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12/04/1961 | MAROC | N°C152

Maroc | Maroc, Cour suprême, 12 avril 1961, C152


Texte (pseudonymisé)
152-60/61 12 avril 1961 3362
Cordier Jean c/Société «Entreprise Aa et Bonnan».
Cassation partielle d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 31 mai 1958.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE PRIS EN SES PREMIERE ET TROISIEME BRANCHES:
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué que l'entreprise «Aa
et Bonnan» a été déclarée le 2 décembre 1950 adjudicataire d'un marché administratif pour la fourniture de matériaux destinés à la construction de l'aérodrome de la base américaine de Marrakech ; que le 10 avril 1951 les Travaux Publics ont a

rrêté ce marché, l'ouvrage devant se construire à Benguerir ; que ladite entreprise aya...

152-60/61 12 avril 1961 3362
Cordier Jean c/Société «Entreprise Aa et Bonnan».
Cassation partielle d'un arrêt de la Cour d'appel de Rabat du 31 mai 1958.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE PRIS EN SES PREMIERE ET TROISIEME BRANCHES:
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué que l'entreprise «Aa
et Bonnan» a été déclarée le 2 décembre 1950 adjudicataire d'un marché administratif pour la fourniture de matériaux destinés à la construction de l'aérodrome de la base américaine de Marrakech ; que le 10 avril 1951 les Travaux Publics ont arrêté ce marché, l'ouvrage devant se construire à Benguerir ; que ladite entreprise ayant «cédé à Cordier l'exécution des travaux de fourniture et de transport de matériaux objet de l'adjudication» par contrat du 4 janvier 1951 produit, des difficultés découlant de la résiliation du marché administratif sont nées entre eux ; que la Cour d'appel a, tant par motifs propres que ceux des premières juges, condamné l'entreprise à payer à Cordier 281472 francs, solde restant dû sur la fourniture de matériaux, 969704 francs à titre de dommages et intérêts, et Cordier à verser à l'adjudicataire, en exécution des conventions du 4 janvier 1951, 233270 francs représentant les intérêts des avances que ce dernier lui avait faites pour lui permettre l'exécution du marché, les parties étant déboutées de leurs autres prétentions ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué: d'une part, d'avoir, sans répondre aux conclusions de Cordier et en dénaturant tant les clauses des conditions générales du marché des Travaux Publics que celles des conventions liant les parties, réduit la demande en dommages et intérêts formulée par Cordier pour résiliation anticipée du marché, en tenant compte d'une diminution préalable d'un sixième de la masse initiale des travaux, au motif que, selon l'article 26 du cahier des clauses et conditions générales du marché l'Administration pouvait imposer une telle diminution à l'adjudicataire sans encourir le paiement d'une indemnité, alors que l'entreprise était en droit d'obtenir de l'Administration une indemnité sur la totalité des travaux supprimés, et alors qu'elle n'en avait rien fait bien qu'engagée vis-à-vis de Cordier aux termes de l'article 6 de l'acte du 4 janvier 1951 à «ne pas accepter de modifications des chiffres en ce qui concerne les
diverses catégories de matériaux à fournir et déjà prévues au marché sans l'accord écrit de Cordier», et qu'ainsi résultait de toute façon de cette convention que la clause de l'article 26 précité n'était pas opposable à Cordier ; d'autre part, d'avoir, écartant l'application de la formule paramétrique prévue par le cahier des charges en révision des prix, fixé à 281472 francs la valeur du solde des matériaux fournis par Cordier ;
Mais attendu d'une part que les juges du fond ont souverainement apprécié, eu égard à l'ambiguïté de la clause de l'article 26 et à la contrariété apparente de ce texte et de l'article 6 du contrat du 4 janvier 1951, que Cordier cessionnaire «entièrement substitué à l'entreprise prenait pour l'exécution du marché lui-même l'engagement de se conformer au devis particulier et au cahier des clauses et conditions générales imposées aux entrepreneurs de travaux publics» et que l'article 26 dudit marché stipulait qu'en cas de diminution dans la masse des travaux n'atteignant pas le sixième du montant de l'entreprise, il s'entendait que cette diminution était préalable ;
Que d'autre part Si dans sa requête d'appel Cordier avait souligné qu'il avait arrêté provisoirement le solde des comptes de fournitures à la somme de 281472 francs, ce montant étant établi sous réserve de l'application de la formule paramétrique, le jugement, dont la Cour d'appel a adopté les motifs, relève que les parties sont tombées d'accord devant l'expert pour fixer à 281472 francs la somme restant due sur les fournitures.
D'où il résulte que la Cour d'appel a pu, se référant aux conclusions de l'expert, fixer les dommages et intérêts auxquels Cordier avait droit à raison de la non extraction de 25000 m3-18487 m3=6513 m3, et à raison d'autre part «des frais inutilement engagés par lui en vue de ramassage des matériaux et de son manque à gagner réel» ;
Que le moyen n'est fondé ni en sa première ni en sa troisième branche ;
MAIS SUR LE MOYEN PRIS EN SA DEUXIEME BRANCHE:
Vu l'article 189 du dahir de procédure civile ;
Attendu que les décisions judiciaires doivent être motivées et que l'absence de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ;
Attendu que le contrat du 4 janvier 1951 stipulant que «l'entreprise consent, sur les vues des situations des travaux établies en fin de mois, à remettre à Cordier la somme correspondante à 70% du montant de ladite situation» et que «cette avance sera productrice d'intérêts qui seront décomptés sur la base de 10% l'an», Cordier a soutenu devant les juges du fond que les sommes qu'il avait pu recevoir ne constituaient pas des «avances», l'entreprise, suivant le décompte qu'il présentait, restant toujours sa débitrice, qu'ainsi à tort les premiers juges avaient retenu la prétendue synonymie des expressions «acomptes» et «avances»et l'avaient condamné à payer des intérêts sur des sommes reçues à titre de dû ;
Or, attendu que la Cour d'appel qui a condamné Cordier au montant desdits intérêts s'est bornée à adopter les motifs des premiers juges et n'a pas répondu aux moyens d'appel, comme elle en avait l'obligation encore qu'ils n'eussent fait l'objet d'aucune insertion dans le dispositif des conclusions ; qu'ainsi la Cour d'appel a violé le texte précité ;
ET SUR LA QUATRIEME BRANCHE:
Vu l'article 233 du dahir de procédure civile ;
Attendu qu'une demande formée en première instance et sur laquelle le tribunal a dit n'y avoir lieu de statuer ne peut, quand elle est reprise devant la juridiction d'appel, être écartée comme constituant une demande nouvelle ;
Attendu que, dans sa requête introductive d'instance, Cordier demandait paiement d'une somme de 42000 francs, restant due sur un précédent marché ; qu'en instance d'appel sur les
conclusions de Cordier tendant à obtenir paiement des 42000 francs, l'arrêt entrepris a répondu
que l'entreprise «Aa et AbB avait été assignée en vertu d'un marché bien déterminé, alors que ladite somme concerne une tractation différente ; qu'en statuant ainsi, en dépit des conclusions de la requête introductive et alors que rien n'empêchait Cordier d'assigner par le même acte, en paiement des sommes qu'il réclamait à son prétendu créancier sur le fondement d'obligations différant dans leur date et leur objet, la Cour d'appel a faussement appliqué et par suite violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'appel de Rabat le 31 mai 1958
mais seulement en ce que celui-ci a condamné Cordier à payer à l'entreprise «Aa et Bonnan» des intérêts sur la somme de 233270 francs a raison de 10% l'an et l'a débouté du chef de sa demande en paiement de la somme de 42000 francs.
Président: M Mazoyer-Rapporteur: Mme A général: M Bocquet.- Avocats: MM Motion, Poussier.
Observations
I.-V supra, note sous l'arrêt n°2.
La Cour suprême a rendu de nombreux arrêts dans le même sens à propos de l'interprétation
de la volonté des parties en fonction notamment des clauses ambiguës de conventions successives intervenues entre deux cohéritiers au sujet du partage de l'actif et de la répartition de la charge du passif (arrêt 194-60/61 du 23 mai 1961) ; d'une convention dont certaines dispositions prises isolément sont claires et précises, mais qui rapprochées les unes des autres deviennent ambiguës et contradictoires (arrêt 69-59/60 du 13 mai 1960) d'un contrat de bail précisant que le preneur serait tenu «de satisfaire à toutes les charges de ville, de police et de voirie et de payer toutes les impositions, contributions et charges de toute nature», suivi deux ans plus tard d'une part, d'un avenant stipulant notamment que le preneur et le bailleur «supporteront les charges respectives leur incombant», et d'autre part d'une lettre du bailleur précisant que «les clauses et conditions du bail subsisteront dans leur intégralité» (arrêt 273-58/59 du 15 juil. 1959) ; v aussi, infra, arrêts n°144 et n°177.
Il.-V supra, note sous l'arrêt n°94.
III et IV-Aucune disposition légale n'interdit à un plaideur de former dans une même requête des demandes entièrement différentes contre un même défendeur. C'est donc à tort que les premiers juges avaient refusé de connaître de la deuxième demande de Cordier ; pour la même raison, les juges d'appel auraient dû statuer au fond sur cette demande, alors qu'ayant été présentée aux premiers juges elle ne pouvait être considérée comme nouvelle.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C152
Date de la décision : 12/04/1961
Chambre civile

Analyses

1°CONTRATS ET CONVENTIONS-Clauses ambiguës ou contradictoires-Liberté d'appréciation des juges du fait.2°JUGEMENTS ET ARRETS-Motivation-Conclusions des parties-Défaut de réponse entraînant la nullité.3°APPEL-Demande sur laquelle la juridiction du premier degré a dit n'y avoir lieu à statuer-Demande nouvelle en appel (non).4°PROCEDURE-Demandes distinctes-Requête unique-Validité.

1°L'appréciation par les juges du fait des clauses ambiguës ou contradictoires des conventions des parties échappe au contrôle de la Cour suprême.2°Le juge du second degré est tenu de répondre aux moyens d'appel des parties même lorsque ces moyens ne sont pas insérés dans le dispositif de leurs conclusions.3°Une demande sur laquelle la juridiction du premier degré a dit n'y avoir lieu à statuer ne constitue pas une demande nouvelle lorsqu'elle est reprise en cause d'appel.4°Un demandeur peut par une requête unique assigner valablement son adversaire sur le fondement d'obligations différentes


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1961-04-12;c152 ?
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