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02/03/1961 | MAROC | N°P830

Maroc | Maroc, Cour suprême, 02 mars 1961, P830


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par Ae Ad et la compagnie d'assurances générales contre un jugement rendu le 9 novembre 1959 par le tribunal de première instance de Al qui a confirmé un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 22 avril 1959 déclarant Lahrichi civilement responsable de Ah Af Aa Ab et ordonnant la substitution de la compagnie d'assurances générales pour le paiement des condamnations civiles prononcées.
2 mars 1961
Dossier n° 5026
la Cour,
Attendu que la notification à son curateur effectuée le 12 février 1960 a, vis-à-vis de Ah
Af Aa Ab Aa Ai, fait c

ourir le délai d'opposition relativement aux disposition civiles du jugement...

Rejet du pourvoi formé par Ae Ad et la compagnie d'assurances générales contre un jugement rendu le 9 novembre 1959 par le tribunal de première instance de Al qui a confirmé un jugement du tribunal de paix de Casablanca-Sud du 22 avril 1959 déclarant Lahrichi civilement responsable de Ah Af Aa Ab et ordonnant la substitution de la compagnie d'assurances générales pour le paiement des condamnations civiles prononcées.
2 mars 1961
Dossier n° 5026
la Cour,
Attendu que la notification à son curateur effectuée le 12 février 1960 a, vis-à-vis de Ah
Af Aa Ab Aa Ai, fait courir le délai d'opposition relativement aux disposition civiles du jugement du 9 novembre 1959 notifié, qui faute d'opposition sont devenues définitives à l'expiration dudit délai ; que le pourvoi des demandeurs, en tant que dirigé contre ces dispositions, répond aux prescriptions de l'article 571 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, postérieurement à l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour suprême du 23 juin 1960 ayant renvoyé l'affaire à M. le Conseiller rapporteur, il a été satisfait aux exigences de l'article 592 (alinéa 1er ) dudit Code, et qu'ainsi l'affaire est actuellement en état d'être jugée ;
vu les mémoires des parties, à l'exception de celui tardivement déposé par le Fonds de garantie automobile ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, en sa première, prise d'un manque de base légale et de la dénaturation des faits de la cause, en ce que les juges du fonds ont à tort attribué à Ah Af Aa Ab les fonctions de « chauffeur » au service de Ae Ad, alors qu'il aurait en réalité été employé par ce dernier en qualité de « livreur » ayant seulement l'usage du véhicule pendant les matinées ;
Attendu que ce grief, étant mélange de fait et de droit, ne saurait être invoqué devant la Cour suprême ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 18 du dahir du 19 janvier 1953, en ce que le jugement attaqué a déclaré Ae Ad civilement responsable de son préposé Ah Af Aa Ab sans décider si celui-ci était ou non dans l'exercice de ses fonctions au moment de l'accident, alors que l'article 18, texte pénal d'interprétation stricte, exige que l'infraction ait été commise par le préposé dans l'exercice de ses fonctions ;
Attendu que si l'article 18 susvisé, texte à caractère civil inséré parmi des dispositions pénales, rend le propriétaire d'un véhicule garant du paiement des condamnations pécuniaires incombant personnellement à son préposé en conséquence d'une infraction à la police de la circulation commise par ce préposé dans l'exercice des fonctions auxquelles il est employé, c'est dans l'article 85 du dahir formant Code des obligations et contrats que la responsabilité civile des commettants trouve son fondement juridique ;que les commettants sont, en vertu dudit article 85, responsables des dommages causés par leurs préposés dans l'exercice normal et régulier des fonctions auxquelles ils les emploient, et que leur responsabilité de commettant s'étend aux dommages commis par ces préposés à l'occasion de leurs fonctions en raison des facilités qu'elles leur procuraient, dés lors que le fait dommageable se rattache par un lien de causalité ou tout au moins de connexité à l'exercice des fonctions confiées aux dits préposés ;
Attendu que des énonciations du jugement confirmatif attaqué et de celles de la décision du tribunal de paix dont il a adopté les motifs non contraires, il résulte « que l'inculpé Ah Af Aa Ab était employé au service de Ae Ad en qualité de chauffeur ;qu à ce titre il avait accès à la voiture automobiles de Ae Ad et que c'est en raison de cette circonstance qu'il a pu le jour du sinistre prendre possession de ce véhicule qui constituait son instrument de travail » ; « que Mahi ben Salah possédait les clefs et les papiers de la camionnette et la disposition du garage où il pouvait à tout moment prendre le véhicule sans avoir à en référer au patron » ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations de fait souveraines qui suffisent à établir que les fonctions confiées à Mahi ben Salah n'étaient pas étrangères à la conduite du véhicule, que les facilités accordées à ce préposé pour l'exercice de ses fonctions de chauffeur lui avaient fourni l'occasion et le moyen d'accomplir l'acte dommageable, et qu'ainsi la responsabilité civile de son commettant se trouvait engagée, les juges du fond ont légalement justifié leur décision déclarant Ae Ad civilement responsable de son préposé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
SUR LES DEUXIEME ET TROISIEME BRANCHES DU PREMIER MOYEN , prises de
l'insuffisance ou de la contrariété des motifs, et de l'adoption de motifs erronés puisés hors du dossier de la procédure, en ce que le jugement attaqué se serait fondé sur des considérations hypothétiques et dubitatives, sans justifier son choix entre des théories juridiques divergentes, et en faisant d'autre part spontanément état d'un autre accident non invoqué par les parties et concernant Mahi ben Salah ;
Attendu que le dispositif du jugement attaqué se trouvant déjà légalement justifié par les énonciations relatées à l'occasion de l'examen du second moyen, qui seules constituent son soutien nécessaire, la validité de la décision ne saurait être affectée par les irrégularités pouvant entacher.
Les divers motifs purement surabondants critiqués dans les deuxième et troisième branches du présent moyen ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M.Deltel. -Rapporteur : M.El Malki. -Avocat général : M.Ruolt. -Avocats : M.Sabas,Clouet , Cagnoli.
Observations
I-Sur le premier point : V.la note, troisième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct.1960.
II-Sur le deuxième point : V. la note, premier point, sous l'arrêt n° 732 du 3 nov.1960. III-Sur les troisième et quatrième points : Aux termes de l'al.1er de l'art.18 Dh.19 janv.1953,
sur la conservation de la voie publique et la police de la circulation et du roulage, « tout propriétaire
de véhicule ou d'animaux est responsable des amendes, dommages-intérêts et frais auxquels son préposé peut être condamné, en vertu des articles du présent titre ou des lois spéciales, pour infraction commise dans les fonctions auxquelles il l'a employé ».
L'art.85 Dh.12 août 1913 formant C.oblig. et contrats, qui constitue le droit commun de la matière, prévoit, dans son al.3, que « les maîtres et commettants » sont responsables « du dommage causé par leurs domestiques et préposées dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ».
Sur la notion de commettant, v. la note, sixième point, sous l'arrêt n° 744 du 10 nov.1960.
Le commettant est responsable non seulement du dommage commis par le préposé dans
l'exercice normal et régulier des fonctions auxquelles il est employé mais également de celui qu'il cause à l'occasion de ses fonctions, en raison des facilité qu'elles lui procurent, dés lors que le fait dommageable se rattache par un lien de causalité ou tout au moins de connexité à l'exercice des fonctions.
La formule de la Chambre criminelle se rapproche de celle de la Chambre civile de la Cour de cassation (Civ.14 juin 1957, D.1958.53 et la note de M.René Savatier, J.C.P.1957.11.10188 et la note de M.René Rodière, Gaz.Pal.1957 2.86) et de celle des Chambres réunies de la dites Cour (9 mars 1960, D.1960.329 et la note de M.René Savatier, J.C.P1960.11.1159 et la note de M.René Rodière, Gaz.Pal.1960.1.313, Rev.trim.dr.civ.1960, p.470, n° 16), toutes deux citées dans notre note sous l'arrêt n° 552 du 18 févr.1960, Rec.crim.t.219.
En l'espèce, Mahi Salah était employé en qualité de chauffeur au service de Lahrichi. Ses fonctions, loin d'être étrangères à la conduite du véhicule de son commettant, lui avaient au contraire fourni l'occasion et le moyen de commettre le dommage. Lahrichi devait donc être déclaré civilement responsable de Mahi Salah.
IV.- Sur le cinquième point : « Lorsque la décision s'appuie sur des motifs réguliers, elle ne peut être cassée à raison motifs erronés et surabondants » (Faye, n° 113).V.Rép.pr.civ. V° Cassation, par Ag Aj, n° 2179 et les arrêts cités ; Rép.Crim., V° Cassation, par Ac Ak, n° 346 ;
Le Clec'h, Fasc. III, n° 309 ; Crim.16 mai 1930 B.C.148. 31 MARS 1931. b.c.103 ; 22 juin 1933, B.C.135 ; 16 févr1934, B.C.35. 19 OCT.1934 ? b.c.167 ; 18 oct.1946, B.C.180 ; 7 nov1946, B.C.193.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P830
Date de la décision : 02/03/1961
Chambre pénale

Analyses

1° CASSATION - Décisions susceptibles de pourvoi - Décision définitives - jugement par défaut à l'encontre du prévenu - Pourvoi du civilement responsable et de l'assureur. 2° CASSATION - Moyen irrecevable - Moyen mélangé de fait et de droit. 3° RESPONSABILITE CIVILE - Commettant - Acte du préposé commis à l'occasion de ses fonctions.4° CIRCULATION - Responsabilité civile du propriétaire du véhicule - Préposé - Acte commis à l'occasion des fonctions - Article 18 du dahir du 19 janvier 1953. 5° CASSATION -Moyen de cassation - Moyen critiquant un motif surabondant.

1° le pourvoi formé par le civilement responsable et l'assureur contre les dispositions civiles d'un jugement ayant statué contradictoirement à leur égard mais par défaut à l'égard du prévenu, est recevable si la notification faite au curateur du défaillant n'a pas été suivie d'opposition dans le délai légal.2° Un moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable devant la Cour suprême. 3° et 4° Les juges du fond, qui constatent que les fonctions du prévenu n'étaient pas étrangères à la conduite du véhicule de son commettant, que les facilités accordées au préposé pour l'exercice de ses fonctions de chauffeur lui avaient fourni l'occasion et le moyen d'accomplir l'acte dommageable, justifient légalement leur décision déclarant le commettant civilement responsable de son préposé.5° Le motif erroné d'un jugement ne donne pas ouverture à cassation lorsqu'il est surabondant.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1961-03-02;p830 ?
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