La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/1962 | MAROC | N°C201

Maroc | Maroc, Cour suprême, 22 mai 1962, C201


Texte (pseudonymisé)
201-61/62 22 mai 1962 5428
Société «Auto Corporation» et Mutuelle Générale Française c/Goyon Henri.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 6 février 1960.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN :
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Rabat 6 février 1960) qu'Henri Goyon dont la capacité professionnelle était déjà réduite de 30% à la suite d'un accident l'ayant rendu borgne, a perdu le second oil au cours d'un accident du travail survenu le 20 septembre1955 alors qu'il était employé

par la société «Auto-corporation», assurée à la compagnie d'assurances «La Mutuelle Gé...

201-61/62 22 mai 1962 5428
Société «Auto Corporation» et Mutuelle Générale Française c/Goyon Henri.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 6 février 1960.
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN :
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt attaqué (Rabat 6 février 1960) qu'Henri Goyon dont la capacité professionnelle était déjà réduite de 30% à la suite d'un accident l'ayant rendu borgne, a perdu le second oil au cours d'un accident du travail survenu le 20 septembre1955 alors qu'il était employé par la société «Auto-corporation», assurée à la compagnie d'assurances «La Mutuelle Générale Française »; que l'incapacité en résultant a été évaluée à 70 %;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir, en violation des dispositions de l'article 3 du dahir du 25 juin 1927, appliqué la réduction légale de moitié du taux d'incapacité pour la tranche inférieure à 50 %, compte tenu de la première incapacité, alors que cet article ne prévoit ni ne permet un tel mode de calcul;
Mais attendu que l'article 3 susvisé stipule que la victime aura droit pour l'incapacité permanente à une rente égale à la rémunération annuelle multipliée par le taux d'incapacité préalablement réduit de moitié pour la partie de ce taux qui ne dépasse pas 50 %;
Attendu qu'il ne résulte pas des termes de ce texte que cette réduction ne puisse, en cas d'accident multiple, être incluse dans la tranche d'incapacité résultant d'un accident antérieur;
Qu'ayant été opéré lors du calcul de la rente relative au premier accident, elle ne peut donc l'être pour la fixation de la nouvelle rente qu'à concurrence du reliquat de la tranche du taux d'incapacité qui ne doit pas dépasser les 50% fixés par le législateur;
D'où il suit que ce nouveau motif de pur droit fourni par la procédure et l'arrêt lui-même peut être substitué par la Cour suprême aux motifs critiqués de la Cour d'appel et suffit à en justifier la décision;
SUR LE SECOND MOYEN :
Attendu qu'il est encore fait grief à la Cour d'appel d'avoir, en violation des formes substantielles de la procédure et de l'article 3 du dahir du 25 juin 1927, alloué à Ab Aa une rente annuelle de 556 566 francs alors que celui-ci n'avait demandé qu'une rente de 457 719 francs et que la notion d'ordre public ne pouvait autoriser le juge à statuer ultra petita;
Mais attendu qu'un semblable grief ne peut être soumis à la Cour suprême si, comme en l'espèce, il ne se complique pas d'une violation de la loi;
Qu'ainsi le second moyen n'est pas recevable;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
M. Hamiani.__Rapporteur : M. Zamouth.__Avocat général : M. Neigel.__Avocats : MM. Lorrain, Mélia.Premier Président :
Observations
I et II.__Les dispositions de l'art. 3 Dh. 25 juin 1927 visées par l'arrêt rapporté qui constituent désormais l'art. 83 dudit dahir tel que modifié en la forme par Dh. 6 fév. 1963 sont ainsi conçues : «La rente allouée à la victime d'une incapacité permanente de travail est égale à la rémunération annuelle multipliée par le taux d'incapacité préalablement réduit de moitié pour la partie de ce taux qui ne dépasse pas 50% et augmenté de moitié pour la partie qui excède 50% ».
Dans le cas où deux accidents du travail successifs ont chacun provoqué une incapacité permanente. Comment les juges doivent-ils appliquer au taux d'incapacité résultant du deuxième accident la réduction prévue par cet article ? Il va de soi que le résultat final est différent selon que cette réduction est opérée à partir de zéro, sans tenir compte de la première incapacité, ou au contraire à partir du taux de celle-ci : dans le premier cas en effet, c'est l'intégralité de la portion inférieure à 50% du nouveau taux qui subit la réduction de moitié tandis que dans le second c'est seulement cette portion déduction faite du taux de l'incapacité précédente. En l'espèce l'incapacité résultant du premier accident était de 30% et le taux de la seconde était de 70 %; selon le premier mode de calcul, c'est-à-dire en opérant la réduction de 0 à 50 puis la majoration de 50 à 70, le taux utile de la nouvelle incapacité était de 50-50/2 + 20 + 20/2, soit 55; selon le second mode de calcul, c'est-à-dire en opérant la réduction seulement entre 30 et 50, puis la majoration de 50 à 100, le taux utile était de 20- 20/2 + 50 + 50/2, soit 85. Le premier système aboutissait donc à un taux global de : 15% (premier accident, incapacité de 30% réduite de moitié) plus 55 %, soit au total 85%; tandis que le second procédé permettait une réparation basée sur un taux global de 100% (15+85).
L'arrêt infirmatif attaqué avait adopté la deuxième solution au motif que la première aurait eu
pour résultat de défavoriser la victime de deux accidents successifs par rapport à la victime d'un accident unique, laquelle, pour une incapacité réelle de 100 %, eût été effectivement indemnisée selon
un taux utile de 100 (50-50/2 + 50 + 50/2). L'arrêt rapporté approuve le mode de calcul de la Cour d'appel mais il substitue un motif de droit au motif d'équité sur lequel elle s'était fondée.
Sur le rejet d'un moyen de cassation par substitution de motif, v. T. I, note 5 sous l'arrêt n°75, p. 136.
III et IV.__Sur les domaines d'application respectifs du pourvoi en cassation et du recours en rétractation, v. T. I, notes III et IV sous l'arrêt n°67, p. 123.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C201
Date de la décision : 22/05/1962
Chambre civile

Analyses

1° ACCIDENT DU TRAVAIL- Rente-Rente due en cas d'incapacité permanente-Calcul en cas d'accidents successifs.2° CASSATION-Arrêt de la Cour suprême-Rejet par substitution de motif.3° CASSATION-Moyen irrecevable-Ultra petita sans violation de la loi.4° RETRACTATION-Ouverture-Ultra petita sans violation de la loi.

1° et 2° L'article 3 du dahir du 25 juin 1927 dispose qu'en cas d'incapacité permanente, lavictime d'un accident du travail a droit à une rente égale à sa rémunération annuelle multipliée par le taux d'incapacité préalablement diminué de moitié pour la partie de ce taux qui ne dépasse pas 50%. En cas d'accidents multiples, cette réduction, opérée lors du calcul de la rente afférente au premier accident, ne peut l'être pour la fixation de la nouvelle rente qu'à concurrence du reliquat de la tranche d'incapacité ne dépassant pas 50%.Ce motif de pur droit est substitué par la Cour suprême au motif erroné ou insuffisant de l'arrêt attaqué.3°et 4°Le fait de statuer ultra petita ne donne pas ouverture à cassation (mais à rétractation) lorsqu'il n'est pas accompagné d'une violation de la loi.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-05-22;c201 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award