La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/01/1962 | MAROC | N°P981

Maroc | Maroc, Cour suprême, 04 janvier 1962, P981


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur le pourvoi formé par la compagnie d'assurances L'Urbaine et la Seine contre un jugement rendu le 15 décembre1960 par le tribunal de première instance de Casablanca qui, après avoir rejeté les exceptions de non-assurance et de nullité du contrat par elle soulevées, l'a substituée pour le paiement des condamnations civiles prononcées contre B Ae.e.
4 janvier 1962
Dossier n°8423
La Cour,
SUR LES DEUX MOYENS DE CASSATION REUNIS , pris de la violation des articles 289 et 352 du Code de procédure pénale, 230 et 231 du dahir des obligations et contrats, et 21 de

l'arrêté viziriel du 28 novembre1934, Défaut de motif, manque de base l...

Cassation sur le pourvoi formé par la compagnie d'assurances L'Urbaine et la Seine contre un jugement rendu le 15 décembre1960 par le tribunal de première instance de Casablanca qui, après avoir rejeté les exceptions de non-assurance et de nullité du contrat par elle soulevées, l'a substituée pour le paiement des condamnations civiles prononcées contre B Ae.e.
4 janvier 1962
Dossier n°8423
La Cour,
SUR LES DEUX MOYENS DE CASSATION REUNIS , pris de la violation des articles 289 et 352 du Code de procédure pénale, 230 et 231 du dahir des obligations et contrats, et 21 de l'arrêté viziriel du 28 novembre1934, Défaut de motif, manque de base légale, violation de la loi et dénaturation de la convention :
Attendu d'une part qu'en application de l'article 21 de l'arrêté viziriel du 28 novembre 1934, «le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur" ;
Attendu d'autre part que, dans la police d'assurance automobile souscrite auprès de la compagnie " l'Urbaine et la Seine" par B et indiquant la profession d'agriculteur, figure aux conditions particulières, sous la rubrique " usage déclaré du véhicule conformément à l'article 9" , le mot " agricole" , mentionné dans la case réservée à cette déclaration d'usage du véhicule ; que l'article 9 des conditions générales de la police précise qu'il donne les définitions auxquelles répondent les termes mentionnés sous la rubrique " usage des véhicules" , puis définit le mot " agricole" en énonçant les effets particuliers qui s'attachent à sa mention ;
Attendu dans ces conditions qu'il incombait notamment aux juges d'appel, qui se déclaraient saisis par la compagnie " l'Urbaine et la Seine" d'exceptions respectivement fondées sur les articles 21 de l'arrêté viziriel précité et 9 des conditions générales de la police susvisée, de déterminer si la mention d'usage " agricole" figurant sur cette police excluait l'exercice même accessoire d'une profession non agricole, de rechercher la ou les professions réellement exercées par B et la nature du transport qu'il effectuait au moment de l'accident, enfin, au cas de fausse déclaration, d'apprécier si celle-ci avait été souscrite de mauvaise foi et si elle changeait l'objet du risque ou en diminuait l'opinion pour l'assureur ;
Attendu que, pour débouter la compagnie l'Urbaine et la Seine les juges d'appel affirment tout d'abord qu'il n'est pas établi que B en déclarant être agriculteur " ait voulu sciemment induire en erreur son assureur" , affirmation impliquant l'inexactitude de la déclaration de l'assuré puisque la bonne foi n'a pas à être appréciée en cas de déclaration exacte ; qu'ils énoncent ensuite que " le seul fait d'exercer une seconde profession ne saurait constituer la mauvaise foi" , paraissant dès lors
admettre la dualité des professions de B, mais pour ajouter aussitôt " d 'autant plus qu'il exerce réellement la profession d'agriculture" , reconnaissant ainsi l'exactitude de la déclaration ;
D'où il suit qu'en se bornant à écarter par ces quelques énonciations difficilement conciliables entre elles l'exception de nullité du contrat d'assurance fondée sur l'article 21 de l'arrêté viziriel du 28 novembre 1934 et en omettant d 'examiner l'exception de non-assurance fondée sur l'article 9 des conditions générales de la police souscrite, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision substituant la compagnie " l'Urbaine et la Seine" à B pour le paiement des condamnations civiles ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties au présent pourvoi le jugement du tribunal de première instanse de Casablaca du 15 décembre 1960 en ses dispositions relatives à la garantie de la compagnie «l'Urbaine et la Seine».
Président :M. Ab. __ Rapporteur : M. Aa. __ Avocat général : M. Ag. __ Avocats : MM. Cagnoli, Walch, Pajanacci.
Observations
Sur l'insuffisance de motifs ou manque de base légale, v. la note (III) sous l'arrêt n°732 du 3 nov. 1960, Rec. Crim. T. 2. 36.
A.-Sur la nullité du contrat d'assurance.-L'art. 15, 2°, Arr. Viz. 28 nov. 1934, relatif au contrat d'assurance, impose à l'assuré l'obligation de «déclarer exactement, lors de la conclusion du contrat, toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend à sa charge" et l'art. 21, al. 1er, du même arr. Prévoit que : " Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'art. 81 ci-après, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre" .
Ce dernier texte est la reproduction de l'al. 1er de l'art. 21 de loi Française du 13 juil. 1930 ayant le même objet.
Pour que la nullité du contrat soit encourue, il faut, d'une part, que la fausse déclaration ait été intentionnelle, c'est-à-dire que l'assuré ait agi de mauvaise foi, dans l'intention de tromper l'assureur (civ. 11 oct. 1954, D. 1954. 751, gaz. Pal. 1954. 2. 378 ; 11 mai 1960, Bull. Cass. 1960. 2. 207, Rev. gén. Ass. Terr. 1961. 170 et la note signée A.B ; v. l'arrêt n°1099 du 12 avr 1962, publié dans ce volume) et, d'autre part, qu'il y ait eu changement de l'objet du risque.
Aussi, lorsqu'une compagnie d'assurances oppose à son assuré un moyen de défense tiré de la nullité du contrat au motif que cet assuré a fait, au moment de sa conclusion, une fausse déclaration intentionnelle, il appartient aux juges du fond, pour donner une base légale à leur décision, de rechercher si l'assuré a effectivement fait cette fausse déclaration (Arrêt n°1019 du 1er févr. 1962, publié dans ce volume) et de se prononcer, dans l'affirmative, sur sa mauvaise foi (Arrêt n°1099 du 12 avr. 1962, également publié é dans ce volume).
Ils doivent caractériser cette mauvaise foi (Civ. 9juin 1942, D.C. 1942. 165 et la note signée P.L.P ; 5 Avril 1949, D. 1949. 289 et la note du même auteur), et leur appréciation à cet égard, qui est en principe souveraine (Civ. 11 oct. 1954, D. 1954. 751, Gaz. Pal. 1954. 2. 378 ; 6 mai 1957, Bull. Cass. 1957. 1. 163) n'échappe au contrôle de la juridiction de cassation que s'ils ont exprimée sans ambiguïté ni contradiction et s'ils ont justement déduit des circonstances par eux constatées les conséquences juridiques qu'elles comportent (Arrêt n°1149 du 24 mai 1962, publié dans ce volume).
Il a été jugé, par exemple, que constitue une fausse déclaration intentionnelle le fait d'affirmer mensongèrement que le lieu de garage habituel d'un véhicule se trouve en province, et non à Paris,
afin d'éviter le paiement d'une surprime (Paris, 26 juin 1957, Rev. gén. Ass. Terr. 1957. 426, gaz. Pal. Tables 1956-1960, V) Assurances en général, n°70).
De même, se trouve frappé de nullité le contrat d'assurance automobile souscrit par un assuré ayant intentionnellement affirmé faussement, vraisemblablement pour obtenir une prime calculée sur un risque normal, n'avoir jamais été responsable d'un accident, alors qu'il savait avoir été, dans les deux années précédentes, responsable de huit accidents, que son attention avait été spécialement attirée, par une mention figurant en tête du questionnaire, sur l'importance et les conséquences de ses déclarations et qu'il ne pouvait considérer que le fait de ne pas déclarer ces accidents était sans influence sur l'opinion que se ferait du risque à couvrir son nouvel assureur (Rouen, 16 fév. 1960, Gaz. Pal. 1960. 1. 300, Rev. gén. Ass. Terr. 1961. 42).
Lorsque le contrat est déclaré nul, l'assureur n'est plus tenu de garantir l'assuré pour les accidents qu'il a causés (Civ. 11 oct. 1954, D 1954. 751, 1956. 607, Gaz. Pal. 1956. 2 155) ; cette nullité est donc opposable aux tiers victimes d'accidents.
B-Sur la non-assurance-La détermination de la garantie due par l'assureur dépend de la volonté des parties exprimée dans les clauses de la police d'assurance
Ainsi, lorsque la police d'assurance subordonne la garantie des accidents causés aux tiers par un véhicule automobile à la condition que conducteur soit muni d'un permis de conduire régulier, il n' y a pas assurance si le conducteur n'est pas titulaire du certificat de capacité (Sur cette clause et son interprétation, v Af Aj, Le permis de conduire et l'assurance de la responsabilité automobile, Rev. gén. Ass. terr. 1935. 690 ; René Savatier, Permis de conduire en automobile et assurance- responsabilité, D.H. 1937, chron. p. 27 ; Af Ah -Charmantier, La clause relatif au permis de conduire, J.C.P 1938.1.79 ; Ai Ac, Permis de conduire régulier et exclusion de garantie, Gaz. Pal.1958. 1, doctr. P. 6 ; Ad Ak et Af A, Code des assurances, n°230 et 863, Civ. 31 juil. 1928, Gaz. Pal. 1928. 2. 735 ; 22 juil. 1941, Rev. gén. Ass. terr. 1941. 618 ; 7 juil. 1942, D. 1943. 20 ; 28 déc. 1943, D.C. 1944. 67 ; 1er mars 1954, D 1954. 729 et la note de M. Af Aj, Gaz. Pal. 1954. 2. 83, S. 1955. 1. 40 ; 29 mai 1956, Gaz. Pal. 1956. 2. 203, J.C.P. 1956. II. 9430 et la note de M. Af Aj , D. 1956, somm. 141 ; 11 jav. 1957, Bull. Cass. 1957. 2. 27 ; 4 fév. 1957, D. 1958. 458 ; 5 nov. 1957, J.C.P. 1957 II. 10309).
De même, en présence d'une police indiquant de façon précise que l'assurance garantit les accidents causés par une bicyclette à moteur sans remorque ni siège arrière, et portant la mention " néant" dans la colonne réservée à l'indication des places en plus de celle du conducteur, les juges du fond peuvent à bon droit décider que le fait d'avoir utilisé le porte-bagage comme seconde siège pour transporter une deuxième personne a substitué au cyclomoteur assuré un autre véhicule et qu'il y a eu création d'un risque non prévu par le contrat et qui échappe ainsi à la garantie (Civ. 1er sect. Civ. 12 mai 1959, Rev. gén. Ass. terr. 1960. 202).
Il a été décidé également que lorsqu'une police n'accorde effet que si nombre total de personnes transportées «dans la voiture" au moment de l'accident ne dépasse pas de plus de moitié le nombre régulier de places assises que comporte le véhicule, les juges du fond peuvent refuser de faire jouer la garantie au profit d'une personne transportée sur le marchepied (Civ, 1er sect. Civ. 4 juin 1959, Rev. gén. Ass. terr. 1960. 204 et la note signée A.B).
Lorsqu'ils sont saisis d'un moyen de défense tiré par l'assureur d'une clause d'exclusion de garantie prévue par la police, les juges du fond ne peuvent le rejeter sans examiner cette clause, sans l'interpréter lorsqu'elle est obscure ou ambiguë, et sans déterminer si elle s'applique ou non aux circonstances de fait qu'ils constatent. Lorsqu'ils omettent de le faire, leur décision, insuffisamment motivée, manque de base légale et doit être cassée.
La non-assurance est, comme la nullité du contrat, opposable aux tiers victimes de l'accident.
Sur la distinction entre la nullité et la non-assurance, v. l'étude de M. Af Ah A, Gaz. Pal. 1958. 2. Doctr. P. 8.
En ce qui concerne la déchéance, qui n'est pas opposable aux tiers victimes de l'accident, v. la note (II) sous l'arrêt n°1086 du 22 mars 1962, publié dans ce volume.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P981
Date de la décision : 04/01/1962
Chambre pénale

Analyses

1° ASSURANCES TERRESTRES - Contrat d'assurance - Exception de non-assurance et de nullité - Rejet - Motifs - insuffisants.2° CASSATION - Ouverture à cassation - Motifs insuffisants.3° JUGENTS ET ARRETS - Motifs insuffisants - Assurances terrestres.

1°, 2° et 3° Manque de base légale et doit être cassé la décision qui, pour rejeter les exception de non-assurance et de nullité du contrat soulevées par une compagnie d'assurances, se borne d'une part à écarter par quelques énonciations difficilement conciliables entre elles l'exception de nullité, sans rechercher si les conditions d'application de l'article 21 de l'arrêté viziiriel du 28 novembre1934 se trouvaient ou non réunies en la cause, et omet, d'autre part, d'examiner la clause de la police sur laquelle l'exception de non-assurance était expressément basée.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1962-01-04;p981 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award