La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/1962 | MAROC | N°P1042

Maroc | Maroc, Cour suprême, 22 février 1962, P1042


Texte (pseudonymisé)
Rejet des pourvois formés par Ah Ac Ab Ag la compagnie de transports Ae Af et la compagnie Royale marocaine d'assurances contre un jugement du 2 mars 1961 par lequel le tribunal de première instance de Casablanca a confirmé un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 4 avril 1960 qui avait condamné Ah Ac Ab Ag et Ad Ai pour infractions à la police de la circulation, homicide et blessure involontaires et alloué des indemnités définitives ou provisionnelles aux parties civiles.

22 février 1962
Dossier n°s 8426, 8427 et 8428
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CA

SSATION, pris de la « violation des articles 393 et 398 du Code de procé...

Rejet des pourvois formés par Ah Ac Ab Ag la compagnie de transports Ae Af et la compagnie Royale marocaine d'assurances contre un jugement du 2 mars 1961 par lequel le tribunal de première instance de Casablanca a confirmé un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 4 avril 1960 qui avait condamné Ah Ac Ab Ag et Ad Ai pour infractions à la police de la circulation, homicide et blessure involontaires et alloué des indemnités définitives ou provisionnelles aux parties civiles.

22 février 1962
Dossier n°s 8426, 8427 et 8428
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la « violation des articles 393 et 398 du Code de procédure pénale auxquels renvoie l'article 419 sur la saisine du tribunal, défaut et contradiction de motifs, insuffisance de motifs, manque de base légale, méconnaissance et dénaturation des faits, fausse interprétation de la loi, en ce que le jugement attaqué a retenu à l'encontre de l'inculpé Ajib la faute de circulation sur la partie gauche de la chaussée alors que la prétendue faute de circulation à gauche d'Ajib ne pouvait être retenue comme base de la condamnation ni en droit, ni en fait; en droit: parce que le tribunal était lié par la citation et que l'inculpation de circulation non réglementaire à gauche (article 6, paragraphe 4, du Code de la route) n'était pas contenus dans cette citation - la seule infraction au Code de la route reprochée étant celle du défaut de précaution au carrefour (article 11 du Code de la route); en fait: le jugement ne précise pas à quelle distance des bordures de la chaussée circulait Ajib, de sorte que la cour de cassation n'a pas ainsi le moyen de contrôler la réalité du reproche de circulation irrégulière à gauche »:
Attendu qu'il était reproché à Ah Ac Ab Ag d'avoir « abordé un carrefour sans prendre les précautions suffisantes »; que cette infraction est prévue par l'article 11 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 sur la police de la circulation et du roulage, qui impose à tout conducteur de véhicule abordant une bifurcation ou une croisée de chemins non seulement d'annoncer son approche, de vérifier que la voie est libre, de marcher à une allure modérée, mais aussi de serrer sur sa droite;
Attendu en conséquence qu'en retenant contre Ah Ac Ab Ag, le fait d'avoir circulé sur la partie gauche de la chaussée alors qu'il allait franchir un carrefour, le jugement de première instance confirmé par la décision attaqué, loin d'avoir retenu à l'encontre du prévenu une infraction non visée par la prévention a au contraire statué sue celle dont le tribunal était saisi;
Attendu d'autre part qu'il est indifférent en la cause de savoir à quelle distance exacte des bords de la chaussée se trouvait le véhicule conduit par Ah Ac Ab Ag, la simple constatation du fait que celui-ci circulait sur la partie gauche de la chaussée alors qu'il allait franchir le carrefour où a eu lieu l'accident, permettant suffisamment de contrôler la légalité de la décision intervenue sur l'infraction;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli;
SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, pris de la « violation des articles 319 et 320 du Code pénal (blessures et homicide involontaires), 11 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 relatif à la police de la circulation et du roulage, 189 du dahir du 12 août 1913 sur la procédure civile, 347 et 352 du Code de procédure pénale (motivation des jugements); défaut et contradiction de motifs, insuffisance de motifs équivalant au défaut de motifs, manque de base légale, méconnaissance et dénaturation des faits, fausse interprétation de la loi, en ce que le jugement attaqué a retenu à l'encontre de l'inculpé Ajib une part de responsabilité en estimant par ailleurs cette part égale à celle de l'autre inculpé, aux motifs qu'Ajib aurait commis la faute d'allure excessive en abordant un carrefour n'offrant aucune visibilité sur la gauche, cette allure résultant d'après le jugement des deux éléments suivants: violence du choc, importance des dommages matériels causés aux deux véhicules alors que d'une part, la prétendue faute de vitesse excessive au carrefour ne pouvait non plus être retenue à l'encontre d'Ajib puisque: 1° le camion d'Ajib a été heurté en fait alors qu'il n'avait pratiquement pas abordé le carrefour, 2° les prétendues preuves de cette vitesse n'étaient que des déductions erronées:
la « violence du choc » étant imputable théoriquement aussi bien à la vitesse du véhicule de Guyot et d'autre part au fait que le camion d'Ajib, ayant eu sa roue droite coincée par le véhicule de Guyot, l'action du freinage imprimée par Ajib n'a pas joué, ce qui a entraîné un deuxième choc du camion contre une pile de matériaux et que d'autre part, la cause initiale déterminante et génératrice de l'accident étant la double faute de Guyot d'inobservation du droit de priorité d'Ajib avec omission de toutes précautions obligatoires au carrefour il était illogique en tout état de cause d'imputer la même part de responsabilité au prioritaire de droite compte tenu de ce que les fautes imputées au prioritaire n'étaient nullement évidentes et n'étaient admises que sur la base de déductions hasardeuses »:
Attendu que le jugement de première instance du 4 avril 1960 confirmé par la décision attaqué constate expressément que la collision entre les véhicule conduits par Guyot et Ajib est survenue «dans une croisée de chemins » située dans l'enceinte du port de Casablanca et qu'au moment où il allait franchir ce carrefour le véhicule d'Ajib circulait à une allure excessive démontrée par la violence du choc et par les dégâts subis par les deux véhicules;
Attendu qu'en l'état de ces constatations souveraines non contradictoires entre elles, et qui ne sauraient être remises en question devant la juridiction de cassation à l'aide d'élément pris en dehors de la décision attaquée, les juges du fond qui ont également retenu à la charge d'Ajib le fait d'avoir en abordant le carrefour où a eu lieu l'accident circulé sur la partie gauche de la chaussée, ont pu sans violer aucune disposition légale attribuer à ce prévenu une part de responsabilité de l'accident, par dont l'évaluation échappe au contrôle de la Cour suprême;
Qu'en conséquence, le moyen doit être rejeté;
SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION, pris de la « violation des articles 386, 406
du Code de procédure pénale, 7 du dahir du 25 juin 1927 sur la réparation des accidents du travail, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions, en ce que le jugement attaqué a dit n'y avoir lieu de répondre aux conclusions des demandeurs tendant à l'irrecevabilité des demandes des parties civiles tirée des dispositions du dahir du 25 juin 1927 sur la réparation des accidents du travail, au motif qu ces demandes avaient déjà été déclarées régulières et recevables par un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 20 mai 1959 alors que ce jugement avant dire droit sur l'indemnisation des parties civiles et qui n'avait d'ailleurs statué sur la recevabilité en la forme de leurs demandes que par une simple formule de style et sans motivation ne pouvait par application des articles 386 et 406 susvisés faire l'objet d'un appel et que, s'agissant de la violation de dispositions d'ordre public, le moyen d'irrecevabilité devait en tout état de cause être relevé d'office »
Attendu que, pour rejeter l'exception que les actuels demandeurs au pourvoi opposaient aux demandes d'indemnisation de Merulla et des parents de Aj en les prétendant irrecevables comme formées en violation de la législation sur la réparation des accidents du travail, le tribunal de paix de Casablanca-Sud, constatant que les victimes Merulla et Aj étaient de nationalité italienne et inscrits maritimes dans leur pays d'origine a, par jugement du 20 mai 1959, déclaré qu'en exécution de l'article 1er (dernier alinéa) du dahir du 9 juillet 1945 les dispositions du dahir du 25 juin 1927 sur la réparation des accidents du travail n'étaient pas applicables en la cause, et qu'en conséquence les demandes d'indemnisation déposées par Merulla et les parents de Aj se trouvaient recevables;
Attendu que s'étant ainsi expressément prononcé par son jugement pertinemment motivé du 20 mai 1959 qui épuisait sa saisine sur ce point, c'est à bon droit que le tribunal de paix a, par jugement du 4 avril 1960, déclaré n'y avoir lieu de statuer sur les conclusions par lesquelles les actuels demandeurs n'hésitaient pas à exciper à nouveau de la même prétendue irrecevabilité;
Attendu que, l'appel du jugement sur le fond du 4 avril 1960 permet tant aux appelants de faire valoir leurs griefs contre le jugement avant dire droit du 20 mai 1959 les juges d'appel, qui pris soin d'énoncer que « le premier juge a fait une saine appréciation des faits de la cause et des droits des parties, et une juste application de la loi » ont par cette appropriation absolument compléte de motifs confirmé les deux jugements de première instance, et, reprenant ainsi à leur compte l'argumentation que le jugement avant dire droit du 20 mai 1959 avait fondée sur l'article 1er du dahir du 9 juillet 1945, ont suffisamment répondu aux conclusions par lesquelles les appelants, reprenant leurs conclusions de première instance, soulevaient une nouvelle fois la même exception d'irrecevabilité des demandes des parties civiles.
D'où il suit que le moyen qui manque partiellement en fait, est en outre mal fondé;
PAR CES MOTIFS
Rejette les pourvois.
Président: M.Deltel.-Rapporteur: M.Zehler. - Avocat général: M. Aa. - Avocats:MM.Benzekri, Machwitz, ravotti, de traversay.
Observations
- Sur le premier point. - aux termes de l'al.1er de l'art.11 arr.viz.24 janv.1953: « tout conducteur de véhicule ou d'animaux abordant une bifurcation ou une croisée de chemins doit annoncer son approche, vérifier que la voie est libre, marcher à une allure modérée et serrer sur sa droite, surtout aux endroits où la visibilité est imparfaite ».
L'inobservation, par un conducteur de véhicule qui aborde un carrefour, d'une seule des quatre obligations mises à sa charge suffit à caractériser l'infraction prévue par l'art.11.
Lorsque la responsabilité d'un dommage incombe à la fois à l'auteur et à la victime, il y a lieu
de procéder à un partage de responsabilité suivant la gravité des fautes commises (v. l'arrêt n°694 du 7 juil.1960, Rec.Crim.t.1.324, la note (III) et les références citées). La proportion d'après laquelle doivent être réparties les conséquences du dommage relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Crim.24 oct.1935, D.H.1935.527; 10 janv.1936, D.H.1936.151).
II.- Sur le deuxième point. - Le dahir du 9 juil.1945 , mod.Dh.29 oct.1945 , prévoit dans son art.1er que: « le bénéfice des dispositions du dahir.du 25 juin 1927 est étendu au personnel , y compris les mousses et novices , employés à la marche , à la conduite , à l'entretien ou à l'exploitation des navires , bâtiment, et embarcations nationalisés marocains ci-après.".
« son exclus du champ d'application du présent dahir les marins qui sont inscrits maritimes dans les pays dont il sont ressortissants ».
III - Sur les troisième et quatrième points. - dans son jugement avant dire droit du 20 mai 1959,
le tribunal de paix avait tranché la question de la recevabilité des constitutions de partie civile au regard de l'application de la loi marocaine relative à la réparation des accidents du travail. La même exception d'irrecevabilité ayant été réitérée, le tribunal avait, dans son jugement sur le fond du 4 avril 1960, refusé d'y répondre au motif que « les conclusions de partie civile avaient été déclarées régulières et recevables par le jugement avant dire droit du 20 mai 1959 ».
Sur appel, le tribunal de première instance de Casablanca, saisi de nouvelles conclusions tendant aux mêmes fins, avait, par une appropriation compléte de motifs, confirmé tant le jugement avant dire droit du 20 mai 1959 que le jugement sur le fond du 4 avr.1960.
Il avait par là même suffisamment répondu aux nouvelles conclusions déposées devant lui et le moyen de cassation pris de l'omission de statuer devait être rejeté.
______


Synthèse
Numéro d'arrêt : P1042
Date de la décision : 22/02/1962
Chambre pénale

Analyses

1° CIRCULATION - Bifurcation ou croisée de chemins - Obligations du conducteur - Infraction - Constatations suffisantes - Partage de la responsabilité de l'accident.2° Accident du travail - Conditions d 'application du dahir du 25 juin 1927 - personnes protégées - Italien inscrit maritime dans son pays - Législation relative à la réparation des accidents du travail inapplicable - Recevabilité de l'action civile intentée selon le droit commun.3° Cassation - Ouvertures à cassation - Omission de statuer.4° Jugement et arrêts - Omission de statuer - Conclusions des parties - Rejet - Réitération devant le même tribunal - non-lieu à statuer justifié - Reprise des conclusions en appel - Confirmation des décisions de première instance - Motivation suffisante.

1° l'article 11, alinéa 1er, de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953 impose à tout conducteur de véhicule abordant une bifurcation ou une croisée de chemin non seulement d'annoncer son approche, de vérifier que la voie est libre, de marcher à une allure modérée, mais aussi de serrer sur sa droite.En conséquence, c'est sur l'infraction à l'article 11 dont il était saisi par la prévention que statue le tribunal qui retient à l'encontre d'un prévenu le fait d'avoir circulé sur la partie gauche de la chaussée alors qu'il allait franchir un carrefour.Il est indifférent de savoir à quelle distance exacte des bords de la chaussée se trouvait le véhicule du prévenu, la simple constatation du fait qu'il circulait sur la partie gauche de la chaussée alors qu'il allait franchir le carrefour où a eu lieu l'accident permettant suffisamment de contrôler la légalité de la décision réprimant l'infraction.Le tribunal qui constaté que la collision de deux véhicules est survenue « dans une croisé de chemins », et qu'au moment où il allait franchir ce carrefour, le prévenu circulait, sur la partie gauche de la chaussée, à une allure excessive démontrée par la violence du choc et par les dégâts subis par les deux véhicules, peut sans violer aucune disposition légale, attribuer à ce prévenu une part de responsabilité de l'accident, dont l'évaluation échappe au contrôle de la Cour suprême.2° En application de l'article 1er, dernier alinéa, du dahir du 9 juillet 1945, la législation relative à la réparation des accidents du travail n'est pas applicable à un Italien inscrit maritime dans son pays d'origine.L'action civile que cette victime intente selon le droit commun est, par suite recevable.3° et 4° lorsque tribunal, dans un jugement avant dire droit , rejeté une exception d'irrecevabilité de constitution de partie civile est qu'il a ainsi, sur ce point, épuisé sa saisine, il peut, si la même exception est à nouveau soulevée devant lui, déclarer n'a avoir lieu à statuer.La juridiction du second degré qui confirme, par une appropriation absolument complète de motifs, les deux jugement de première instance, répond elle-même suffisamment aux conclusions par lesquelles l'exception d'irrecevabilité a été réitérée en appel.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-02-22;p1042 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award