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07/06/1962 | MAROC | N°P1169

Maroc | Maroc, Cour suprême, 07 juin 1962, P1169


Texte (pseudonymisé)
Rejet des pourvois formés par la Société savoyarde d'entreprises et le Phoenix Assurance Ak Ao contre un jugement rendu le 20 juillet 1961 par le tribunal régional de Tetouan qui a condamné le Phoenix à payer diverses indemnités à Ap Aq, à Ap Ac et à la campagnie d'assurances L'Union, parties Civiles.
7 juin 1962
Dossiers n°s 8790 et 8791
La Cour,
SUR LE MOYEN DE CASSATION, COMMUN AUX DEMANDERESSES, et pris de la « violation des formes substantielles de procédure, notamment de l'article 638 du Code de procédure pénale, violation des règles de preuve, défaut de

motifs, manque de base légale, en ce que le tribunal de Tétouan a admis la c...

Rejet des pourvois formés par la Société savoyarde d'entreprises et le Phoenix Assurance Ak Ao contre un jugement rendu le 20 juillet 1961 par le tribunal régional de Tetouan qui a condamné le Phoenix à payer diverses indemnités à Ap Aq, à Ap Ac et à la campagnie d'assurances L'Union, parties Civiles.
7 juin 1962
Dossiers n°s 8790 et 8791
La Cour,
SUR LE MOYEN DE CASSATION, COMMUN AUX DEMANDERESSES, et pris de la « violation des formes substantielles de procédure, notamment de l'article 638 du Code de procédure pénale, violation des règles de preuve, défaut de motifs, manque de base légale, en ce que le tribunal de Tétouan a admis la culpabilité du prévenu et la responsabilité Civile de son employeur, substitué par la compagnie d'assurances, au motif que les fautes du prévenu et notamment la circulation à gauche résultaient du croquis joint au procès-verbal, alors qu'il résulte des qualités du jugement que le procès-verbal de gendarmerie ne figure pas au dossier, en original, et que ledit dossier a été Reconstitué dans des conditions non conformes à l'article 638 du Code de procédure pénale, de telle sorte que la déclaration de culpabilité est fondée sur des pièces insuffisantes au regard de la loi et sans valeur probante »:
Attendu que le jugement d'appel attaqué constate expressément que, le dossier ayant été égaré,
et une nouvelle expédition du procès-verbal de gendarmerie demandée en application de l'article 638 du Code de procédure pénale n'ayant pas encore été reçue, c'est une photocopie de ce procès-verbal détenue par l'avocat de la partie Civile qui à l'audience a été jointe au dossier par le président, en présence des partis, sans qu'aucune d'elles, et notamment l'avocat des demanderesses au présent pourvoi, s'y soit opposé ou ait contesté son authenticité;
Qu'en suppléant ainsi, avec l'assentiment des parties, à la perte de l'original du procès-verbal, les juges d'appel n'ont pas violé les dispositions légales visées au moyen, et ont pu à bon droit fonder leur conviction sur une photocopie dont l'authenticité n'était pas contestée;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
SUR LE MOYEN DE CASSATION, COMMUN AUX DEMANDERESSES, et pris de la « violation des formes substantielles de procédure, violation des règles de preuves, violation de la loi de fond, insuffisance ou défaut de motifs, manque de base légale, en ce que le tribunal d'appel accorde aux parties Civiles de base légale, n ce que le tribunal d'appel accorde aux motifs, manque de base légale, en ce que le tribunal d'appel accorde aux partiesCiviles des indemnités refusées en première instance au motif que compte doit être tenu de la perte du dossier où étaient produits les justificatifs de dépenses et documents, alors que les premiers juges, qui ont eu sous les yeux lesdits justificatifs et documents, ont estimé qu'ils ne constituaient pas une preuve suffisante de demandes présentées et ont rejeté la demande de l'une des partiesCiviles, admettant les deux autres à concurrence seulement de 3 000 dirhams, de telle sorte que les juges d'appel, qui ont été privés de ces justifications elles-même, et ne font état d'aucune preuve supplémentaire, n'ont pu que se baser sur le contenu du dossier égaré pour considérer les demandes comme suffisamment justifiées au regard de la loi Civile »:
Attendu que l'indemnité réparatrice du préjudice résultant d'un délit est, dans les limites des conclusions de la partie Civile, souverainement appréciée par les juges répressifs qui ne sont tenus ni de justifier leur condamnation indemnitaire par des motifs spéciaux, ni d'en spécifier les bases;
Attendu que Chales et Ac Ap ayant respectivement sollicité dans leurs conclusions de partie Civile l'attribution de 14318 et97535dirhams et ayant obtenu du premier juge une indemnité provisionnelle de 3 000 dirhams, les juges d'appel leur ont accordé à chacun 750000 francs de dommages-intérêts, compte tenu notamment « de la nature des blessures, du temps nécessaire à leur guérison, et des frais et circonstances de l'espèce »; qu'ils ont d'autre part accordé à la compagnie « L'Union » le montant de sa demande, en le déclarant justifié par un reçu produit aux débats;
Qu'en statuant ainsi, dans la limite des conclusions des parties Civiles, les juges d'appel n'ont pas violé les règles de preuve et les dispositions légales visées au moyen;
D'où il suit que le moyen, qui manque partiellement en fait, doit être rejeté;
SUR LE MOYEN DE CASSATION, COMMUN AUX DEMANDERESSES, pris de la
« contradiction ou défaut de motif, manque de base légale, en ce que le tribunal a statué sur la Recevabilité des parties Civiles et sur les dépens en invoquant le dahir du 17 janvier 1961, article 63, au motif que ce texte dispense les parties Civiles de faire l'avance de la taxe judiciaire, alors que ce texte n'était en vigueur, ni lors de la constitution, ni lors de l'appel des partiesCiviles »:
Attendu que, tenues au paiement des frais comme parties succombantes, les demanderesses au pourvoi ne sauraient se prévaloir d'un remboursement de taxe qui, même ordonné à tort en faveur des parties Civiles, n'est pas de nature à leur faire personnellement grief;
Qu'en conséquence, le moyen est irrecevable;
SUR LE MOYEN DE CASSATION, PROPRE A LA COMPAGNIE « LE PHOENIX » pris de la « violation des formes substantielles de procédure , violation de la loi de fond, excès de pouvoirs,
manque de base légale, défaut de motifs, en ce que le tribunal de Tétouan a condamné Le Phoenix, comme substitué à la responsabilité de son assurée, la Société Savoyarde d'Entreprises, au paiement de diverses condamnations Civiles, au motif que tout délit donne lieu à responsabilité Civile pour réparer le préjudice par lui causé, la compagnie d'assurances devant substituer son assuré conformément au dahir du 8 juillet 1937, alors que la loi permet d'appeler un assureur à se substituer à son assuré pour le paiement de condamnations Civiles infligées à ce dernier à raison d'infractions dont il a été déclaré coupable ou Civilement responsable, mais non de condamner cet assureur diRectement, fût-ce par substitution à un assuré qui n'a été, ni condamné, ni déclaré Civilement responsable, qui n'est pas l'auteur du délit, et dont le préposé ne fait l'objet personnellement d'aucune condamnation Civile »:
Attendu que le jugement d'appel attaqué énonce dans son dispositif: « sur la responsabilité Civile, condamne Le Phoenix Assurance Ak Ao, comme substitué à la responsabilité de son assurée la Société Savoyarde d'Entreprises, au paiement des indemnités ci-après. », puis déclare condamner aux dépens « le prévenu Driss ben Abdellah et le Civilement responsable, la Société Savoyarde d'Entreprises substituée par la compagnie Le Phoenix » ;
Attendu qu'en dépit de lacunes regrettables, ces énonciations combinées révèlent sans ambiguïté que la compagnie demanderesse a été condamnée en tant qu'assureur substituant la Société Savoyarde d'Entreprises, retenue comme Civilement responsable du prévenu Driss ben Abdellah, que l'existence et la validité du contrat d'assurance souscrit par la Société Savoyarde d'Entreprises n'ayant jamais été contestées, le moyen de la compagnie d'assurances n'ayant jamais été contestées, le moyen de la compagnie d'assurances Le Phoenix s'avère inopérant, alors qu'en application des dispositions de l'article 2, alinéa 4, du dahir du 8 juillet 1937, l'assureur est seul débiteur dans les limites de sa garantie;
PAR CES MOTIFS
Rejette les pourvois.
Président: M.Deltel. - Rapporteur: M, Mendizabal. - Avocat général: M.Ruolt. Avocats: MM.George Lévy, Al Ai Af.f.
Observations
I -Sur le premier point. - aux termes de l'art.638c. proc. pén.: « lorsque le dossier d'une procédure non encore définitivement jugée a été détruit, enlevé ou égaré, il est procédé à sa Reconstitution au moyen de nouvelles expéditions des procès-verbaux constatant l'infraction, de l'enquête officieuse et des doubles prévus à l'article 86 ».
En l'espèce, les demandeurs avaient, à la suite de la perte de l'original d'un procès-verbal, donné leur accord pour que soit versée au dossier, en leur présence, une photocopie non contestée de ce procès-verbal, détenue par l'avocat de la partie Civile.
Les juges du fond avaient donc pu fonder leur conviction sur cette photocopies et les moyens de cassation des demandeurs, tirés de la violation de l'art.638 susvisé, n'étaient pas fondés.
Il a déjà été jugé, en ce qui concerne la force probante des photocopies:
- qu'une photocopie peut constituer la preuve d'un testament lorsque, par suite d'un cas de force majeure, il est impossible d'en produire l'original ( Civ.23 oct.1951, D.1951.769, rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 27 juil.1943, J.C.P.1944.II.27 et la note de M.Pierre Voirin), ou celle d'un aveu écrit de paternité naturelle, lorsque l'original a été volontairement détruit (Civ.20 juil.1953, J.C.P.1953.II.7813 et la note de M. Ac AgA Ag);
- qu'en présence d'une demande en validation d'un testament verbal d'un déport é les juges du fond, pour y faire droit peuvent fonder leur décision sur une photocopie d'une attestation d'un compagnon de cellule certifiant que le déporté, dans l'impossibilité d'écrire, lui avait déclaré ses
dernières volontés et indiquant leur contenu, alors que la femme exhérédée avait, comme ses adversaires, communiqué la photocopie aux juges et que cette production impliquait qu'elle acceptait que le document fut pris en considération et qu'elle admettait par la même sa conformité à l'original. La Chambre Civile a jugé que la Cour d'appel avait pu faire état de cette photocopie et déclarer que la production de l'original devenait sans intérêt alors d'ailleurs que l'arrêt constatait que la photocopie était celle d'un original portant les signatures dont l'absence était alléguée (Civ.21 avr.1959, D.1959.521 et la note de M. Ab Ar, S.1960.34 et la note de M. An Aj).
Cet arrêt du 21 avr.1959, écrit M. Ab Ar, « n'exige même plus, pour que la photocopie dispense de la production de l'original, que celui-ci soit détruit ou détérioré; il suffit que celui à qui on l'oppose ait participé à sa communication ou à sa production: il y a alors un aveu qui supplée à l'original.La photocopie paraît ainsi avoir un double rôle; une preuve et une dispense de titre.La force probante de la photocopie est double: une présomption, et un aveu qu 'elle peut provoquer ».
Sur les questions posées par la production de photocopies en justice, v. Aa Am, la théorie des preuves et techniques modernes de reproduction des
documents rev.trim.dr.com.1948.609; Carel, Les modes de preuve au Xxe siécle.Gaz.Pal.19571.doctr.p.32; Réppr.Civ., V° Preuve, par Ad Ae, n°s 184, 189 à 192.
Le tribunal de la Seine (31 oct. 1952, J.C.P.1953.II.3767) a décidé que les registres d'état Civil Reconstitués par le procédé de la photocopie ont la force probante d'un original et suppléent, après vérification de la fidélité de la copie, au double usagé inutilisable. (V., sur ce point, Ac Ah, La Reconstitution des registres usagés de l'état Civil par le procédé photocopie, J.C.P.1953.1.1071°.
I. - Sur le deuxième point.- v. la note (II) sous l'arrêt n°1007 du 25 janv.1962.
II.- Sur le troisième point. - sur la notion d'intérêt, v. la note (1) sous l'arrêt n°726 du 27 oct.1960, Rec.Crim.t.2.21.
IV. - Sur le quatrième point. - aux termes des al.1er et 2 de l'art.2 DH.8 juil.1937, mod.dh.27 janv.1941 et 23 mai 1942: « S'il y a assurance, l'assurance est substitué de plein droit à l'assuré, dans les limites de la garantie prévue au contrat, pour le paiement des indemnités ou des rentes allouées aux voyageurs transportés, aux tiers ou à leurs ayants droit et de tous autres frais résultant de l'accident »
« Dans le cas où une juridiction Civile ou pénale est saisie d'une action en dommage-intérêts, l'assureur doit être obligatoirement appelé en cause par le demandeur en indemnité ou, à son défaut, par l'assuré. La décision attribuant une indemnité ou une rente doit mentionner la substitution de l'assureur à l'assuré dans les limites de la garantie prévue au contrat d'assurance ».
......................................
(AL.4 3 Aucun Recours ne peut être exercé par les créanciers ou les créditeurs contre l'assuré, sauf pour la partie des indemnités ou des rentes et des frais excédant les limites de l'assurance ».


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1169
Date de la décision : 07/06/1962
Chambre pénale

Analyses

1° RECONSTITUTION DES PROCEDURES OU DECISIONS JUDICIAIRES DETRUITES OU DISPARUES - Dossier égaré - Nouvelle expédition des procès-verbaux demandée mais non encore reçue-Jonction au dossier d'une photocopie - Assentiment des parties ne contestant pas l'authenticité de la photocopie.2° DOMMAGES-INTERETS - Détermination de l'indemnité - Pourvois des juges du fond - Principe.3° CASSATION - Moyens irrecevables - Défauts d'intérêt -Civilement responsable et assureur condamnés en appel - Grief tiré d'un remboursement de taxe judiciaire ordonné en faveur des parties Civiles.4° ASSURANCES TERRESTRES - Substitution de l'assureur - Grief pris de la condamnation directe de l'assureur - Grief inopérant.

1° En cas de perte de l'original d'un procès-verbal, les juges du fond qui joignent au dossier, en présence et avec l'assentiment des parties, une photocopie de ce procès-verbal détenue par l'avocat de la partie Civile, ne violent pas l'article 638 du Code de procédure pénale et peuvent fonder à bon droit leur conviction sur cette photocopie dés lors que son authenticité n'est pas contestée.2° L'indemnité réparatrice du préjudice résultant d'un délit est, dans les limites de conclusions de la partie Civile, souverainement appréciée par les juges répressifs qui ne sont tenus ni de justifier leur condamnation indemnitaire par des motifs spéciaux ni d'en spécifier les bases.3° le Civilement responsable et l'assureur dés lors qu'ils sont tenus au paiement des frais comme parties succombantes, ne peuvent, faute d'intérêt, se prévaloir du remboursement de la taxe judiciaire qui, même ordonné à tort en faveur de la partie Civile, n'est pas de nature à leur faire personnellement grief.4° l'assureur étant seul débiteur dans la limite de sa garantie en application des dispositions de l'article 2, alinéa 4, du dahir du 8 juillet 1937, le moyen pris par une compagnie d'assurances de ce que le jugement attaqué la condamne diRectement « comme substituée à la responsabilité de son assuré » 's'avère inopérant dés lors qu'elle n'a jamais contesté l'existence et la validité du contrat d'assurance.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-06-07;p1169 ?
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