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26/06/1962 | MAROC | N°C215

Maroc | Maroc, Cour suprême, 26 juin 1962, C215


Texte (pseudonymisé)
215-61/62 26 juin 1962 9 633
Aa Ad Af
c/Association Ae A et Compagnie Ab Ah d'Assurances.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 24 janvier 1961
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE :
Vu l'article 427 du dahir des obligations et contrats;
Attendu que les écritures portant l'obligation de personnes illettrées ne valent que si elles ont été reçues par notaire ou par un officier public à ce autorisé;
Attendu que Aa Ad Af, membre de l'association sportive «Ed Diffaâ », assurée de la Compagnie Royale d'Assurances, ayant été victime d'un traumatisme thoraci

que au cours d'un entraînement organisé par ladite association et ayant signé le 25 a...

215-61/62 26 juin 1962 9 633
Aa Ad Af
c/Association Ae A et Compagnie Ab Ah d'Assurances.
Cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 24 janvier 1961
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE :
Vu l'article 427 du dahir des obligations et contrats;
Attendu que les écritures portant l'obligation de personnes illettrées ne valent que si elles ont été reçues par notaire ou par un officier public à ce autorisé;
Attendu que Aa Ad Af, membre de l'association sportive «Ed Diffaâ », assurée de la Compagnie Royale d'Assurances, ayant été victime d'un traumatisme thoracique au cours d'un entraînement organisé par ladite association et ayant signé le 25 avril 1957 une quittance, rédigée en français, par laquelle il reconnaissait avoir perçu une somme de 120 000 francs à titre d'indemnité totale et définitive en réparation de son dommage, a prétendu qu'illettré aussi bien en arabe qu'en français, il avait entendu recevoir cette somme à titre d'acompte et, soulevant la nullité de cette quittance en vertu de l'article 427 du dahir des obligations et contrats, a réclamé à l'assureur l'indemnisation totale qui lui était due; que la Cour d'appel a estimé que, Aa ne déniant pas sa signature, l'acte constituait un commencement de preuve par écrit» autorisant la société sportive et l'assureur à prouver que la somme avait été perçue en règlement définitif, par témoignages ou par présomptions graves et précises ou bien nombreuses et concordantes, et que cette preuve résultait de ce que Aa avait fait constater qu'il était majeur par un jugement du Cadi dont il avait remis à l'assureur la traduction en français établie par le même traducteur assermenté que celui qui avait déclaré avoir traduit le texte de la quittance à Aa, lequel l'avait comprise, approuvée et signée en sa présence, et de ce qu'encore le montant de l'indemnité payée n'était en tout cas pas très inférieur au préjudice, qu'en conséquence Aa avait reçu la somme de 120 000 francs à titre de règlement total et définitif et devait être débouté de son action;
Or attendu que les juges d'appel, ayant ainsi implicitement mais nécessairement admis qu'aux termes de l'article 427 du dahir des obligations et contrats Aa était illettré, ne pouvaient donner à la quittance la valeur d'un commencement de preuve par écrit, puisque d'une part sa défectuosité rejaillissait sur la réalité de l'obligation qu'elle devait constater et puisque d'autre part cette obligation civile, portant sur 120 000 francs, n'aurait pu être prouvée par témoins, en raison des
dispositions des articles 443 et 447 du dahir des obligations et contrats, que si l'écrit retenu par les
juges du fond comme rendant vraisemblable le fait allégué avait été dressé à la requête de Aa auquel on l'opposait, par un officier public compétent dans la forme voulue pour faire foi, ou si les juges avaient retenu les dires des parties dans un acte ou décision judiciaire réguliers en la forme; que ces circonstances ne ressortant pas de l'arrêt attaqué, celui-ci encourt le grief du moyen qui doit être accueilli;
PAR CES MOTIFS
Casse.
Premier Président : M. Hamiani.__Rapporteur Mme Houel.__Avocat général M.Bocquet.__Avocats : MM. Lombard, Cohen.
Observations
Aux termes de l'art. 427 C. obl. contr. «les écritures portant l'obligation de personnes illettrées
ne valent que si elles ont été reçues par notaires ou par officiers publics à ce autorisés ». Tel n'était pas le cas en l'espèce, et la quittance ne pouvait donc avoir la force probante d'un acte sous seing privé; les juges d'appel ne s'y étaient pas trompés, mais ils avaient cru pouvoir lui attribuer la valeur d'un commencement de preuve par écrit rendant admissible la preuve par témoins ou par présomptions quand le montant de l'obligation est supérieur à 250 dirhams (art. 443 et 441 C. obl. contr.).
Selon l'art. 447, al. 2 C. obl. contr., constitue un commencement de preuve par écrit «tout écrit
qui rend vraisemblable le fait allégué et qui est émané de celui auquel on l'oppose, de son auteur, ou de celui qui le représente». D'autre part, l'al. 3 du même article dispose : «est réputé émané de la partie tout acte dressé à sa requête par un officier public compétent dans la forme voulue pour faire foi, ainsi que les dires des parties consignés dans un acte ou décision judiciaire réguliers en la forme» ces dispositions n'ont évidemment pas pour effet d'ajouter des conditions supplémentaires aux conditions exigées par l'alinéa précédent lorsque l'acte émane manifestement de la partie à qui on l'oppose, c'est-à-dire lorsqu'il est écrit ou signé d'elle; mais elles ont pour objet de permettre de considérer comme «émanant» d'une partie des actes qui, bien que n'étant ni écrits ni signés par elle, offrent des garanties suffisantes d'authenticité pour permettre de lui en rendre le contenu opposable (par exemple les déclarations recueillies au cours d'une comparution personnelle ordonnée par le juge, ou les déclarations reproduites dans un jugement).
La quittance litigieuse répondait apparemment aux conditions exigées par l'art. 447, al. 2, puisqu'il s'agissait d'un écrit signé de la partie à qui il était opposé et que, en vertu d'un libre pouvoir d'appréciation qui leur est reconnu par la jurisprudence (v.Rép. civ. V° Commencement de preuve par écrit, par Ag Ac, n. 60), les juges du fait avaient estimé qu'elle rendait vraisemblables les allégations de la compagnie d'assurances.
L'arrêt rapporté dénie cependant à juste titre à cette quittance le caractère d'un commencement de preuve par écrit. En effet, Si en principe un acte sous seing privé nul en tant que tel peut servir de commencement de preuve par écrit (v. Rép. civ. préc., n. 12) il ne saurait en être ainsi d'un acte signé par un illettré puisque celui-ci n'a pu en vérifier les termes; d'autre part la quittance ne faisait évidemment pas partie des acte ou décision visés à l'art. 447, al. 3 susvisé.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C215
Date de la décision : 26/06/1962
Chambre civile

Analyses

PREUVE-Preuve par écrit-Acte sous seings privés-Illettré.

Lorsqu'un illettré, après avoir signé une quittance aux termes de la quelle il reconnaissait avoir reçu d'une compagnie d'assurances une somme de 1200 dirhams à titre d'indemnité totale, réclame à cet assureur un complément d'indemnité en prétendant qu'il avait seulement entendu recevoir les 1 200 dirhams à titre d'acompte, une Cour d'appel ne peut, sans violer l'article 427 du Code des obligations et contrats, débouter l'illettré de sa demande au motif que la quittance constitue un commencement de preuve par écrit autorisant la preuve par témoignages et par présomptions et qu'il résulte des éléments de la cause que la somme de 1 200 dirhams a effectivement été perçue en règlement définitif.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-06-26;c215 ?
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