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12/06/1962 | MAROC | N°C205

Maroc | Maroc, Cour suprême, 12 juin 1962, C205


Texte (pseudonymisé)
205-61/62 12 juin 1962 6219
Ad Ab Ae c/Martin Yves et autres.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 25 avril 1958
La Cour,
SUR LES DEUX MOYENS REUNIS :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Rabat 25 avril 1958) que le 6 juin 1950 Mohamed ben Mohamed, âgé de sept ans, a trouvé la mort dans un accident de la circulation causé par un véhicule automobile conduit par Ac Aa et appartenant au Syndicat des Producteurs de Lait assuré à la compagnie d'assurances «Contingency »;
Attendu que le pourvo

i fait grief à l'arrêt dénoncé, qui a déclaré prescrite la demande en dommages-in...

205-61/62 12 juin 1962 6219
Ad Ab Ae c/Martin Yves et autres.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 25 avril 1958
La Cour,
SUR LES DEUX MOYENS REUNIS :
Attendu qu'il résulte de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Rabat 25 avril 1958) que le 6 juin 1950 Mohamed ben Mohamed, âgé de sept ans, a trouvé la mort dans un accident de la circulation causé par un véhicule automobile conduit par Ac Aa et appartenant au Syndicat des Producteurs de Lait assuré à la compagnie d'assurances «Contingency »;
Attendu que le pourvoi fait grief à l'arrêt dénoncé, qui a déclaré prescrite la demande en dommages-intérêts de Ad Ab Ae, d'avoir en premier lieu écarté l'application de l'article 380 § 5 du dahir des obligations et contrats aux termes duquel la prescription n'a pas lieu lorsque le créancier s'est trouvé en fait empêché d'agir dans le délai établi pour la prescription, au motif que la circonstance que Ad Ab Ae a demandé et obtenu le bénéfice de l'assistance judiciaire ne suffit pas à démontrer qu'il se soit trouvé dans l'impossibilité d'agir en justice durant toute la période triennale, alors d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du dahir du 12 août 1913 sur l'assistance judiciaire, elle est accordée lorsque l'insuffisance des ressources met le justiciable «dans l'impossibilité d'exercer ou de défendre ses droits en justice », et que selon l'article 8 du même dahir «le demandeur fournit. une déclaration par laquelle il affirme qu'il est en raison de son indigence dans l'impossibilité d'exercer ses droits », et alors d'autre part, qu'en violation des articles 189 à 237 du dahir de procédure civile l'arrêt attaqué a infirmé le jugement du 17 décembre 1955 sans répondre au moyen tiré de l'article 381 § 3 du dahir des obligations et contrats dont le jugement infirmé faisait expressément application;
Mais attendu d'une part que l'arrêt déféré relève que la condamnation de Martin par le jugement confirmatif du tribunal correctionnel de Casablanca, le 17 juillet 1951, pour homicide, devenue définitive le 21 juillet suivant, a fait connaître d'une manière certaine l'auteur du dommage à Ad Ab Ae et a fait courir à son encontre le délai de trois ans imparti à la victime par l'article 106 du dahir des obligations et contrats; que ce délai a expiré le 21 juillet 1954, tandis que la requête introductive d'instance n'a été déposée que le 10 mars 1955; que si Ad Ab Ae a demandé et obtenu le bénéfice de l'assistance judiciaire, cette circonstance ne suffit pas à démontrer que durant toute la période triennale, il se soit trouvé dans l'impossibilité d'agir en justice; que si encore, aux termes de l'article 381 § 1 du dahir des obligations et contrats, la prescription est interrompue par toute demande judiciaire ou extrajudiciaire ayant date certaine qui constitue le débiteur en demeure d'exécuter son obligation, une demande d'assistance judiciaire adressée au Procureur, et qui ne contient aucune injonction au débiteur, ne remplit pas les conditions légales pour interrompre le cours de la prescription; que par ces constatations et appréciations la Cour d'appel, faisant une application exacte de l'article 381 § 1 du dahir des obligations et contrats, a pu décider qu'il n'autorisait pas Ad Ab Ae à prétendre à une interruption de prescription;
Attendu d'autre part qu'aux termes de l'article 381 § 3 du dahir des obligations et contrats, la prescription est interrompue par un acte conservatoire ou d'exécution entrepris sur les biens du débiteur ou par toute requête afin d'être autorisé à procéder à un acte de ce genre;
Attendu que si le jugement infirmé relevait que Ad Ab Ae, en sollicitant le bénéfice de l'assistance judiciaire, avait invoqué les dispositions des articles 380 § 1 et 381 § 3 du dahir des obligations et contrats, ce jugement, en considérant que la demande d'assistance judiciaire formée avant l'expiration du délai de prescription avait un effet interruptif, ne relevait aucun acte conservatoire ou d'exécution entrepris sur les biens du débiteur, ni aucune requête afin d'être autorisé à procéder à un acte de ce genre; que la Cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer sur un texte légal que le jugement n'invoquait pas à l'appui de sa décision, sur lequel dans sa requête d'appel Ad Ab Ae ne se fondait pas, et qui ne trouvait pas son application en la cause;
D'où il suit que, sans violer les textes visés aux deux moyens, la Cour d'appel, par son arrêt régulièrement motivé, a légalement justifié sa décision;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
M. Hamiani.__Rapporteur : M. Zamouth.__Avocat général : M. Bocquet.__Avocats : MM. Darmon, Laurence.Premier Président :
Observations
I.__Aux termes de l'art. 380 C. obl. contr. «la prescription n'a pas lieu . 5° lorsque le créancier s'est trouvé en fait dans l'impossibilité d'agir dans le délai établi pour la prescription ». La preuve de cette cause de suspension doit être rapportée par le créancier qui l'invoque. Elle peut résulter : de la convention des parties, par exemple de leur accord pour soumettre leur différend à un expert; d'une décision judiciaire ayant notamment accordé un sursis au débiteur; d'une procédure au résultat de laquelle se trouve subordonnée l'action du créancier (Civ. 5 juil. 1858, D.P. 58.1.413); d'un événement de force majeur (guerre, grève générale, catastrophe naturelle, maladie ou accident grave), mais un tel événement n'est pris en considération que s'il a constitué un obstacle absolu et si ses effets se sont prolongés longtemps, ou se sont produits pendant les derniers jours du délai; ainsi le délai de la prescription ne saurait être allongé de la durée de toutes les maladies graves subies par le créancier depuis qu'elle a commencé à courir, mais la prescription est suspendue par un accident
grave survenu peu avant l'expiration du délai et mettant le créancier hors d'état de manifester sa volonté.
En l'espèce, le demandeur au pourvoi, victime du dommage, avait laissé expirer le délai de trois ans prévu à l'art. 106 C. obl. contr. (délai porté à cinq ans par Dh. 17 nov. 1960); mais, se référant aux termes de l'art. 1 du Dh. sur l'assistance judiciaire selon lequel celle-ci est accordée aux justiciables «lorsque l'insuffisance de leurs ressources les met dans l'impossibilité d'exercer ou de défendre leurs droits », ce demandeur prétendait que le seul fait d'avoir obtenu l'assistance judiciaire suffisait à établir que, faute de ressources, il s'était trouvé dans l'impossibilité d'agir. Ce moyen était évidemment mal fondé : en effet, même à supposer que l'insuffisance de ressources puise être considérée comme constituant une impossibilité absolue d'interrompre la prescription, la circonstance que l'assistance judiciaire avait été accordée au créancier n'impliquait ni qu'il était demeuré sans ressources pendant tout le cours du délai, ni qu'il n'avait pas été en mesure de solliciter et obtenir plus tôt l'assistance judiciaire afin d'introduire son action contre le débiteur avant l'expiration de la prescription.
Sur la suspension de la prescription en cas d'impossibilité d'agir, v. Rép Civ. V° Prescription civile, par René Radouant, n. 220 et s., 469 et s.
II._Les demandes d'assistance judiciaire sont adressées au procureur du Roi, qui les transmet au bureau compétent. Lorsque la partie adverse est domiciliée ou réside dans son ressort, le bureau «lui donne avis qu'elle peut comparaître pour toutes explications utiles », et si elle comparaît il «emploie ses bons offices en vue d'opérer un arrangement amiable» (art. 8 Dh. sur l'assistance judiciaire). Cette tentative de conciliation, ainsi soumise à la comparution volontaire de la partie adverse, ne saurait en aucun cas avoir un effet interruptif sur la prescription puisqu'elle ne constitue aucun des actes ou demandes limitativement énumérées à l'art. 381 C. obl. contr.; il en est ainsi, à plus forte raison, du simple dépôt d'une demande d'assistance judiciaire demeurée ignorée du débiteur.
III._En concluant à la confirmation du jugement entrepris l'intimé s'approprie nécessairement
les motifs de celui-ci, et dès lors les juges d'appel ne justifient pas légalement leur décision infirmative lorsqu'ils s'abstiennent de les réfuter (v. T. I, arrêts n°s 22 p. 53, et 117 p. 214). Invoquant ce principe, le demandeur reprochait à l'arrêt attaqué de ne pas avoir répondu «au moyen tiré de l'art. 381, 3° C. obl. contr. dont le jugement entrepris faisait expressément application ». Ce grief manquait partiellement en fait puisque ledit jugement ne s'était pas fondé sur cette disposition légale; au surplus le demandeur ne l'avait même pas invoquée en cause d'appel et elle était d'ailleurs sans application en la cause.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C205
Date de la décision : 12/06/1962
Chambre civile

Analyses

1° PRESCRIPTION-Suspension-Causes-Impossibilité d'agir-Indigence-Décisionaccordant l'assistance judiciaire.2° PRESCRIPTION-Interruption-Demande d'assistance judiciaire.3°JUGEMENT ET ARRET-Motifs suffisants-Décision infirmative-Défaut de réponse à des moyens non retenus par les premiers juges et non invoqués en cause d'appel.

1° La prescription est suspendue tant que le créancier se trouve dans l'impossibilité d'agir en justice; mais la circonstance que le créancier a obtenu l'assistance judiciaire ne suffit pas à démontrer qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'agir pendant toute la durée du délai de prescription.2° La prescription n'est pas interrompue par le dépôt d'une demande d'assistance judiciaire;une telle demande adressée au Procureur du Roi ne comporte en effet aucune injonction au débiteur et ne saurait constituer une demande judiciaire ou extra-judiciaire mettant celui-ci en demeure d'exécuter son obligation.3° Les juges d'appel qui infirment la décision des premiers juges ne sont pas tenus de s'expliquer sur l'application d'un texte légal sur lequel cette décision n'était pas fondée, que l'intimé n'avait pas invoqué dans ses conclusions et qui était sans intérêt en la cause.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-06-12;c205 ?
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