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17/10/1961 | MAROC | N°C3

Maroc | Maroc, Cour suprême, 17 octobre 1961, C3


Texte (pseudonymisé)
3-61/62
Société Financière Suisse et Française d'Investissements et de Gestion c/ Ab Aa
Cassation d'un arrêt de la Cour d appel de Rabat du 1er avril 1960
La Cour,
SUR LE DEUXIEME MOYEN:
Vu l'article 233 du dahir de procédure civile ;
Attendu que seules les parties et dans les limites énoncées à ce texte peuvent modifier l'objet de la demande ; que tenue de statuer suivant les conclusions dont elle est saisie, la Cour d'appel, lorsque la cause de la demande est quasi délictuelle, ne peut pas soulever d'office un moyen tiré de la gestion d'affaires ;
Attendu qu

e le jugement et l'arrêt attaqué, confirmatif par motifs propres et ceux non co...

3-61/62
Société Financière Suisse et Française d'Investissements et de Gestion c/ Ab Aa
Cassation d'un arrêt de la Cour d appel de Rabat du 1er avril 1960
La Cour,
SUR LE DEUXIEME MOYEN:
Vu l'article 233 du dahir de procédure civile ;
Attendu que seules les parties et dans les limites énoncées à ce texte peuvent modifier l'objet de la demande ; que tenue de statuer suivant les conclusions dont elle est saisie, la Cour d'appel, lorsque la cause de la demande est quasi délictuelle, ne peut pas soulever d'office un moyen tiré de la gestion d'affaires ;
Attendu que le jugement et l'arrêt attaqué, confirmatif par motifs propres et ceux non contraires des premiers juges, constatent qu'aux termes d'un acte sous seings privés en date du 22 janvier 1951, la Banque Suisse et Française d'Investissements et de Gestion (devenue Société Financière Suisse et Française d'Investissements et de Gestion) s'est rendue acquéreur d'un terrain de 399 m2 pour le prix de 12600000 francs et a acquitté les droits d'enregistrement afférents à ce contrat ; qu'elle a demandé et obtenu judiciairement au bénéfice des dahirs des 26 février 1951 et 4 novembre 1952 le remboursement desdits droits à concurrence de 1810000 francs ; qu'entre temps le 14 septembre 1951, elle avait cédé 70 millièmes «du terrain et des constructions en cours d'édification pour le prix global de 2750000 francs «à charge par l'acquéreur» Aa Ab «de procéder avec les autres copropriétaires à l'achèvement de l'immeuble», le contrat mentionnant en outre que, conformément aux dispositions de l'article 1er des dahirs précités, «Ab déclare que le terrain est destiné à la construction d'un logement»
Que là Cour d'appel a condamné la société à «restituer» à Ab la somme de 126700 francs représentant les 70 millièmes du montant du remboursement des droits qu'elle avait obtenu et d'autre part à lui payer celle de 25000 francs à titre de dommages et intérêts, aux motifs, d'une part que Ab ayant droit au bénéfice des mesures fiscales instituées au profit des «constructeurs» d'immeubles à usage d'habitation et «à concurrence de la part du terrain dont ils se sont portés acquéreurs», la société avait agi en tant que gérant d'affaires de Ab selon l'article 943 du dahir des obligations et contrats en recouvrant la somme de 1810000 francs, et devait, en conséquence, lui rendre compte dans la proportion de son achat du 14 septembre 1951, et d'autre part que, par sa résistance abusive, ladite société avait causé à Ab un préjudice dont elle lui devait réparation ;
Or, attendu que Ab avait conclu en cause d'appel à la confirmation d'un jugement qui lui allouait des dommages-intérêts en réparation des «manouvres» qu'il avait imputées à la SociétéFinancière ; que, de plus, dans ses conclusions en qualité d'intimé, Ab invoquait un prétendu mandat donné par les copropriétaires à la société, mais ne soutenait pas que cette société eût «géré son affaire» au sens de l'article 943 du dahir des obligations et contrats ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens ;
Casse.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: Mme A général: M Neigel-Avocat: Me Lorrain.n.
Observations
Les parties ne peuvent former en appel «aucune demande nouvelle à moins qu'il s'agisse de compensation ou que la demande nouvelle ne soit que la défense à l'action principale» art 233, al 1er, C proc civ). Toutefois, elles peuvent demander en appel «les intérêts, arrérages, loyers et autres accessoires échus» depuis la décision entreprise ainsi que la réparation du préjudice subi depuis le prononcé de celle-ci (art 233, al 2). Enfin, ne peut être «considérée comme nouvelle la demande procédant directement de la demande originaire et tendant aux mêmes fins, bien que se fondant sur des causes ou des motifs différents,) (art 233, al 3) ; c'est par application de cette dernière disposition que Ab avait pu valablement invoquer en cause d'appel, à l'appui de sa demande initiale, un prétendu mandat dont il n'avait pas fait état devant les premiers juges. Par contre, les juges d'appel, comme les juges du premier degré, sont liés par les conclusions des parties et ne peuvent modifier ni l'objet ni même la cause de leurs demandes ainsi, le juge ne peut condamner le défendeur comme responsable contractuellement lorsque le demandeur a fondé sa demande sur la responsabilité délictuelle ; il ne peut non plus déclarer le défendeur tenu en qualité de gardien de la chose dommageable (art 88 C obl contr) lorsque le demandeur n'a invoqué que la responsabilité délictuelle de droit commun (art 77 et 78 C obl contr), et vice versa (V Mazeaud, n 2094) ; de même, la Cour d'appel ne pouvait en la cause condamner la société défenderesse en qualité de gérante d'affaires, alors que la demande de Ab était fondée seulement et expressément sur un quasi-délit et sur un mandat. Cette limitation des pouvoirs du juge cesse quand les parties se bornent à exposer les faits de la cause et à demander réparation, sans invoquer aucune règle de droit précise, ou en fondant leur demande sur plusieurs dispositions légales: dans cette hypothèse le juge choisit librement parmi elles celle qui lui parait applicable (V Mazeaud, n 2092).
L'arrêt rapporté fournit d'autre part un bon exemple de cas où le juge a statué extrapetita non par inadvertance mais par suite d'une erreur de droit sur l'étendue de ses pouvoirs, en sorte que sa décision donne ouverture à cassation et non à rétractation (vsupra, note III et IV sous l'arrêt n°67).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C3
Date de la décision : 17/10/1961
Chambre civile

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS-Pouvoirs du juge-Modification de la cause de la demande (non)-Gestion d'affaires substituée à quasi-délit et à mandat.

Seules les parties, et dans les seuls cas prévus à l'article 233 du Code de procédure civile, peuvent modifier leur demande. Tenue de statuer dans la limite des conclusions des parties, une Cour d'appel saisie d'une demande fondée sur un quasi-délit et un contrat de mandat ne peut soulever d'office un moyen tiré de la gestion d'affaires.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1961-10-17;c3 ?
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