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24/05/1961 | MAROC | N°P880

Maroc | Maroc, Cour suprême, 24 mai 1961, P880


Texte (pseudonymisé)
Rejet des pourvois formés par X Ab Ad Ab C, AG Ab Z Ab Y et la société marocaine d'assurances contre un jugement rendu le 3 janvier 1961 par le tribunal de première instance de Rabat qui a statué sur l'opposition formée par X Ab Ad Ab C contre un jugement de défaut du 8 mars 1960 confirmant un jugement du tribunal de paix de Kénitra du 30 juin 1959 qui avait condamné X à diverses peines pour infractions au Code de la route, blessures et homicides involontaires, ainsi qu'à des réparations civiles envers la dame Haudot René, solidairement avec AG Ab Z Ab Y, déclaré civilement resp

onsable de X, la société marocaine d'assurances étant substitu...

Rejet des pourvois formés par X Ab Ad Ab C, AG Ab Z Ab Y et la société marocaine d'assurances contre un jugement rendu le 3 janvier 1961 par le tribunal de première instance de Rabat qui a statué sur l'opposition formée par X Ab Ad Ab C contre un jugement de défaut du 8 mars 1960 confirmant un jugement du tribunal de paix de Kénitra du 30 juin 1959 qui avait condamné X à diverses peines pour infractions au Code de la route, blessures et homicides involontaires, ainsi qu'à des réparations civiles envers la dame Haudot René, solidairement avec AG Ab Z Ab Y, déclaré civilement responsable de X, la société marocaine d'assurances étant substituée à X et à AG pour le paiement des condamnations civiles prononcées contre eux.
Cassation sans renvoi du même jugement sur le pourvoi formé dans l'intérêt de la loi par M. Le Procureur général près la Cour suprême.
24 mai 1961
Dossiers nos 7164, 7165 et 7166
La Cour,
SUR LES POURVOIS FORMES PAR X Ab Ad Ab C, PAR
AG Ab Z Ab Y ET PAR LA SOCIETE MAROCAINE D'ASSURANCES ;
Vu les mémoires déposés le 24 janvier 1961 par chacun des demandeurs, et les 12 et 17 avril par la défenderesse,
Joignant les trois pourvois en raison de leur connexité ;
SUR L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITE, invoquée par Ai Ae, au motif que la
Société marocaine d'assurances n'étant pas une société étrangère, ne pourrait être valablement représentée par « un délégué général pour le Maroc » ;
Attendu que l'erreur commise dans son mémoire quant à la désignation de son représentant légal, par une société demanderesse en cassation, n'est pas de nature à influer sur la validité de son pourvoi, dès lors que cette société étant-suffisamment identifiée par l'énonciation de sa raison sociale, il peut être ainsi satisfait aux prescriptions de l'article 437, § 3, du Code de procédure pénale et que les autres parties à l'instance ne peuvent se méprendre sur l'identité de cette société ;
D'où il suit que l'exception soulevée ne saurait être accueillie ;
SUR LE PREMIER MOYEN, EN SES DEUX BRANCHES, pris de la violation des articles
768 et 348 du dahir formant Code de procédure pénale, et inexacte application de ces textes, en ce
que le jugement déféré aurait prononcé une seule peine pour plusieurs délits, sans indiquer qu'il s'agissait de la peine la plus forte des peines encourues et sans donner l'énumération et le quantum de ces peines, privant ainsi la Cour suprême de son pouvoir de vérifier si les textes visés au moyen avaient été exactement appliqués ;
Attendu que le jugement déféré contient les énonciations prescrites par l'article 348, et fait une exacte application de l'article 768 du Code de procédure pénale ; qu'il n'est fait nulle part obligation au tribunal de satisfaire aux exigences que les demandeurs prétendent lui imposer, et que la Cour suprême trouve dans les décisions qui lui sont soumises l'indication des infractions reprochées au prévenu et des textes applicables ;
D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
SUR LE SECOND MOYEN, pris de la violation des articles 374, 404, 423 du dahir formant
Code de procédure pénale, en ce que le tribunal, statuant sur opposition, se serait prononcé sur la décision du 8 mars 1960 rendue par défaut alors que cette décision se trouvant anéantie par l'exercice de l'opposition, il lui appartenait, en tant que juridiction d'appel, de se prononcer sur la décision de paix du 30 juin 1959 qui lui était déférée ;
Attendu que le jugement de paix du 30 juin 1959 ayant été confirmé par adoption de motifs par
le jugement du tribunal de première instance du 8 mars 1960, qui a été frappé d'opposition, les demandeurs sont sans intérêt, en raison de la similitude des deux décisions, à se prévaloir de l'indication erronée par laquelle le tribunal, lorsqu'il a statué sur l'opposition, a désigné comme étant la décision déférée, le jugement qu'il avait rendu par défaut le 8 mars 1960 ;
Qu'ainsi, ce moyen ne saurait être accueilli ;
SUR LE TROISIEME MOYEN, pris de la violation de l'article 306 du Code de procédure pénale, en ce que la décision incriminée ne constaterait pas que la clôture des débats ait été prononcée, après que le prévenu ait eu la parole le dernier ;
Attendu que le prononcé de la clôture des débats par le président du tribunal correctionnel n'étant pas prescrit à peine de nullité, l'omission de cette formalité ne saurait donner ouverture à cassation ;
Qu'ainsi, ce moyen doit être rejeté ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN, pris de la violation de l'article 306 du Code de procédure
pénale, en ce que les contradictions dont la décision incriminée serait entachée ne permettraient pas à la Cour suprême de vérifier si l'ordre des débats fixé par ce texte a été respecté, et en particulier si le prévenu a eu la parole le dernier ;
Mais attendu qu'il est au contraire expressément constaté que le prévenu a eu la parole le dernier après audition de son conseil ; qu'aucune mention dudit jugement ne permet de supposer que l'ordre des débats fixé par l'article 306 précité n'a été respecté ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
SUR LE CINQUIEME MOYEN, pris de la violation de la loi de fond, et de la fausse
application de l'article 8 de l'arrêté viziriel du 24 janvier 1953, sur la police de la circulation et du roulage, en ce que le tribunal de Rabat, reprenant pour son compte un motif du jugement du tribunal de paix de Kénitra, a admis comme conséquence d'une faute que l'inculpé aurait commise, le droit pour Haudot de ne pas serrer sur sa droite ;
Attendu qu'étant expressément constaté qu'Haudot, gêné par l'éblouissement dont il était victime, n'avait pu garder la parfaite maîtrise de son véhicule, l'hypothèse envisagée surabondamment par le tribunal, selon laquelle Haudot, aperçevant un phare unique qui laissait croire à la présence d'une motocyclette, « a peut-être été incité à ne pas serrer sur sa droite », ne saurait constituer un motif nécessaire au soutien du dispositif et ne peut dès lors donner ouverture à cassation;
Qu'ainsi, ce moyen doit être rejeté ;
SUR LE SIXIEME MOYEN, EN SES DEUX BRANCHES, pris de la violation de l'article 164
du dahir du 12 août 1913 formant Code des obligations et contrats, en ce que le prévenu et son civilement responsable ont été condamnés conjointement et solidairement au paiement des dommages-intérêts, alors que les juges du fond n'ont pas indiqué le fondement de cette solidarité et que celle-ci, qui ne se présume pas, ne peut découler en l'espèce, ni de la convention, ni de la loi, ni de la nature de l'affaire ;
Attendu que n'ayant jamais été soulevé devant les juges d'appel qui se sont bornés à confirmer la condamnation conjointe et solidaire prononcée par le premier juge, le moyen ne saurait être présenté pour la première fois devant la Cour suprême ;
D'où il suit que ce moyen est irrecevable ;
SUR LE SEPTIEME MOYEN, EN SES DEUX BRANCHES, pris de la violation de l'article
347 du dahir du 10 février 1959 formant Code de procédure pénale, insuffisance de motifs et manque de base légale, en ce que les juges du fond ont assorti les condamnations civiles des intérêts de droit
du jour de la demande, conformément aux conclusions des parties civiles, mais en indiquant qu'il s'agissait d'intérêts compensatoires accordés à titre de supplément de dommages-intérêts, leur attribuant ainsi un fondement légal que les parties civiles avaient omis d'invoquer, et en s'abstenant d'indiquer la source de préjudice justifiant en l'occurrence l'attribution de ces intérêts compensatoires;
Mais attendu que, libres de déterminer souverainement le montant et les modalités de la réparation, à la condition de ne point dépasser le chiffre de la demande, les juges du fond, au lieu d'évaluer en un capital tous les éléments du dommage, ont la faculté, sans motivation spéciale, de les diviser en joignant à une condamnation principale des intérêts attribués à titre de dommages-intérêts compensatoires, dont ils fixent librement le point de départ, sans pouvoir toutefois le faire remonter à une date antérieure à celle du fait dommageable ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
SUR LE POURVOI FORME DANS L'INTERET DE LA LOI PAR L'AVOCAT GENERAL,
et pris de la violation, de la fausse application des articles 373 et 374 du Code de procédure pénale ; Attendu que si aux termes de l'article 374 du Code de procédure pénale, « l'opposition émanant
du prévenu met à néant le jugement rendu par défaut même en celles de ses dispositions qui auraient statué sur la demande de la partie civile », cette mise à néant des dispositions civiles ne peut être produite que par une opposition qui, à l'égard de ces dispositions, a été formée dans les délais légaux ;
Attendu que la notification effectuée à son curateur le 9 mars 1960 a, vis-à-vis de X Ab Ad Ab C, fait courir, relativement aux dispositions civiles du jugement du 8 mars 1960, un délai d'opposition de dix jours à compter de cette notification ;
Qu'ainsi, l'opposition formée par le prévenu le 22 novembre 1960, ne pouvait produire effet relativement aux dispositions civiles du jugement frappé d'opposition ;
D'où il suit que le tribunal de première instance de Rabat, statuant sur opposition, a excédé ses pouvoirs et méconnu la portée des textes visés au moyen en étendant les effets de l'opposition aux condamnations civiles déjà prononcées au profit de Ai Ae et de ses enfants mineurs ;
PAR CES MOTIFS
Rejette les pourvois formés par X Ab Ad Ab C, par AG Ab Z Ab
Y et par la Société marocaine d'assurances, contre le jugement du tribunal de première instance de Rabat du 3 janvier 1961 ;
........................................
SUR LE POURVOI DE M. B A,
Casse et annule ledit jugement du 3 janvier 1961, en toutes ses dispositions civiles mais
seulement dans l'intérêt de la loi et sans renvoi.
Président : M. Ac. -Rapporteur : M. Aa. -Avocat général : M. Ah. -Avocat : Me Petit.
Observations
I.- Sur le premier point : La société marocaine d'assurances avait indiqué dans le mémoire exposant ses moyens de cassation qu'elle était représentée par « un délégué général pour le Maroc », alors que cette société marocaine a en réalité son siège social à Aj.j.
Cette erreur n'était pas de nature à influer sur la validité de son pourvoi. En effet, la « société marocaine d'assurances » était suffisamment identifiée par sa raison sociale et les autres parties à l'instance ne pouvaient se méprendre, malgré l'erreur commise, sur l'erreur commise, sur l'identité de la demanderesse au pourvoi.
II.- Sur le deuxième point : Le tribunal, qui avait prononcé la confusion des peines et expressément visé l'art. 768 C. proc. pén.., n'avait pas à indiquer qu'il avait prononcé la peine la plus forte et à donner l'énumération et le quantum des peines encourues.
III. - Sur le troisième point : V. La note, premier point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct. 1960. IV -Sur le quatrième point : V. la note, deuxième point, sous l'arrêt n° 815 du 9 févr. 1961. V.- Sur le cinquième point : V. la note, deuxième point, sous l'arrêt n° 725 du 27 oct. 1960. VI. -Sur le sixième point : V. la note, quatrième point, sous l'arrêt n° 830 du 2 mars 1961. VII. -Sur le septième point : V. la note, premier point, sous l'arrêt n° 732 du 3 nov. 1960. VIII. -Sur le huitième point : V. la note, cinquième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct. 1960. IX. - Sur le neuvième point : V. la note, troisième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct. 1960. X. - Sur les dixième et onzième points : Aux termes de l'art. 608 C. proc. pén., « lorsque le
procureur général près la Cour suprême apprend qu'une décision en dernier ressort a été rendue en violation de la loi ou des formes substantielles de procédure et qu'aucune des parties ne s'est pourvue en cassation contre cette décision dans le délai prescrit, il en saisit la Cour par un pourvoi d'office » ;
« S'il y a cassation, les parties ne peuvent s'en prévaloir pour éluder les dispositions de la décision cassée, ou s'opposer à son exécution ».
lorsque la cassation de la décision intervient dans l'intérêt de la loi, il n'y a pas lieu à renvoi puisqu'elle n'a qu'un effet théorique et ne retentit pas sur les rapports des parties entre elles (V. Rép. crim., V° Cassation, par Ag Af, n° 433).


Synthèse
Numéro d'arrêt : P880
Date de la décision : 24/05/1961
Chambre pénale

Analyses

1° CASSATION - Conditions de recevabilité du pourvoi - Mémoire exposant les moyens de cassation du demandeur - Erreur quant à la désignation du représentant légal de la société demanderesse.2° CUMUL D'INFRACTIONS - Confusion des peines - Obligation pour le tribunal d'indiquer que la peine prononcée est la plus forte des peines encourues et de donner l'énumération et le quantum de ces peines (non).3° CASSATION - Moyen irrecevable - Défaut d'intérêt - Erreur sur la désignation de la décision déférée.4° INSTRUCTION A L'AUDIENCE - Clôture des débats - Omission de la formalité - Cassation (non).5° CASSATION - Moyen irrecevable -Moyen manquant en fait.

6° CASSATION - Moyens de cassation - Moyen critiquant un motif surabondant. 7° CASSATION - Moyen irrecevable - Moyen nouveau.8° DOMMAGES-INTERETS - Intérêts de l'indemnité - Intérêts compensatoires - Conditions - Point de départ.9° JUGEMENTS ET ARRETS PAR DEFAUT - Prévenu défaillant cité à curateur - Notification au curateur - Expiration du délai d'opposition - Dispositions civiles du jugement. 10° CASSATION - Pourvoi dans l'intérêt de la loi - Pourvoi d'office du Procureur général près la Cour suprême - Violation de la loi par les juges du fond - Rejet du pourvoi formé par l'une des parties.11° CASSATION - Arrêts de la Cour suprême - Cassation sans renvoi - Pourvoi dans l'intérêt de la loi.

1° L'erreur commise dans son mémoire quant à la désignation de son représentant légal par une société demanderesse en cassation, n'est pas de nature à influer sur la validité de son pourvoi dès lors que cette société étant suffisamment identifiée par sa raison sociale, il peut ainsi être satisfait aux prescriptions de l'article 347, 3°, du Code de procédure pénale et que les autres parties à l'instance ne peuvent se méprendre sur l'identité de cette société. 2° Un demandeur en cassation ne peut reprocher à un jugement qui prononce une seule peine en application de la règle du non-cumul des peines, de ne pas indiquer que la peine prononcée est la plus forte des peines encourues et de ne pas donner l'énumération et le quantum de chacune de ces peines.3° Le demandeur en cassation est sans intérêt à se prévaloir de l'indication erronée par laquelle un tribunal d'appel, lorsqu'il statue sur une opposition, désigne comme étant la décision déférée, non celle du premier juge, mais son propre jugement de défaut confirmant par adoption de motifs celui du premier juge. 4° Le prononcé de la clôture des débats par le président du tribunal correctionnel n'étant pas prescrit à peine de nullité, l'omission de cette formalité ne saurait donner ouverture à cassation.5° Manque en fait le moyen pris de ce que la décision déférée ne permettrait pas à la Cour suprême de vérifier si le prévenu a eu la parole le dernier, alors que cette décision constate expressément que le prévenu a eu la parole le dernier après audition de son conseil.

6° Un motif surabondant, n'étant pas nécessaire au soutien du dispositif de la décision, ne peut donner ouverture à cassation.7° Ne saurait être présenté pour la première fois devant la Cour suprême, le moyen pris de ce que les juges du fond ont condamné conjointement et solidairement le prévenu et le civilement responsable au paiement des dommages-intérêts alors que ce moyen n'a jamais été soulevé devant les juges d'appel qui se sont bornés à confirmer cette condamnation conjointe et solidaire prononcée par le premier juge.8° Les juges du fond peuvent, sans motivation spéciale, joindre à une condamnation principale, des intérêts expressément attribués à titre compensatoire dont ils fixent librement le point de départ, sans pouvoir toutefois le faire remonter à une date antérieure à celle du fait dommageable.9° La notification du jugement par défaut effectuée au curateur du prévenu défaillant fait courir, relativement aux dispositions civiles du jugement, le délai d'opposition de dix jours à compter de cette notification. L'opposition, formulée après l'expiration de ce délai, ne peut produire effet relativement aux dispositions civiles du jugement frappé d'oppostion. Excède en conséquence ses pouvoirs le tribunal qui, saisi d'une opposition du prévenu formulée après l'expiration dudit délai, étend les effets de cette opposition aux dispositions civiles du jugement.10° Lorsqu'une décision a été rendue en violation de la loi et que le pourvoi en cassation formé par l'une des parties contre cette décision a été rejeté, le procureur général près la Cour suprême peut former d'office un pourvoi dans l'intérêt de la loi. 11° Il n'y a pas lieu à renvoi lorsqu'une décision est cassée dans l'intérêt de la loi seulement.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1961-05-24;p880 ?
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