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19/04/1962 | MAROC | N°P1108

Maroc | Maroc, Cour suprême, 19 avril 1962, P1108


Texte (pseudonymisé)
Cassation par voie de retranchement et sans renvoi , en ses seules dispositions Civiles, sur le pourvoi formé par Ak Ai et la compagnie d'assurances la Providence Marocaine, du jugement rendu le 20 novembre 1961 par le tribunal régional de Tanger qui a condamné Temistet à la peine de 50 dirhams d'amende avec sursis pour blessures involontaires et, aprés avoir partagé par moitié entre Temistet et Ac Af Aa la responsabilité de l'accident de la circulation, a condamné conjointement et solidairement Temistet et la Providence Marocaine à payer à Ac Af Aa, partie Civile, la somme de 11.30

4, 18 dirhams à titre de dommages-intérêts.
19 avril 1962 ...

Cassation par voie de retranchement et sans renvoi , en ses seules dispositions Civiles, sur le pourvoi formé par Ak Ai et la compagnie d'assurances la Providence Marocaine, du jugement rendu le 20 novembre 1961 par le tribunal régional de Tanger qui a condamné Temistet à la peine de 50 dirhams d'amende avec sursis pour blessures involontaires et, aprés avoir partagé par moitié entre Temistet et Ac Af Aa la responsabilité de l'accident de la circulation, a condamné conjointement et solidairement Temistet et la Providence Marocaine à payer à Ac Af Aa, partie Civile, la somme de 11.304, 18 dirhams à titre de dommages-intérêts.
19 avril 1962
Dossiers nos 9522 et 9522 bis
La Cour,
SUR LE MOYEN DE CASSATION, en ses deux branches, pris par les demandeurs de la violation des articles 288, 292 et 294 du Code de procédure pénale, dénaturation des faits de la cause, violation des articles 23 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 et 2 de l'arrêté du 6 février 1953, en ce que le jugement a accueilli et retenu le témoignage de Ag Ab à la charge de l'inculpé, notamment en ce qui concerne la vitesse de la voiture.
Attendu, en ce qui concerne la première branche du moyen, qu'en matière d'accident de la circulation rien n'interdit aux tribunaux de faire prévaloir la preuve testimoniale sur les constatations de procès-verbaux de police qui font seulement foi jusqu'à preuve contraire ou comme simple renseignement suivant qu'ils émanent ou non d'un officier de police judiciaire; que d'autre part le fait qu'un témoin ne se soit pas fait connaître au moment de l'accident ne suffit pas à faire écarter ses déclarations, dont il appartient aux juges du fond d'apprécier la sincérité; que dés lors les demandeurs ne sauraient faire grief au tribunal régional de Tanger d'avoir retenu le témoignage de Ag Ab;
Attendu ; en ce qui concerne la seconde branche du moyen, qu'il ressort de la décision attaquée que les juges d'appel ont simplement déduit de ce témoignage que la vitesse de la voiture de Temistet était excessive eu égard aux conditions de la circulation dans un carrefour, sans pour autant admettre que cette vitesse était celle de soixante kilomètres à l'heure indiquée par le témoin; qu'en conséquence s'avère inopérante l'argumentation fondée par les demandeurs sur les indications du tableau annexé à l'arrêté du diRecteur des travaux publics du 6 février 1953, alors au surplus que ce tableau a pour seul objet de fixer la distance maxima dans laquelle un véhicule doit être en état de s'arrêter, à une vitesse déterminée;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
SUR LE MOYEN DE CASSATION, pris par les demandeurs du "manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, violation de l'article Il de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 sur la police de la circulation et du roulage (droit de priorité), en ce que le jugement a retenu contre l'inculpé le fait de ne pas avoir regardé à droite ou à gauche avant de s'engager dans un carrefour, alors qu'au contraire la voiture avait fini de traverser le carrefour:
Attendu qu'il n'est pas justifié que le tribunal régional ait été saisi de conclusions régulières;
que les circonstances de fait de l'accident ne peuvent, à l'aide d'éléments pris en dehors de la décision attaqué, être remises en question devant la Cour suprême qui ne constitue pas un troisième degré de juridiction ; que les juges d'appel, qui ont constaté que la collision s'était produite dans un carrefour où Temistet bénéficiait de la priorité de passage, ont pu, sans violer la loi, retenir toutefois à la charge de ce prévenu une méconnaissance de la disposition de l'article 11 (alinéa premier) de l'arrêté viziriel du 4 janvier 1953 imposant à tout conducteur abordant une croisée de chemins l'obligation de vérifier que la voie est libre.
Qu'ainsi le moyen doit être rejeté ;
SUR LE MOYEN DE CASSATION, préalable aux autres moyens des demandeurs, et pris d'office de la violation des dispositions des articles 63 (alinéa premier) du dahir du 17 janvier 1961, 6
et 25 du titre premier de l'annexe I du Code de procédure Civile de Tanger, et 393, 1°, du Code procédure pénale:
Vu lesdits articles, et notamment l'article 63 (alinéa premier) du dahir susvisé aux termes duquel: "En cas de citation diRecte devant la juridiction pénale le jugement par la partie Civile, elle ci doit acquitter, à peine d'irrecevabilité de sa demande, la taxe qu'elle aurait payée si elle avait saisi la juridiction Civile".
Attendu que ce texte d'ordre public, publié au Bulletin Officiel du 3 février 1961, était immédiatement applicable sur l'ensemble du Royaume, à toutes les procédures introduites après son entrée en vigueur; qu'en matière de citation diRecte l'acte introductif de la procédure est, non la requête déposée au greffe par la partie Civile, mais la citation délivrée au prévenu, qui seule saisit la juridiction de jugement en vertu des dispositions de l'article 393, 1°, du Code de procédure pénale ;
Attendu que de la décision du premier juge il ressort que la citation avait été délivrée le 7 mars 1961 au prévenu Temistet, et qu'ainsi la demande de la partie Civile Ac Af Aa se trouvait, par l'effet de l'article 63 précité, soumise à peine d'irrecevabilité au paiement de la taxe qui eût été exigible devant la juridiction Civile;
Attendu en conséquence qu'en négligeant la date de la citation du prévenu, et en prenant en considération là date du dépôt de la requête de Ac Af Aa, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité pour défaut de paiement de taxe qui était expressément soulevée contre la demande de cette partie Civile, le tribunal régional de Tanger a violé les textes visés au moyen ;
Qu'il échet dès lors d'annuler le jugement d'appel. attaqué, en ses dispositions ayant statué sur la demande de la partie Civile ; que, faute d'avoir été assortie du paiement de la taxe exigible, cette demande se trouvant irrecevable devant les juridictions pénales, il n'y a pas lieu à renvoi ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens des demandeurs qui concernent les dispositions d'ordreCivil du jugement attaqué,
Casse et annule entre les parties au présent arrêt, par retranchement et sans renvoi, le jugement
du tribunal régional de Tanger du 20 novembre 1961 en ses seules dispositions Civiles, les autres dispositions demeurant expressément maintenues.
Président: M. Al. - Rapporteur: M. Am. - Avocat général M.Ruolt. - Avocats MM. Jayet, Barnada Rich.
Observations
I.- Sur le premier point.-aux termes de l'art.291 C.proc.pén."les procès-verbaux ou rapports dressés par les officiers de police judiciaire et les militaires de la gendarmerie pour constater les délits et les contraventions font foi jusqu'à preuve contraire" et l'art.19 Dh.19 janv.1953, sur la police de la circulation et du roulage, prévoit que " les procès-verbaux dressés en vertu (de ce) dahir font foi jusqu'à preuve contraire".
I - Sur le deuxième point -.v. la note (II) sous l'arrêt n°959 DU 30 nov.1961.
II - Sur le troisième point. - V. le texte de l'al.1er de l'art.11 Arr.viz.24 janv.1953 dans la note (1) sous l'arrêt n°1042 du 22 févr.1962.
le bénéficiaire du droit de priorité doit se conformer aux obligations de prudence édictées par le Code de la route et les fautes qu'il commet engagent sa responsabilité.
Il y a lieu à partage de la responsabilité d'un accident lorsque le prioritaire, en abordant la carrefour,:
- n'a pas vérifié que la voie était libre (arrêt ci-dessus rapporté ; Civ.20 mai 1935, D.P.1935.1.394? Gaz.Pal.1935.2.187 ; 14 déc.1961, Bull.cass.1961.2.614) ;
-n'a pas annoncé son approche (Crim.2 mai 2 mai 1929, D.H.1929.348 ; 22 févr.1934, D.H.1934.182 ; 23 déc.1938 ; Gaz.pal.1939.1.311 ; 1er mai 1939, D.H.1939, 385) ;
- n'a pas serré sur sa droite (Crim.10 fécr.1933, Gaz.pal.19331.826 ; 22 févr.1934, D.H.1934.182);
- circulait à une vitesse excessive (Arrêt n°694 du 7 juil.1960, Rec.Crim.t.1.324; Crim.4 mai 1934, Gaz.pal.1934.2.133 ; 4 nov.1953, D.1953.734 ; Civ.13 déc.1961, Buli.Cass.1961.2.607. 14 D2C.1961, ibid.614 ; 19 janv.1962, D.1962.398)
Sur le droit de priorité, v. notamment: André Perraud-Charmantier, La priorité de passage (1952) ; Du droit de priorité de passage ; Essai de mise au point synthétique, Gaz.Pal.1956.2, doctr.p.32 ; De la condition essentielle de l'arrivée simultanée ou quasi-simultanée à l'intersection en matière de priorité de passage, Gaz.Pal.1958.2, doctr.p.35 ; An Ah, De la priorité de passage aux bifurcations, croisées de chemins et carrefours, D.1952, Chron.13. Jacques Prévault, La priorité de passage sur les voies protégées par le signal " Stop", D.1959.115. Les dépassements à un carrefour par un véhicule prioritaire sue une voie à grande circulation , D.1960.215 ; Le droit de priorité sur les voies à grande circulation, D.1960.422. Places publiques et droit de priorité, D.1960.475 ; Aj Ad, Le droit de priorité selon le nouveau Code de la route et la jurisprudence, RépCommaille 1954.1.145 ; Ao Ae, La priorité de passage, J.C.P.1961.1.1603 ; Mazeaud, t.3, n°1472-2.
IV.- Sur les quatrième, cinquième et sixième point. - Aux termes de l'art.393 C.proc.pén.: "Le tribunal est saisi: "
" 1° par la citation diRecte que le ministère public ou la partie Civile délivre au prévenu et, s'il y a lieu, aux personnes Civilement responsables ; ."
Antérieurement à la mise en vigueur du Dh.17 janv.1961, la Chambre Criminelle, par arrêts n°s 147, 149, 151 et 153 du 11 déc.1958, avait jugé qu'à Tanger la partie Civile n'était tenue au paiement préalable d'aucune taxe judiciaire.
Mais en l'espèce la requête de la partie Civile avait été enregistrée au tribunal du sadad de Tanger le 28 déc.1960 et la citation, établie le 21 janv.1961, avait été délivrée le 7 mars 1961, postérieurement à la publication, au Bulletin Officiel du 3 févr.1961, du Dh.17 janv.1961 dont l'art.63 prescrivait, en cas de citation diRecte devant la juridiction pénale de jugement par la partie Civile, que cette dernière devait acquitter, à peine d'irrecevabilité de sa demande, la taxe judiciaire qu'elle aurait payée si elle avait saisi la juridiction Civile.
La citation délivrée le 7 mars 1961 était donc soumise à peine d'irrecevabilité de la demande de la partie Civile au paiement de cette taxe.
V. - Sur le septième point. - V. la note (III) sous l'arrêt n°1016 du 1er févr.1962.
___


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1108
Date de la décision : 19/04/1962
Chambre pénale

Analyses

1° CIRCULATION - Preuve des infractions - Procès-verbal - Témoignage. 2° CASSATION - Moyens irrecevables - Pouvoirs respectifs des juges du fond et de la Cour Suprême - Constatation des faits. 3°CIRCULATION - Priorité - Faute du prioritaire - Partage de responsabilité.

4°FRAIS ET DEPENS - Taxe judiciaire due par la partie Civile - Défaut de paiement - Irrecevabilité de la demande.5°CASSATION - Ouvertures à cassation - Violation de la loi. 6°JUGEMENTS ET ARRETS - Violation de la loi - Taxe judiciaire due par la partie Civile. 7°CASSATION - Arrêts de la Cour suprême - Cassation sans renvoi -ActionCivile irrecevablepour défaut de paiement de la taxe judiciaire.

1° En matière d'accident de la circulation, rien n'interdit aux tribunaux de faire prévaloir la preuve testimoniale sur les constatations de procès-verbaux de police qui font seulement foi jusqu'à preuve contraire ou comme simple renseignement suivant qu'ils émanent ou non d'un officier de police judiciairele fait qu'un témoin ne se soit pas fait connaître au moment de l'accident ne suffit pas à faire écarter ses déclarations dont il appartient aux juges du fond d'apprécier la sincéritéLes circonstances de fait d'un accident de la circulation, constatées par les juges du fond, ne peuvent, à l'aide d'éléments pris en dehors de la décision attaquée, être remises en question devant la Cour suprême qui ne constitue pas un troisième degré de juridiction.2°3° les juges du fond, qui constatent qu'un prioritaire n'a pas, à un carrefour, vérifié que la voie était libre, peuvent sans violer la loi retenir à sa change une méconnaissance de l'alinéa 1er de l'article 11 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 et procéder en conséquence à un partage de la responsabilité de l'accident

4°à 6° L'article 63, alinéa 1er, du dahir du 17 janvier 1961 réglementant les frais de justice en matière pénale prescrit qu'en ((cas de citation diRecte devant la juridiction pénale de jugement par la partie Civile, celle-ci doit acquitter, à peine d'irrecevabilité de sa demande, la taxe qu'elle aurait payée Si elle avait saisi la juridiction Civile"Ce texte d'ordre public, publié au Bulletin Officiel du 3 février 1961, a été immédiatement applicable sur l'ensemble du Royaume à toutes les procédures introduites après son entrée en vigueur.En matière de citation diRecte l'acte introductif de la procédure est, , non la requête déposée au greffe par la partie Civile, mais la citation délivrée au prévenu, qui seule saisit la juridiction de jugement en vertu des dispositions de l'article 393, 1°, du Code de procédure pénale.Une citation délivrée le 7 mars 1961 à un prévenu se trouvait donc, par l'effet de l'article 63 précité, soumise à peine d'irrecevabilité de la demande au paiement de la taxe judiciaire qui eût été exigible devant la juridiction Civile.En conséquence, viole les textes susvisés le tribunal qui, pour rejeter l'exception d'irrecevabilité tirée du défaut de paiement de la taxe judiciaire qui était expressément soulevée contre la demande de la partie Civile, néglige la date de la citation du prévenu et prend en considération la date du dépôt de la requête de cette partie Civile.7° Il n'y a pas lieu à renvoi, après cassation du jugement en ses dispositions ayant statué sur cette demande de partie Civile, puisqu'elle se trouve irrecevable devant les juridictions pénales faute d'avoir été assortie du paiement de la taxe judiciaire.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-04-19;p1108 ?
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