................................
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties au présent arrêt le jugement du tribunal de première instance de Ao du 23 décembre 1961, mais uniquement en celle de ses dispositions ayant débouté Ad Aa Ba de sa demande en dommages-intérêts formée, ès qualités de tutrice dative, au nom de sa fille mineure Naïma bent Djilali.i.
Président : M.Deltel-Rapporteur : M.Carteret.-Avocat général :
M. Bocquet.-Avocats : MM. Ayoub, Marc Alexandre Cohen.
Observations
Ad Aa Ba avait produit à l'appui de sa constitution de partie civile, formée au nom de ses enfants Mohamed ben Djilali et Naïma bent Djilali, deux actes des 4 sept. 1959 et 21 juin 1960 par lesquels le cadi de Settat lui avait expressément conféré la tutelle de ces mineurs.
Par l'arrêt ci-dessus rapporté, la chambre criminelle de la Cour suprême a cassé la décision du tribunal de première instance de An At qui, en méconnaissance des termes explicites de l'acte authentique du 21 juin 1960, avait débouté Rabah de l'action intentée ès qualités de tutrice dative de Naïma.
La Cour suprême, qui ne constitue pas un troisième degré de juridiction, n'a pas à connaître du fond des affaires et des ciconstances particulières ayant motivé les décisions qui sont déférées à son contrôle. Ses pouvoirs, qui reposent sur la distinction du fait et du droit, sont définis en effet par l'art. 568 C. Proc. Pén. Ainsi conçu : «Le juge de cassation a pour mission de veiller à l'exacte observation de la loi par les juridictions répressives. Son contrôle s'étand à la qualification juridique donnée aux faits ayant servi de fondement à la poursuite pénale, mais ne s'exerce ni sur la matérialité des faits constatés par les juges répressifs, ni, hors le cas où l'admission en est limitée par la loi, sur la valeur des preuves qu'ils ont retenues" (V. La note (VII) sous l'arrêt n°726 du 27 oct. 1960, Rec. Crim. t. 2. 29;. Arrêts n°1136 du 10 mai 1962, Rec. Crim. t. 3. 239.;. 1156 du 31 mai 1962, ibid. 258;. 1173 du 21 juin 1962, ibid. 274;. 1186 du 12 juil.1962, ibid. 290;. 1348 du 7 mars 1963, non publié).
En application de ce texte, les moyens de cassation pris de la «dénaturation des faits» sont irrecevables (Arrêts n°1531 du 9 janv. 1964;. 1559 du 6 févr. 1964 et 1944 du 23 déc. 1965, publiés dans ce volume), les constatations de fait, non contradictoires entre elles, relèvent du pouvoir d'appréciation des juges du fond (Arrêts nO8 744 du 10 nov. 1960. Rec. Crim.t. 2. 61;.797 du 19 janv. 1961, ibid. 145;. Rép. Pr. Civ, V° Cassation, Par Ax Ak, n°8 1365 s;. Rép. Crim, V° Cassation, par Au As, n°374.;. Le Clec'h, Fasc. II, n°12;. Fasc. III, n°8 388 s) et ne peuvent être discutées et remises en question devant la Cour suprême à l'aide d'éléments pris en dehors de la décision attaquée et empruntés à l'information (Arrêts n°8 548 du 11 févr. 196, Rec. Crim. T. 1. 215;. 598 du 31 mars 19, ibid. 2.;. 632 du 5 mars 196, ibid. 270.;. 663 du 9 juin 196, ibid. 297;. 731 du 3 nov. 1960, Rec. Crim. T. 2. 32, 786 du 5 janv. 1961, ibid. 128, 797 du 19 janv. 1961, ibid. 145;. 839 du 16 mars 196, ibid. 19.;. 897 du 29 juin 196, ibid. 28, 915 du 20 juil. 196, ibid. 305, 1010 du 25 janv. 1962, Rec. Crim. t. 3. 107, 1108 du 19 avr. 1962, ibid. 222;. 1109 du 19 avr. 1962, ibid. 227.;. 1173 du 21 juin 1962, ibid. 274.;. Le Clec'h, Fasc. IV, n°126) V, en ce qui concerne les éléments de preuve, les arrêts n os 204 du 12 févr. 1959, Rec. Crim. t. 1. 60.;. 401 du 29 oct. 1959, Rec. Crim. t. 1. 60;. 401 du 29 oct. 1959, ibid. 108;. 495 du 24 déc. 1959, ibid. 178;. 739 du 10 nov. 1960, Rec. Crim. t. 3. 37;. 1102 du 12 avr. 1962, ibid. 213.;. 1136 du 10 mai 1962, ibid. 239;. 1186 du 12 juil. ibid. 290;. 1320 du 7 févr. 1963, publié dans ce volume;. Faye, n°154;. Le Poittevin, Art. 154, nos14, 439 s, 672 .;. Art. 189, nos1 s. .;. Rép. Pr.Civ, V° Cassation, par Ax Ak, nos2001 s;. V° Preuve, pat Ar Ay, nos 40 s;. Rép. Crim, V° Cassation, par Au As, n°336;. V° Preuve, par Ai Al, n°19;.Donnedieu de Vabres, n°8 1238 s;. Bouzat et Pinatel, 2, nos 1182 s;. Stéfani et Levasseur, 2, nos 351 s;. Vitu, pp. 183 s.
Mais le pouvoir d'appréciation des juges du fond n'échappe au contrôle de la Cour suprême qu'
«en l'absence de dénaturation des termes clairs et précis d'un document déterminant «(Arrêt n°1320 du 7 févr. 1963, publié dans ce volume;. dans le même sens, v. Les arrêts nos 1326 du 14 févr. 1963.;. 1327 du 14 févr. 1963.;. 1348 du 7 mars 1963;. 1381 du 9 mai 1963;. 1383 du 16 mai 1963, non publiés). La haute juridiction se reconnaît en effet un pouvoir de contrôle lorsque, par suite de la dénaturation des termes clairs et précis d'un document déterminant dont ils ont fait expressément état pour fonder leur décision, les juges du fond n'ont pu déduire de ce document ses véritables conséquences juridiques (Arrêt n°1289 du 10 janv. 1963, publié dans ce volume).
La jurisprudence relative à la dénaturation a été élaborée en France à l'occasion de l'interprétation des conventions et des testaments.
En matière de conventions, la Cour de cassation fait une distinction entre les clauses obscures
ou ambiguës, dont l'interprétation est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond (V. La note sous l'arrêt n°468 du 10 déc.1959, Rec. Crim. t. 1. 152 et les références auxquelles il convient d'ajouter : Civ, m 1e sect, 3 avr. 1963, Gaz. Pal. 1963.2.72) et les clauses claires et précises, à l'occasion desquelles elle décide que « s'il appartient aux juges du fait de déterminer le sens et la portée des conventions des parties et de rechercher leur intention, ce pouvoir ne saurait aller jusqu'à dénaturer les conventions claires et formelles et ne comportant aucune interprétation » (Civ. 29 nov. 1892, D.P. 1893. 1. 85 .;. V. dans le même sens .;. Civ. 15 avr. 1872, D.p. 1872.1.176, 31 oct. 1898, D.P. 1899.1.222 .;. 22 déc. 1937, D.H. 1938.69 .;. 7 oct. 1940, D.A. 1941.129 .;. 12 nov. 1940 (2 arrêts), D.A. 1941.3 .;. 9 oct. et 16 déc. 1940, D.A. 1941. 130, 14 déc. 1942, D.C. 1944. 112 .;. 31 mai 1948, Rev. Maroc. Dr. 1949. 18, avec la note de MM. Yves Bayssière et Claude Petit .;. 18 janv. 1950, D. 1950. 397 .;. 22 avr. 1950, D.1950.613 et la note signée A.B, 7 janv. 1952, Bull. Cass. 1952.I, n°6, p.5 .;. com. 7 déc. 1954, D. 1955.110 et la note de M. Aj Ap .;. Robert Plaisant, Le contrôle de la Cour de cassation en matière de contrats, Gaz. Pal. 1946.1, Doctr.p.26 .;. Rép. Pr. Civ, V° Cassation, par Ax Ak, nos 1506 s. .;. v. Au Maroc, les arrêts nos 778 du 15 déc. 1960, Rec. Crim . t. 2. 122 .;. 791 du 12 janv. 1961, ibid. 135 .;. 1377 du 9 mai 1963 .;. 1602 du 26 mars 1964 et 1758 du 7 févr. 1965, publiés dans ce volume). V. également en ce qui concerne le contrôle de la Cour suprême sur l'interprétation de ces clauses par les juges du fond, les arrêts de rejet nos 402 du 29 oct. 1959, Rec. Crim. t. 1. 110 .;. 553 du 18 févr. 1960, ibid. 223 .;. 804 du 26 févr. 1961, Rec. Crim. t. 2. 155, 1074 du 15 mars 1962, Rec. Crim. t. 3. 178 .;. 1680 du 2 juil. 1964 et 1696 du 23 juil. 1964, publiés dans ce volume).Ce contrôle peut amener la Cour à rejeter le pourvoi .;. mais à substituer aux motifs erronés des juges du fond les motifs de droit propres à justifier le dispositif de leur décision (V. L'arrêt n°1017 du 1er févr. 1962, Rec. Crim. t. 3. 114).
En matière de testament, la Cour de cassation décide que « si l'interprétation d'un testament appartient exclusivement aux juges du fond, leur pouvoir ne va pas jusqu'à leur permettre de refaire le testament et, sous prétexte de se conformer à la volonté du testateur, de substituer à une disposition claire et précise une autre disposition produisant des effets légaux différents » (Civ. 2 déc. 1879, D. P. 1880.1.69 .;. v. également : Req. 27 juin 1899, D.P. 1899.1.592 .;. 19 oct. 1908, D.P. 1909.1.50, 5 dec. 1910 .;. D.P. 1911.1.24 .;. 22 juil. 1913, D.P. 1917.1.53 .;. Civ. 15 juil. 1918, D.P. 1918.1.172, Req. 11 mars 1924, D.H. 1924.245 .;. comme exemples de dénaturation, v. Civ. 20 janv. 1868, D.P. 1868.1.12 .;. 18 nov. 1884, D.P. 1885.1.317 .;. 15 mai 1889, D.P. 1889.1.378 .;. 6 mai 1891, D.P. 1893.1.177 .;. 22 déc. 1937, D.H. 1938.69 .;. 9 juil. 1958, D. 1958.583 et la note .;. Rép. Civ, V° Testament, nos 10 à 15 et V° Legs, nos 3 s, 28 s. .;. Rép. Pr. Civ, V° Cassation, par Ax Ak, nos1691 à 1694 .;. René Savatier, note sous Paris, 1er juil. 1926, D.P. 1928.1.121 .;. Pierre voirin, note sous Aix, 28 juin 1948, J.C.P. 1948 II. 4617, Au Ah, note sous Civ. 4 nov. 1952, J.C.P. 1953.II.7554 .;. Au Ah, Sur quelques difficultés relatives à l'interprétation des testaments. Le rôle du juge dans la détermination du légataire ou du bénéficiaire d'une charge, J.C.P. 1957.1.1385 .;. nos 72 à 74).
Le contrôle de la dénaturation ne se limite d'ailleurs pas au seul domaine des conventions et des testaments : il s'exerce en principe sur tous les actes juridiques et il en est ainsi notamment en ce qui concerne les actes de procédure, la juridiction de cassation se reconnaissant le pouvoir de les examiner et de les interpréter afin de leur restituer éventuellement leur sens et leur portée juridiques exacts (Civ. 23 juil. 1890, D.P. 1891.1.127;. 4 juin 1904, D.P. 1904.1.475 .;. 3 févr. 1915, D.P. 1919.1.37, 11 juil. 1918, D.P.1921.1.239 .;. 20 juil. 1932, D.H. 1932.492 .;. 26 mars 1934, D.H.1934.266, 27janv. 1958, Bull.cass.1958.1, n°57, p.46 .;. Morel, n°667 bis .;. Rép.pr.civ, V° Cassation, par Ax Ak, nos 2092 et 2093). La cassation est prononcée chaque fois que les juges du fond ont dénaturé soit les termes du litige et statué sur une contestation autre que celle qui leur était soumise (Civ. 5 août 1901, 2 arrêts, D.P.1902.1.315, Com. 7 déc. 1954, D. 1955.110 et la note de M. Aj Ap .;. 15 févr. 1957, Bull.cass.1957.II, n°153, p.96, Civ. 21 oct. 1959, Bull. Cass. 1959.II, n°425, p. 351 .;. 15 juil. 1963, Gaz. Pal. 1963.2.423), soit les conclusions des parties (Civ. 6 déc. 1886, D.P. 1887.1.399 .;. 29 avr.1895, D.P.1895.1.454 .;. 4 juin 1904, D.P.1904.1.475, 29 jan.1908, D.P. 1909.1.211 .;. 16 juil. 1912, D.P. 1913.1.283 .;. 26 janv.1915,D.P. 1916.1.47 .;. 8 mai 1917, D.P.1917.1.101 .;. 10 oct. 1960, J.C.P. 1961.II.11980 et la note de M. Ab Ag, Rev. Trim. Dr. Civ. 1961, 720, n°3 .;. Faye, nos 179 et 180 .;. Rép.pr. civ, V° Cassation, par Ax Ak, nos 2116 à 2118), soit les documents produits aux débats (Com. 28 févr. 1951, Bull. Cass.
1951. II, n°87, p.63), par exemple les rapports d'expertise (Civ. 19 déc. 1893, D.P. 1894.1.274 .;. Crim. 23 juil. 1932, B.C. 188 .;. 24 mai 1945, B.C. 58 .;. 6 déc. 1955, D. 1956.174).
Le contrôle ainsi exercé par la juridiction de cassation sur l'interprétation des actes juridiques privés et sur les actes de procédure est critiqué par certains auteurs parce qu'il implique une appréciation des « faits de la cause ». Ainsi Faye écrit : « La cour de cassation ne constitue pas un troisième degré de juridiction .;. elle ne juge pas les procès, mais uniquement les jugements dans leurs rapports avec la loi écrite, dans un intérêt supérieur à celui des parties .;. elle ne casse que si le juge s'est mis en contradiction avec le législateur . Mal juger, disait Merlin, et juger contre une loi expresse sont deux choses différentes, et, si la Cour peut et doit casser tous les arrêts qui jugent contre la loi, elle ne peut jamais casser un arrêt qui ne juge que la raison, qui n'offense que des principes universellement reçus, il est vrai, mais auxquels le législateur n'a pas imprimé le sceau de sa puissance » (n°56, p. 85). « l'équité, la logique, la grammaire, le bon sens peuvent avoir été violés .;. la conscience peut être révoltée .;. il y a lieu de déplorer l'erreur du juge, mais il n'appartient pas à la Cour régulatrice de réviser une décision souveraine où la volonté seule des parties a été méconnue» (n°171, p. 192).
Mais en réalité ces passages de Faye, qui révèlent les conséquences auxquelles pourrait conduire l'adoption d'une conception trop restreinte de la mission du juge de cassation, prouvent que cette mission ne peut être raisonnablement limitée au simple contrôle de la légalité des décisions judiciaires et au maintien de l'uniformité de la jurisprudence. Le juge de cassation ne doit pas, sous prétexte qu'il ne connaît que le « droit », demeurer indifférent aux erreurs que peuvent commettre les juges du fond à l'égard des règles élémentaires de la logique, des principes du raisonnement et des règles d'expérience qui conditionnent précisément la justesse de leur raisonnement juridique, et il est exact de dire que : « L'idée dominante de la Cour de cassation lorsqu'elle casse une décision pour dénaturation est . d'amener les juges du fond à effectuer des constations de fait sérieuses sans commettre d'erreurs flagrantes » ( Le Clec'h, De l'insuffisance de motifs, manque de base légale des décisions judiciaires, J.C.P. 1948.1.690).
En France, la théorie de la dénaturation est fondée sur le respect de la force obligatoire des contrats et lorsque la Cour de cassation casse une décision pour dénaturation, elle invoque la violation de l'article 1134 du Code civil (v.
Rép. Pr. Civ, V° Cassation, par Ax Ak, nos 1504 s.). En Belgique, elle est basée sur le respect dû à la force probante des écrits (Ae Ac,La nature du contrôle de la Cour de cassation, Bruxelles, 1966, nos 174 s, p. 279 s.). Pour M. Av Az, « le contrôle de la dénaturation des actes n'est en principe qu'un aspect du contrôle de la motivation . Dans cette conception, la Cour suprême ne donne pas une interprétation personnelle de l'acte ou du document . La dénaturation ainsi conçue se ramène à l'insuffisance de motifs et s'apparente au manque de base légale » (Rép. Civ, V° Cassation, nos 39 et 75 .;. v. également, du même auteur, La distinction du fait et du droit .;. Essai sur le pouvoir de contrôle de la cour de cassation sur les juges du fait, thèse, Toulouse, 1929, n°151 .;. Rôle du juge dans l'interprétation des contrats, dans le tome V des travaux de l'Association Henri Capitant pour la culture juridique française, 1949, Dalloz, 1950, pp. 84 s. Et 96 s. où M. Az écrit notamment : « La dénaturation . se ramène en somme à une insuffisance de motifs, car on reproche aux juges, en présence d'un texte en apparence clair, de n'avoir pas donné des motifs suffisamment plausibles d'une interprétation divergente » (p. 96) . « le contrôle de la dénaturation se ramène au fond à consulter une contradiction entre les motifs donnés et le texte clair et précis ou bien une insuffisance des motifs donnés pour s'écarter d'une apparence de clarté ou de précision » (p. 105). V. Dans le même sens, Am Af, note au D.C. 1943. 135 .;. Le Clec'h, De l'insuffisance de motifs, manque de base légale des décisions judiciaires, J.C.P. 1948.1.690 .;. Rép. Pr. Civ, V° Cassation, par Ax Ak, n°1509.
Pour M. Ab A, au contraire, le problème de la dénaturation ne se rattache pas à la motivation des décisions : « Lorsqu'on est en présence d'une clause claire et précise, quels que soient les motifs que peut donner le juge, la Cour de cassation ne laissera pas passer son arrêt. Car pour la Cour de cassation, il n'y a pas lieu à interprétation. Toute la question est celle de savoir : y a-t-il ou n'y a-t-il pas lieu à interprétation ? Lorsque les parties ont exprimé une volonté qui a, dans les termes où elles l'ont exprimée, une portée légale, les juges doivent appliquer le contrat tel qu'il est » (op.cit, pp.103 s.).
Au Maroc, la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour suprême ne permet pas d'assimiler le contrôle de la dénaturation à l'insuffisance des motifs de fait (ou manque de base légale).
En effet, la haute juridiction casse pour manque de base légale, et non pour dénaturation, la décision qui a omis soit de s 'expliquer sur la contradiction existant entre les conditions générales et les Conditions particulières d'une police d'assurance (Arrêt n°468 du 10 déc. 1959, Rec. Crim. t. 1.152), soit d'examiner la clause d'un contrat d'assurance sur laquelle une exception de non- assurance était expressément basée (Arrêt n°981 du 4 janv. 1962, Rec. Crim.t. 3. 70) ou le contrat d'assurance pour déterminer la durée de la garantie qui en résultait, alors que la compagnie d'assurance soutenait qu'au moment de l'accident, l'assurance était éteinte par expiration du contrat (Arrêt n°1092 du 8 fév. 1962, Rec. Crim. t. 3. 126) C'est d'ailleurs précisément dans le cas d'insuffisance de motifs de fait de la décision que la juridiction de cassation s'abstient d'aborder le fond, et laisse aux juges de renvoi le soin d'examiner eux-mêmes les clauses du contrat et, éventuellement, de les interpréter, en leur montrant comment le problème qu'ils auront à résoudre se pose et en les obligeant seulement à se prononcer sur les points de fait et de droit qui lui ont paru déterminants pour la solution du litige.
Au contraire, l'annulation d'une décision pour dénaturation implique nécessairement que le juge de cassation a trouvé dans la décision une motivation suffisante en et en fait, mais contraire à ce lui paraît être l'évidence. Il importe peu dans ce cas que la motivation soit complète dès lors qu'elle est fondée sur une base erronée. Ainsi lorsque les juges du fond ont méconnu les termes du contrat en affirmant, par exemple, que le risque envisagé était expressément et sans équivoque exclu de la garantie, alors qu'en réalité les expressément et sans équivoque exclu de la garantie, alors qu'en réalité les termes clairs et précis de la convention ne prévoyaient pas une telle exclusion (Arrêt n°778 du 15 déc. 1960, Rec. Crim. t. 2. 122), ou lorsqu'ils interprètent une clause d'un contrat qui, étant claire et précise, n'est pas sujette à interprétation (Arrêt n°791 du 12 janv. 1961, ibid. 135), le juge de cassation sanctionne, par delà la motivation du jugement, l'erreur même sur laquelle il est basé. Il restitue alors au contrat ou à la clause son sens et sa portée juridiques exacts.
Si aucun moyen de cassation ne peut être pris de la dénaturation, en général, des faits de la cause (v. Les arrêts nos 1531 du 9 janv. 1964 .;. 1559 du 6 févr. 1964 et 1944 du 23 déc. 1965, publiés dans ce volume), la dénaturation d'un document déterminant pour la solution de l'une des questions litigieuses du procès (par exemple, la dénaturation d'une clause de la police d'assurance à l'occasion de l'examen d'une exemption de non-assurance soulevée par la compagnie d'assurances) entraînera la cassation de la décision des juges du fond.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1212
Date de la décision : 25/10/1962
Chambre pénale

Analyses

1° PREUVE-Acte authentique-Dénaturation.2° JUGEMENTS ET ARRETS-Violation de la loi-Acte authentique.

1° et 2° Une décision judiciaire ne peut sans violer la foi due aux actes authentiques admettre ou dénier des faits en méconnaissance des énonciations de ces actes.Encourt en conséquence la cassation le jugement d'appel qui, pour débouter une mère de sa constitution de partie civile formée au nom de son enfant mineur, affirme que l'acte du cadi par elle produit aux débats ne lui attribue pas la qualité de tutrice dative du mineur, alors que cet acte authentique lui confère expressément cette qualité.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-10-25;p1212 ?
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