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24/11/1960 | MAROC | N°P755

Maroc | Maroc, Cour suprême, 24 novembre 1960, P755


Texte (pseudonymisé)
Cassation sur le pourvoi formé par Ad Ab Aa Ae et Af Ab Ac Ah Ag contre un jugement rendu le 23 mai 1960 par le tribunal de première instance de Fès qui les a déclarés civilement responsables de Ahmed ben Ac Ak.k.
24 novembre 1960
Dossier n° 5625
L a Cour,
Vu les mémoires produits mais écartant des débats le mémoire en réplique produit par les
demandeurs et non prévu par le Code de procédure pénale ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 298 du Code procédure pénale ;
vu l'article 298 du Code de procédure pénale, en ses alin

éas 2 et 3, disposant d'une part que les décisions des juridictions doivent « être ren...

Cassation sur le pourvoi formé par Ad Ab Aa Ae et Af Ab Ac Ah Ag contre un jugement rendu le 23 mai 1960 par le tribunal de première instance de Fès qui les a déclarés civilement responsables de Ahmed ben Ac Ak.k.
24 novembre 1960
Dossier n° 5625
L a Cour,
Vu les mémoires produits mais écartant des débats le mémoire en réplique produit par les
demandeurs et non prévu par le Code de procédure pénale ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation de l'article 298 du Code procédure pénale ;
vu l'article 298 du Code de procédure pénale, en ses alinéas 2 et 3, disposant d'une part que les décisions des juridictions doivent « être rendues à peine de nullité part des juges ayant participé à toutes les audiences de la cause », d'autre part qu'en cas d'indisponibilité d'un ou plusieurs magistrats au cours de l'examen de l'affaire, « cet examen est repris en son entier ».
Attendu que par les mots « toutes les audiences de la cause » on doit entendre toutes les audiences relatives au litige que le jugement sur le fond avait pour but de terminer, et donc même celles ayant précédé un jugement antérieur prescrivant une mesure d'instruction dès lors qu'au cours desdites audiences ce litige avait commencé à être partiellement examiné au fond, que des témoins avait été entendus, et qu'il n'avait pas été statué sur le point examiné ;
Attendu qu'il résulte des expéditions de jugements, régulièrement délivrées, que MM. Boussard, Joye et Billiemaz, juges composant le tribunal dans sa formation auyant rendu le jugement attaqué du 23 mai 1960, n'avaient pas participé le 19 octobre 1959 à la première audience de la cause au cours de laquelle, après interrogatoire du prévenu, cinq témoins furent entendus par le tribunal alors composé de MM. Raynaud, Albertini et Doelsch ; qu'il importe peu qu'à la suite l'audience de ces témoins un complément d'information ait été ordonné ; qu'en effet le tribunal ayant commencé à l'audience l'instruction orale de l'affaire en recueillant ces dépositions, il ne pouvait plus être statué au fond en pleine connaissance de cause que par des magistrats qui, soit qu'ils aient entendu les témoignages du 19 octobre 1959, soit que ces témoignages aient, sauf impossibilité constatée, été renouvelés devant eux, auraient eu une connaissance entière de l'instruction et auraient ainsi été en mesure d'apprécier personnellement tous les moyens de la cause ; que certes le tribunal, en sa seconde formation, a tenté le 11 avril 1960 de reprendre l'examen de l'affaire en procédant notamment à un nouvel interrogatoire du prévenu, mais qu'en l'absence de nouvelle audition des témoins cet examen n'a pas, comme l'exige l'article 298 en son alinéa 3 précité, été « repris en son entier » ;
Qu'en conséquence, et sans même relever qu'il fait état d'un complément d'information irrégulièrement diligenté par un juge n'ayant pas siégé à l'audience du 19 octobre 1959, le jugement attaqué se trouve frappé de la nullité qu'édicte l'alinéa 2 du même article ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu'il soit besoin de statuer les autres moyens ;
Casse et annule entre les parties au présent arrêt le jugement du tribunal de première instance de Fès en date du 23 mai 1960, mais seulement en ses dispositions concernant la responsabilité civile Ad Ab Aa Ae et d'Abdellah ben Ac Ah Ag, les mises hors de cause de « l'Etat marocain et de la « Compagnie d'Assurances l'Aigle » et l'intervention du « Fonds de Garantie Automobile » ;
Et pour être statué à nouveau conformément à la loi et dans la limite de la cassation intervenue, renvoi la cause et les parties devant le tribunal de première instance de Rabat. Président : M. A : M. Zehler.- Avocat général : M. Rulot.- Avocats : Fernandez et Botbol, Pons-Fraissinet.
Observations
I.- Sur le premier point.- V. la note, premier point, sous l'arrêt n° 725 du 27 oct.1960.
II.- Sur les deuxième, troisième et quatrième points.-Aux termes de l'art. 298 C.proc.pén.
« toute juridiction doit, pour siéger valablement, être composée du nombre de juges légalement prescrit ».
« Ses décisions doivent être rendues, à peine de nullité, par des magistrats ayant participé à toutes les audiences de la cause. »
« En cas d'indisponibilité d'un ou plusieurs magistrats au cours de l'examen de l'affaire, cet examen est repris en son entier ».
l'art. 352 du même code prévoit que « les jugements ou arrêts sont nuls :
1° Si, en violation de l'art. 298, ils n'ont été rendus par le nombre de juges prévu par la loi, ou
s'ils ont été rendus par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences où l'affaire a été instruite. ».
La compositions des juridictions est d'ordre public (arrêt nos 657 du 2 juin 1960, Rec. Crim. t.1.290 et 664 du 9 juin 1960, ibid. 300 ; Crim. 19 janv.1954, Gaz. Pal .1954.1.363 ;Faye, n° ; Rép.pr.civ., V°Cassation, par Ai Aj, n° 1205).
Une composition irrégulière est de nature à porter atteinte aux droits de la défense et les parties ne peuvent recnoncer à s'en prévaloir (arrêts nos657et664précités;Crim.2déc.1869,B.C.248,D.P.1870.1.320,S.1870.1.232).
Interprétant les dispositions du paragraphe 2 de l'art. 7 de la loi française du 20 avr. 1810, qui prescrit également que « les arrêts qui ont été rendus par des juges qui n'ont pas assisté à toutes les audiences de la cause, sont déclarés nuls », la Chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé que, par l'expression « toutes les audiences de la cause », il fallait entendre toutes les audiences relatives à la contestation que le jugement définitif avait pour but de terminer et non les audiences qui ont précédé un premier jugement prescrivant une mesure d'instruction (Crim.4 juin 1830, D., V° Jugement, n° 742. I° ; 4 déc. 1857, B.C. 390, D.P.1858. 1. 94; 1 er
déc. 1860, D.P. 1861. 5.279 ; 28 juin 1861, D.P. 1862.1.98. 13 AVR. 1866, D.P. 1866.5.270 ; 10 janv.1879, B.C.17, D.P. 1879.1.276 ; 3 avr. 1930, B.C.109). L'expression signifie « toutes les audiences où la cause a été instruite, plaidée ou jugée » (Crim. 28 juin 1939, B.C. 141 ; 31 mars 1944, D.A.1944.89).
La portée de cette règle doit être précisée.
A) Lorsque le tribunal a rendu un premier jugement ayant pour effet de scinder l'instance
pénale en deux phases nettement distinctes, de telle sorte que l'instruction qui a précédé cette décision n'est pas nécessaire au jugement sur le fond, la composition de la juridiction appelée à statuer ultérieurement peut être différente de celle ayant rendu le premier jugement.
Il en est ainsi notamment lorsque le tribunal a simplement :
1° tranché définitivement un incident (nullité de citation, exceptions de non-recevabilité, de chose jugée ou de prescription) ;
2° accordé au prévenu un délai pour saisir le tribunal compétent d'une question préjudicielle de propriété (Crim. 4 déc. 1857, 10 janv. 1879 précité) ;
3° renvoyé l'affaire à une audience ultérieure (Crim. 3 mai 1849, D.P. 1849.5.621. 29 août 1861 et 28 juin 1939 précités) ;
4° ordonné une mesure d'instruction dont seuls les résultats seront appréciés au moment du jugement sur le fond.
Dans tous ces cas, le juge « qui est appelé ultérieurement à prononcer sur le fond n'a pas mission de mener à fin une ouvre commencée ; il est au contraire saisi d'une autre cause, en quelque sorte indépendante de celle préalablement jugée, sur laquelle il devra statuer après de nouveaux débats et sur les conclusions nouvelles des parties » (Le Poittevin, art. 153, n° 7).
B) Au contraire, si le tribunal, après avoir commencé l'instruction de l'affaire, ordonné par un jugement avant dire droit et sans trancher aucun point du litige, l'audition d'autres témoins, cette audition ne constitue qu'une continuation de l'instruction déjà entreprise et nécessite la participation des mêmes magistrats (v. Crim. 8 nov.1889, B.C.329 ; 15 juil. 1927, B.C. 175 ; 11 juil. 1929, B.C.199 ; 24 avr. 1947, B.C. 113 ; Comp.Crim.30 août 1821, B.C.138. 14 avr, B.C 118, D.P.1848.5.249 en ce qui concerne l'interrogatoire du prévenu).
Comme autres exemples de compositions irrégulière, v. les arrêts nos 664 du 9 juin 1960, Rec.crim.t.1.300 et 889 du 15 juin 1961, publié dans ce volume.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P755
Date de la décision : 24/11/1960
Chambre pénale

Analyses

1° CASSATION-Instruction du pourvoi-Mémoire en réplique non prévu en matière pénale, écarté des débats.2° COURS ET TRIBUNAUX-Composition-Participation des magistrats à toutes les audiences de la cause-Signification de l'expression « toutes les audiences de la cause ». 3° CASSATION-Ouvertures à cassation-Violation de la loi-Composition de la juridiction. 4° JUGEMENT ET ARRET-Violation de la loi-Composition de la juridiction.

1° Le mémoire en réplique, document non prévu par les règles de procédure applicables à l'instruction des pourvois en matière pénale, doit être écarté des débats. 2° 3°4° L'article 298 du Code de procédure pénale, en ses alinéas 2 et 3, dispose d'une part que les décisions des juridictions doivent être rendu à peine de nullité par des juges ayant participé à toutes les audiences de la cause et d'autre part qu'en cas d'indisponibilité d'un ou plusieurs magistrats au cours de l'examen de l'affaire, cet examen est repris en son entier. Par les mots « toutes les audiences de la cause », on doit entendre toutes les audiences relatives au litige que le jugement sur le fond a pour but de terminer et donc même celles ayant précédé un jugement antérieur prescrivant une mesure d'instruction, dès lors qu'au cours desdites audiences ce litige a commencé à être partiellement examiné au fond, que des témoins ont été entendus et qu'il n'a pas été statué sur le point examiné. Lorsque le tribunal a commencé à l'audience l'instruction orale de l'affaire en recueillant la déposition de cinq témoins, il ne peut plus être statué au fond en pleine connaissance de cause que par des magistrats qui soit qu'ils aient personnellement entendu ce témoignages à l'audience, soit que ces témoignages aient, sauf impossibilité constatée, été renouvelé devant eux, auraient eu une connaissance entière de l'instruction et auraient été en mesure d'apprécier personnellement tous les moyens de la cause. La cassation doit être prononcée même lorsque le tribunal, en sa seconde composition, a tenté de reprendre composition, a tenté de reprendre ultérieurement l'examen de l'affaire, en procédant notamment à un nouvel interrogatoire du prévenu, car en l'absence de nouvelle audition des cinq témoins, cet examen n'a pas, comme l'exige l'article 298 en son alinéa 3, été « repris en son entier ».


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1960-11-24;p755 ?
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