La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/1961 | MAROC | N°P888

Maroc | Maroc, Cour suprême, 15 juin 1961, P888


Texte (pseudonymisé)
Cassation partielle sur le pourvoi formé par Ae Af Ac ben Znati contre un jugement rendu le 2 avril 1959 par le tribunal de première instance de Ag qui a condamné Ben Saïd ben Mohamed à lui payer une rente annuelle et viagère de 480 000 francs.
15 juin 1961
Dossier n° 6510
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris du défaut de qualité du Fonds de garantie
institué au profit des victimes d'accidents causés par des véhicules automobiles, et de la violation ou de la fausse application de la loi ;
Attendu que, s'il ne figure pas parmi les parties habilitées à

interjeter appel, soit antérieurement au premier mai 1959 en vertu des disposi...

Cassation partielle sur le pourvoi formé par Ae Af Ac ben Znati contre un jugement rendu le 2 avril 1959 par le tribunal de première instance de Ag qui a condamné Ben Saïd ben Mohamed à lui payer une rente annuelle et viagère de 480 000 francs.
15 juin 1961
Dossier n° 6510
La Cour,
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris du défaut de qualité du Fonds de garantie
institué au profit des victimes d'accidents causés par des véhicules automobiles, et de la violation ou de la fausse application de la loi ;
Attendu que, s'il ne figure pas parmi les parties habilitées à interjeter appel, soit antérieurement au premier mai 1959 en vertu des dispositions du Code d'instruction criminelle alors applicable, soit postérieurement à cette date en vertu de l'article 424 du Code de procédure pénale, le Fonds de
garantie automobile trouve expressément dans l'article 8 de l'arrêté viziriel du 23 février 1955 le droit d'intervenir à titre principal et d'user « de toutes les voies de recours » dans les instances engagées entre les victimes d'accidents corporels ou leurs ayants-droit, et les responsables de ces accidents ou leurs assureurs ; que ce texte a force de loi par l'effet tant de la délégation permanente donnée en matière d'assurances au Grand Vizir par le dahir du 28 novembre 1934, que la délégation spéciale prévue par l'article 11 du dahir du 22 février 1955 en vue de déterminer par arrêtés viziriels les droits et obligations de ce Fonds ; que vainement le demandeur au pourvoi tente de se référer à une jurisprudence étrangère qui, en raison précisément de la force de loi conférée à l'article 8, ne peut être invoquée au Maroc par voie d'analogie ;
Attendu que le jugement du tribunal de paix du 5 novembre 1958 n'a été frappé d'appel par le Fonds de garantie automobile qu'en tant que le tribunal a alloué un capital et non une rente ; qu'en limitant ainsi son appel à la forme de la réparation accordée à la victime, le Fonds de garantie a par là même nécessairement reconnu que le jugement qu'il frappait d'appel lui était opposable, et par voie de conséquence, a couvert toutes irrégularités affectant sa mise en cause devant le premier juge ;
Attendu qu'en déclarant dans ces conditions l'appel du Fonds de garantie automobile recevable, les juges d'appel ont fait une exacte application de la loi ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
SUR LES DEUXIEME, TROISIEME ET QUATRIEME MOYENS REUNIS, omission de statuer, défaut de motifs, manque de base légale, pris :
a) de l'absence d'évaluation du préjudice, préalablement à l'indemnisation accordée uniquement sous forme de rente,
b) du défaut d'allocation à la victime de toute indemnité en capital, même pour réparer l'incapacité temporaire totale, le pretium doloris, et les frais exposés ou à exposer pour divers traitements de prothèse, orthopédie ou chirurgie,
c) de la fixation à la date arbitraire du 23 mai 1958 du point de départ du service de la rente ; attendu que les juges du fond ont un pouvoir souverain pour apprécier le montant du préjudice
éprouvé par la partie civile, et, en l'absence de disposition légale fixant le mode d'indemnisation de la victime d'un accident de droit commun, pour déterminer même d'office le mode de paiement de l'indemnité pécuniaire qui peut à leur choix consister soit dans une somme d'argent à verser en une seule fois, soit dans une rente temporaire ou viagère, soit dans une combinaison partielle d'un capital et d'une rente ;
Que dès lors, le tribunal de première instance de Casablanca juge d'appel, qui a d'ailleurs pris soin d'exposer les considérations de fait l'ayant conduit à refuser dans l'intérêt de la jeune victime toute allocation en capital, a agi dans les limites de son pouvoir souverain, tant en attribuant uniquement une rente viagère en réparation des diverses causes confondues de préjudice, qu'en fixant à la date de consolidation des blessures le point de départ du service de la rente ; qu'il ne saurait, de ces chefs, encourir la cassation ;
Attendu toutefois que les juges du fond ne peuvent exercer leur pouvoir souverain d'appréciation du préjudice que dans la limite des conclusions des parties et, lorsqu'ils statuent comme juridiction d'appel, dans la limite de leur saisine résultant de l'effet dévolutif de cette voie de recours ;
Attendu que le jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 5 novembre 1958 qui avait accordé à la partie civile une réparation globale de douze millions de francs en capital, indemnité provisionnelle comprise, avait fait l'objet d'un appel du ministère public sans effet sur les intérêts civils, d'un appel limité du Fonds de garantie « en tant que le tribunal a alloué un capital et non une rente » et visant en conséquence non le montant de l'indemnité allouée mais uniquement le mode d'indemnisation, enfin d'un appel de la partie civile en vue de l'élévation de l'indemnité à une somme de quarante millions de francs en capital ; qu'ainsi en ce qui concerne l'évaluation du montant de l'indemnité, les juges d'appel ne se trouvaient saisis que de l'appel de la partie civile, qui leur permettait seulement de confirmer la décision du premier juge ou de l'infirmer à l'avantage de cet appelant ;
Attendu que le demandeur au pourvoi fait expressément grief aux juges d'appel d'avoir lésé les intérêts de la victime, « en infirmant le jugement du tribunal de paix et en remplaçant le capital qu'il avait alloué par une rente qui n'équivaut même pas à ce capital » ;
Attendu que le jugement d'appel attaqué énonce l'âge de la victime, mais ne contient aucune indication relative aux bases de calcul de la rente annuelle viagère de 480 000 francs qu'il substitue au capital de douze millions de francs accordé par le premier juge ; que ce jugement infirmatif du 2 avril 1959 ne pouvait implicitement se référer au barème légal de conversion des capitaux en rente, celui-ci n'ayant été déclaré applicable aux capitaux représentatifs de rentes allouées par décision judiciaire en réparation d'accidents de droit commun que par le décret n° 259 1169 du 14 novembre 1959 (B.O. 11 décembre 1959) dont le Tableau I du tarif annexe fixe le prix de rentes viagères, selon l'âge des victimes atteintes d'incapacité partielle ; qu'ainsi les juges d'appel, en ce qui concerne la détermination du montant de la rente, n'ont pas donné de base légale à leur décision, cette dernière ne permettant pas à la Cour suprême de vérifier si l'infirmation n'a pas sur ce point, en méconnaissance des dispositions de l'article 410 (dernier alinéa) du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, été préjudiciable aux intérêts de la partie civile appelante ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule, entre les parties au présent pourvoi, le jugement du tribunal de première
instance de Casablanca du 2 avril 1959, mais uniquement en ce qu'il a fixé le montant de la rente viagère allouée à la victime, toutes autres dispositions de ce jugement demeurant maintenues ;
Pour être à nouveau statué conformément à la loi dans la limite de la cassation partielle intervenue, renvoie la cause et les parties devant le tribunal correctionnel de première instance de Casablanca autrement composé.
Président : M. Ad. - Rapporteur : M. Ab. - Avocat général : M. Aa. - Avocats: MM. Reynier et Pautesta, Bernaudat, Emanuel.
Observations
I. -Sur les premier et deuxième points : V. la note, troisième point, sous l'arrêt n°. 842 di 16 mars 1961.
II.-Sur les troisième, quatrième et cinquième points : V. la note, huitième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct. 1960.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P888
Date de la décision : 15/06/1961
Chambre pénale

Analyses

1° FONDS DE GARANTIE AU PROFIT DE CERTAINES VICTIMES D'ACCIDENTS CAUSES PAR DES VEHICULES AUTOMOBILES - Intervention volontaire - Appel - Qualité. 2° APPEL -Fonds de garantie automobile - Qualité pour interjeter appel. 3° DOMMAGES-INTERETS - Détermination de l'indemnité - Pouvoirs des juges du fond - Appel - Limites de la saisine.4° CASSATION - Ouvertures à cassation - Motifs insuffisants -Appel - Substitution d'une rente au capital alloué en première instance.5° JUGEMENTS ET ARRETS - Motifs insuffisants - Appel - Substitution d'une rente au capital alloué en première instance.

1° et 2° Le Fonds de garantie au profit de certaines victimes d'accidents causés par des véhicules automobiles peut, aux termes de l'article 8 de l'arrêté viziriel du 23 février 1955 «user de toutes les voies de recours » et, par conséquent, de l'appel.3°, 4° et 5° Les juges du fond ont un pouvoir souverain pour apprécier le montant du préjudice éprouvé par la partie civile et, en l'absence de disposition légale fixant le mode d'indemnisation de la victime d'un accident de droit commun, pour déterminer même d'office le mode de paiement de l'indemnité pécuniaire qui peut, à leur choix, consister soit dans une somme d'argent à verser en une seule fois, soit dans une rente temporaire ou viagère, soit dans une combinaison partielle d'un capital et d'une rente. Toutefois, les juges du fond ne peuvent exercer leur pouvoir souverain d'appréciation du préjudice que dans la limite des conclusions des parties et, en appel, dans la limite de leur saisine résultant de l'effet dévolutif de cette voie de recours. Les juges d'appel, qui substituent au capital alloué en première instance une rente annuelle et viagère don't ils ne donnent pas les bases de calcul, ne permettent pas à la Cour suprême de vérifier si, comme le soutient la partie civile qui était seule appelante, l'infirmation de la décision du premier juge n'a pas, sur ce point, en méconnaissance du dernier alinéa de l'article 410 du Code de procédure pénale, été préjudiciable à ses intérêts.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1961-06-15;p888 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award