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22/12/1960 | MAROC | N°P781

Maroc | Maroc, Cour suprême, 22 décembre 1960, P781


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur le pourvoi formé par A Ac ben Rahal contre un jugement rendu le 4 juin 1960 par le tribunal de première instance de Casablanca qui a mis hors de cause la compagnie d'assurances La France Africaine.
22 décembre 1960
Dossier n° 6099
La Cour, SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, EN SA PREMIERE BRANCHE, prise de ce que les juges
d'appelauraient admis la preuve testimoniale pour établir l'existence entre le prévenu et les victimes d'une convention de transport à titre onéreux, alors que la preuve d'un tel contrat devait être rapportée conformément aux règles du dr

oit civil ;
Mais attendu que l'existence d'un accord conclu entre le pr...

Cassation sur le pourvoi formé par A Ac ben Rahal contre un jugement rendu le 4 juin 1960 par le tribunal de première instance de Casablanca qui a mis hors de cause la compagnie d'assurances La France Africaine.
22 décembre 1960
Dossier n° 6099
La Cour, SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, EN SA PREMIERE BRANCHE, prise de ce que les juges
d'appelauraient admis la preuve testimoniale pour établir l'existence entre le prévenu et les victimes d'une convention de transport à titre onéreux, alors que la preuve d'un tel contrat devait être rapportée conformément aux règles du droit civil ;
Mais attendu que l'existence d'un accord conclu entre le prévenu et les passagers de son véhicule en vue de leur transport, gratuit ou onéreux, n'a jamais été contesté ; que la compagnie d'assurances, étant demeurée étrangère à une telle convention, avait la faculté d'en démontrer par tout moyen de preuve la caractère onéreux pour justifier l'exclusion de garantie dont elle se prévalait, qu'au surplus, en raison du montant de la somme litigieuse inférieur à celui prévu à l'article 443 du dahir formant Code des obligations et contrats, la preuve de la convention pouvait en tout hypothèse être rapportée par témoins ; d'où il suit que les juges d'appel, en se basant sur les déclarations des passagers pour admettre le caractère onéreux du transport, n'ont violé aucune disposition légale ;
ET SUR LA SECONDE BRANCHE DU MOYEN :
Attendu que la compagnie d'assurances « La France Africaine » concluait à sa mise hors de
cause en raison du transport à titre onéreux de trois personnes effectué par A, le contrat d'assurances collectif souscrit par la société l'Energie Electrique du Maroc propriétaire du véhicule et employeur du prévenu excluant de la garantie les tiers transportés à titre onéreux ;
Attendu qu'en réponse à cette exception le jugement attaqué énonce :
« qu'il convient de faire droit aux dites conclusions de la compagnie d'assurances puisque
d'une part, les trois passagers transportés par A, dont un non-demandeur en la cause, ont constamment soutenu avoir versé chacun la somme de mille francs au prévenu en paiement de leur transport, et d'autre part la police d'assurance automobile n° 342 436 souscrite par l'Energie Electrique du Maroc, exclut expressément de la garantie, en son article 3, les tiers transportés à titre onéreux » ;
Attendu que le demandeur, invoquant la disposition de l'article 3 alinéa 4 de la police d'assurance, fait grief à cette décision d'être dépourvue de base légale en ce que les juges d'appel n'ont pas recherché si le paiement invoqué par les victimes ne constituait pas une participation à de menus frais de route non exclusive de la garantie ;
Attendu que la disposition invoquée de la police d'assurance est ainsi conçue : « Sont considérés comme transportés à titre gratuit les voyageurs qui, sans payer de rétribution proprement dite pour le prix de leur transport, peuvent néanmoins participer occasionnellement et bénévolement à de menus frais de route. » ;
Attendu qu'il résulte de cette clause que le seul fait de la remise d'une somme d'argent par les personnes transportées ne constitue pas nécessairement la preuve d'un transport effectué à titre onéreux ; qu'il faut en outre que le juge constate que cette somme constitue une rétribution proprement dite, ou encore qu'elle ne peut être considérée comme une participation bénévole ou occasionnel à de menus frais de route ;
Attendu qu'en s'abstenant de préciser à quel titre une somme d'argent avait été remise au conducteur les juges d'appel, qui n'ont d'ailleurs pas constaté le caractère onéreux du transport mais se sont bornés à rapporter les affirmations des personnes transportées, n'ont pas donné de base légale à leur décision ;
PAR CES MOTIFS
Casse et annule entre les parties au présent arrêt le jugement du tribunal de première instance de Casablanca en ce qu'il a mis hors de cause la compagnie d'assurances «La France Africaine » ;
Pour être statué à nouveau conformément à la loi et dans la limite de la cassation intervenu, renvoie la cause et les parties devant le tribunal de première instance de Casablanca autrement composé.
Président M. Deltel. - Rapporteur : M. Ab - Avocat général : M. Aa. - Avocats : MM. J.P. Mélia, Walch, Cagnoli.
Observations
I.- Sur le premier point. - Lorsqu'une police d'assurance exclut de la garantie les tiers transportés à titre onéreux, la preuve du caractère gratuit du contrat de transport incombe à l'assuré ou
à la victime (Ae Ad, Le transport gratuit et l'assurance,Rev. Gén. Assur. Terr. 1958. 361 s ; Roger Perrot, La charge de la preuve en matière d'assurance, ibid, 1961. 5, spécialement p. 19). Il appartient en effet à l'assuré de rapporter la preuve de l'obligation dont il se prévaut (art. 399 et 400 du dahir formant Code des oblig. Et contrats).
Mais l'assureur, au lieu de se contenter d'une attitude passive, peut prendre l'initiative de prouver que la garantie est exclue. Etant demeuré étranger au contrat de transport, il peut en démontrer le caractère onéreux par tous moyens de preuve.
Sur la preuve testimonial, v. les art. 443 à Dh. Précité.
II. -Sur le deuxième point. - Sur le manque de base légale, v. la note, troisième point, sous
l'arrêt n° 732 du 3 nov. 1960.
Le contrat d'assurance excluait, en l'espèce, de la garantie les tiers transportés à titre onéreux,
mais stipulait que « sont considérés comme transportés à titre gratuit » et, par conséquent, couverts par l'assurance, « Les voyageurs qui, sans payer de rétribution proprement dite, peuvent néanmoins participer occasionnellement et bénévolement à de menus frais de route ».
Les juges du fond avaient mis hors de cause la compagnie d'assurances sans même constater la caractère onéreux du contrat, ni relever les circonstances de fait qui auraient pu révéler son véritable caractère.
La chambre criminelle ne pouvait dans ces conditions exercer son pouvoir de contrôle et, en cassant la décision, elle indique à la juridiction de renvoi, dans les motifs de son arrêt, les points sur lesquels devra porter sa motivation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P781
Date de la décision : 22/12/1960
Chambre pénale

Analyses

1° ASSURANCES TERRESTRES - Exception de non-assurance - Contrat de transport à titre onéreux - Modes de preuve.2° JUGEMENTD ET ARRETS - Motifs insuffisants - Assurances terrestres - Transport de personnes à titre onéreux - Clause de la police d'assurance - Constatations nécessaires. 3°CASSATION - Ouvertures à cassation - Motifs insuffisants - Assurances terrestres.

1° Une compagnie d'assurances a la faculté, pour justifier l'exclusion de garantie dont elle se prévaut, de démontrer par tout moyen de preuve l'existence du contrat de transport à titre onéreux qui aurait, selon elle, été conclu entre l'assuré et les passagers du véhicule de ce dernier.2° et 3° Lorsqu'une police d'assurance, qui exclut expressément de la garantie les tiers transportés à titre onéreux, stipule que « sont considérés comme transportés à titre gratuit les voyageurs qui, sans payer de rétribution proprement dite, peuvent néanmoins participer occasionnellement et bénévolement à de menus frais de route », il en résulte que le seul fait de la remise d'une somme d'argent par les personnes transportées ne constitue pas nécessairement la preuve d'un transport effectué à titre onéreux et qu'il faut en outre que le juge constate que cette somme constitue une rétribution proprement dite ou encore qu'elle ne peut être considérée comme une participation bénévole ou occasionnelle à de menus frais de route.Dès lors, en s'abstenant de préciser à quel titre une somme d'argent a été remise au conducteur du véhicule, les juges du fond, qui ne constatent d'ailleurs pas le caractère onéreux du transport mais se bornent à rapporter les affirmations des personnes transportées, donnent pas une base légale à leur décision mettant hors de cause la compagnie d'assurances.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1960-12-22;p781 ?
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