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10/11/1960 | MAROC | N°P744

Maroc | Maroc, Cour suprême, 10 novembre 1960, P744


Texte (pseudonymisé)
Rejet du pourvoi formé par As Aa Ah et jaime Encarnacao contre un jugement rendu le 11 ijuin 1959 par le tribunal régional de Tranger qui a condamné le premier, pour infractions au Code de la route et blessures involontaires, à diverses amendes et à payer des indemnités aux parties civiles et a déclaré le second civilement responsable de As Aa Ah.h.
10 novembre1960
Dossier n° 4234
La Cour,
Vu les mémoires produits par les demandeurs ; écartant des débats le mémoire en réponse
déposé hors délai au nom de Av Ae Ad Ae Ab ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pri

s de la violation des articles 46, 47 et 48 du
Code de procédure criminelle de Tan...

Rejet du pourvoi formé par As Aa Ah et jaime Encarnacao contre un jugement rendu le 11 ijuin 1959 par le tribunal régional de Tranger qui a condamné le premier, pour infractions au Code de la route et blessures involontaires, à diverses amendes et à payer des indemnités aux parties civiles et a déclaré le second civilement responsable de As Aa Ah.h.
10 novembre1960
Dossier n° 4234
La Cour,
Vu les mémoires produits par les demandeurs ; écartant des débats le mémoire en réponse
déposé hors délai au nom de Av Ae Ad Ae Ab ;
SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, pris de la violation des articles 46, 47 et 48 du
Code de procédure criminelle de Tanger, en vigueur à l'époque, défaut de motifs, manque de base légale, en ce que le jugement attaqué a déclaré As Aa Ah coupable de la contravention de défaut de droite à un croisement et du délit d'excès de vitesse, alors que de l'examen des éléments du dossier, des débats et notamment des traces des véhicules signalés par le procès-verbal de police, il ressort que As Aa Ah circulait en tenant sa droite et à une vitesse qui ne dépassait pas 40 km à l'heures ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de la décision du premier juge, dont le jugement confirmatif attaqué s'est approprié les motifs, que As Aa Ah essayant la voiture appartenant à Bailley qu'il venait de réparer, s'était engagé à une allure très rapide sur la pente montante de la route du Charf, ayant dessein de pousser son mécanisme pour l'éprouver ; que, surpris à une légère courbe par l'arrivée de la voiture conduite par Av Ae Ad Ae Ab, il fut incapable de dominer sa vitesse qui, au tournant, l'avait déporté un peu vers la gauche, et que l'étroitesse de la route ne lui permit pas d'éviter le heurt du véhicule qu'il devait croiser ;
Attendu que par ces constatations de fait non contradictoires entre elles, qui relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond et échappent, en conséquence, au contrôle de la Cour suprême, le jugement attaqué a suffisamment motivé sa décision et lui a donné une base légale ; que l'argumentation du demandeur fondée sur l'existence de traces matérielles des véhicules ne peut être examinée par le juge de cassation puisqu'elle ne soulève aucune question de droit ;
D'où il suit que le moyen ne saurirait être accueilli ;
SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION, EN SES TROIS BRANCHES, pris de la
violation des articles 1374 et 1378 du Code des obligations et contrats de Tanger, auxquels se réfère l'article 48 du Code de procédure criminelle de Tanger soumettant les tribunaux répressifs aux règles de droit civil pour l'appréciation de la preuve concernant les dommages et leur montant, en ce que le tribunal régional de Tanger a condamné les demandeurs au paiement de diverses indemnités en faveur de Aq Aj Ag et Av bien Ad Ae Ab, alors que,
1° ces derniers étaient sans qualité pour se constituer partie civile, ayant déjà indemnisés par la Compagnie Nord-Africaine et Intercontinentale d'Assurances,
2° aucun d'eux n'a justifié suffisamment du montant du préjudice allégué, l'expertise invoquée par Ben Ab étant dénuée de valeur, faute d'avoir été ordonnée judiciairement et contradictoirement discutée par les parties,
3° As Ac Ah a été déclaré civilement responsable de son fils As Aa Ah, ben qu'il ne puisse être tenu comme tel, ni en qualité de commettant, son fils n'étant pas son préposé en tant que mécanicien, ni en qualité de père, son fils étant majeur ;
Attendu en ce qui concerne la première branche du moyen que de l'examen de la procédure il résulte que seul Ag a, en vertu d'une police d'assurances « tous risques», été remboursé des dégâts subis par son véhicule automobile sous réserve de la décision à intervenue quant à la responsabilité de l'accident; que ce remboursement découle d'une convention privée qui ne saurait exonérer les demandeurs de la responsabilité de l'accident ; que ce remboursement découle d'une convention privée qui ne saurait exonérer les demandeurs de la responsabilité civile qu'ils ont en coure du fait d'infractions pénales ;
Attendu, en ce qui concerne la deuxième branche du moyen, que les tribunaux répressifs, ils doivent respecter les règles du droit civil pour la preuve des faits juridiques, jouissent au contraire, en vertu des dispositions de l'article 48 du Code de procédure criminelle de Tanger, d'une entière liberté pour apprécier la preuve de « tous les faits qui peuvent, de près ou de loin, influencer l'existence de la culpabilité ou sa mesure » ; qu'en affirmant posséder les éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le montant du préjudice subi par Ag et en faisant état des factures produites par Ben Ab, le jugement attaqué a, par des constations souveraines, non contradictoires entre elles, donné une base légale à sa décision.
Attendu, en ce qui concerne la troisième branche du moyen, que la décision du premier juge, dont les juges d'appel se sont appropriés les motifs, a caractérisé le lien de commettant à préposé unissant Ah père et fils ; qu'elle énonce en effet que Ah père était directeur propriétaire du garage auquel la voiture avait été confiée aux fins de réparation, et que l'accident s'est produit au moment où Ah fils, mécanicien commandé par son père, chef du garage, essayait cette voiture qu'il venait de réparer ; que ces constations de fait, les juges du fond ont justifié leur décision déclarant Ah père civilement responsable de son mécanicien ;
D'où il suit que le moyen, en ses trois branches, dont la première manque partiellement en fait, n'est pas fondé ;
SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION, pris de ce que le jugement attaqué aurait statué «ultra petita » en ce qu'il a condamné Ah père, comme civilement responsable de son fils, à payer une indemnité de 188 541 francs à Ben Ab, alors que ce dernier avait uniquement assigné, par voie de citation directe, Ah fils comme prévenu et Ag comme civilement responsable, sans formuler contre Ah père aucune réclamation ;
Attendu que, n'ayant pas été soumis aux juges du fond par des conclusions régulières à l'occasion du jugement du 11 juin 1959, ce moyen nouveau ne saurait être accueilli par la Cour suprême ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président : M. A : M.Mendizabal.- Avocat général : M. Rulot.- Avocat : Me PalmaNavas.
Observations
I.- Sur le premier point : V. la note, premier point, sous l'arrêt n° 725 du 27 oct 1960.
II.- Sur le second point : V. la note, point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct. 1960.
III.- Sur le troisième point : La juridiction de cassation ne constituant pas un troisième degré de os juridiction, les moyens de pur fait présentés à l'appui du pourvoi ne sont pas recevables (Arrêts n85 du Ier juill.1958, Rec. Crim. T. 1.27 ; 548 du II févr. 1960,ibid. 215 du 31 mars 1960, ibid. 258 ; 663 du 9 juin 1960, ibid. 297 et l'arrêt n° 864 du 20 avr. 1961, publié dans ce volume ; Rép. Pr.civ., V° Cassation, par antonin Besson, nos 851s. ; Rép. Crim., V° Cassation, par Az Ay, n° 306 ; Le Clec'h, Fasc. IV, nos 125 s. ; Vitu, P. 416).
IV.- Sur le quatrième point : Sur la notion de « qualité », v. la note, deuxième point, sous l'arrêt n° 726 du 27 oct. 1960.
L'action civile n'est recevable devant la juridiction répressive qu'autant que la partie qui l'exerce a subi un préjudice personnel et actuel, résultant directement de l'infraction elle-même par une relation de cause à effet (Le Poittevin, Art. Ier, nos 383 s. ; Rép. Crim., V° Action civile, par Am At, nos 26 s. ; Nouv. Rép. V° Action civile, n° 5 ; Donnedieu de Vabres, n° 1122 ; Bouzat et Pintel, 2, n° 1000 ; Garraud, 2, 107-11 ; Ao et Levsseur, n° 137 ; Vitu, p. 151 ; Crim. 14 déc. 1928, D.P. 1930.1.123, J.C.P. 1930. 551 et la note de M. Am Be ; 2 mai 1956, B.C. 793 ; 7 mai 1957, B.C. 376. 16 Oct. 1957, B.C. 645; 29 janv. 1958, B.C. 96; 5 févr. 1958, B.C. 119; 6 mai 1959, B.C. 244. 15 juill. 1959, B.C. 351).
Il a été jugé, en application de ce principe, que l'action civile, exercée devant les juridictions répressives par une compagnie d'assurances pour le remboursement des sommes versées à son assuré en vertu d'une police « tous risques » est irrecevable, le préjudice subi par cette compagnie d'assurances ne résultant pas directement de l'infraction poursuivie (Arrêts nos 579 du 10 mars 1960, Rec. Crim. T. 1.243 et 892du 22 juin1961, B.C.95 ; 16 déc.1948, B.C.122 ; 18 déc. 1952,Gaz. Pal. 1953. I.190 ; 4 mai 1954, B.C. 152, Gaz. Pal. 1954. 2. III, J.C.P. 1954 II. 8245 et la note de M. Af Ak ; Bb. 10 oct. 1957, D. 1958.386 et la note de M. Ax Al ; Paris, 16 mai 1956, Gaz. Pal. 1956. 2. 171).
De même, une compagnie d'assurance ne subit aucun dommage résultant directement du vol qualifié commis au préjudice de son assuré et elle ne peut obtenir devant la juridiction répressive la réparation d'un préjudice qui est la conséquence, non du crime, mais du contrat intervenu entre elle et la victime (Crim. 8 juill. 1958, B.C.920,Gaz.Pal. 1958.2.227 ; 26 déc. 1961,Gaz. Pal.1962.I.211).
Au contraire, lorsque la victime d'un accident a subi personnellement un préjudice résultant directement de l'infraction retenue à la charge du prévenu, le fait qu'elle ait été indemnisée par son assureur ne rend pas irrecevable sa constitution de partie civile.
V.- Sur le cinquième point : V. la note, huitième point, sous l'arrêt n°726 du 27 oct. 1960. L'art. 48 C. proc.crim. Tanger, aujourd'hui abrogé par l'art. 772 C. proc. Pén. Prescrivait que
« Tous les faits qui peuvent, de près ou de loin, influencer l'existence de la culpabilité ou sa mesure doivent être admis en preuve ».
« Tous les modes de preuve sont admissibles pour les établir ».
« Toutefois, s'il s'agit de faits juridiques, les règles du droit civil demeurent applicables ». VI.- Sur le sixième point : Le commettant est celui qui, faisant appel pour son compte et son
profit personnel à l'intervention d'une autre personne, a le droit de lui donner des ordres et des instructions sur la manière de remplir les fonctions auxquelles elle est employée et qu'elle accomplit
pour lui (Civ. 15 juin 1926, S.1926.1.249 et la note de M. Ak ; Bb. 9 juin 1931, D.P. 1931.1.171 et la note de M. Ap ; 23 juin 1932, Gaz. Pal. 1932.2.462 ; 20 mai 1933, Gaz. Pal. 1933.2.352 ; 28 juin 1934, S. 1934.I. 316 ; Civ. 30 avr.1947, D. 1947.305) ; c'est celui qui a « un droit de direction, de surveillance et de contrôle » (Civ. 16 juin 1936, D.H. 1936, 427, S. 1936. I. 261 et le rapport de M. Bd Ai ; 4 mars 1937.363).
Sur la notion de commettant, v. Colin et Capitant, Cours élémentaire de droit civil français, t. 2, nos 336 s. ; Planiol, Ripert et Esmein, Traité pratique de droit civil, t. 6, Les obligations, nos 641 s. ; Ripert et Boulanger, traité élémentaire de droit civil, t. 2, 1097 ; Bd Ai,Cours de droit civil positif français, t. 2, nos ; Jean Carbonnier, Droit civil, t. 2, Les biens et les obligations, nos 184 s. ; An, nos 1016 s. ; Mazeaud, nos 283 s. ; Rép. Civ., V°Responsabilité du fait d'autrui, par Au Bc, nos 195 s. ; Jurisclasseurs de la responsabilité civile, t. I. Fasc. IV, C ; René Demogue,Traité des obligations en général, VI, nos 881 s. ; R. Ap, la notion de préposé, thèse, poitiers, 1927 ; Aw An, le civilement responsable du fait d'autrui et les juridiction répressives, D.H. 1932, chon. P.105 ; J. Ar, Les rapports de commettant à préposé dans l'art. 1384 C. civ., thèse, Dijon, 1933 ; Bf, Essai d'une théorie générale de la responsabilité civile considérée en sa double fonction de garantie et de peine privée, thèse, Paris, 1947.
La juridiction de cassation exerce son contrôle sur la qualification de « commettant » et il appartient aux juges du fond de motiver, en fait, leur décision sur ce point (Arrêt n° 654 du 26 mai 1960, Rec. Crim. T.I. 287 ; Civ. 20 juill. 1955, J.C.P. 1956. II. 9052 et la note de M. Ax Ba, Gaz. Pal. 1955. 2. 298).
VII.- Sur le septième point : V. la note, premier point, sous l'arrêt n°732 du 3 nov. 1960.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P744
Date de la décision : 10/11/1960
Chambre pénale

Analyses

1° CASSATION - Instruction du pourvoi - Mémoire en défense tardif, écarté des débats.2° CASSATION - Moyen irrecevable - Moyen tendant à remettre en discussion les faits constatés par les juges du fond.3° CASSATION - Moyen irrecevable - Moyen de pur fait.4° ACTION CIVILE - Qualité pour agir- Victime remboursée, en vertu d'une assurance « tous risques », des dégâts subis par son véhicule - Action recevable. 5° DOMMAGES- INTERETS - Détermination de l'indemnité - Pouvoirs des juges du fond - Article 48 du Code de procédure criminelle de Tanger. 6° RESPONSABILITE CIVILE - Commettant - Constatations de fait justifiant le lien de commettant à préposé.7° CASSATION - Moyen irrecevable - Moyen nouveau.

1° Doit être écarté des débats le mémoire en défense qui a été déposé hors délai.2° les constatations de fait, non contradictoires entre elles, relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond et échappent au contrôle de la Cour suprême. 3° L'argumentation d'un demandeur, fondée sur l'existence de traces matérielles des véhicules, ne peut être examinée par le juge de cassation puisqu'elle ne soulève aucune question de droit . 4° La victime d'un accident, qui a été remboursée, en vertu d'une police d'assurance « tous risques », des dégâts subis par son véhicule, sous réserve de la décision à intervenir quant à la responsabilité de l'accident, a qualité pour se constituer partie civile contre l'auteur de cet accident, le remboursement découlant d'une convention privée qui ne saurait exonérer le prévenu de la responsabilité civile qu'il a encoure du fait d'infractions pénales. 5° En vertu des dispositions de l'article 48 du Code de procédure criminelle de Tanger, la juridiction répressive a une entière liberté pour apprécier la preuve de « tous les fait, qui peuvent, de près ou de loin, influencer l'existence de la culpabilité ou sa mesure ». En affirmant posséder les éléments d'appréciation suffisants pour évaluer le montant du préjudice subi par l'une des victimes et en faisant état de factures produites par une autre partie civile, le tribunal donne une base légale à sa décision. 6° Le tribunal, qui énonce que l'accident s'est produit au moment où le fils, mécanicien commandé par son père directeur et propriétaire du garage auquel la voiture avait été confiée aux fins de réparation, essayait cette voiture qu'il venait de réparer, justifie par ces constatations de fait sa décision déclarant le père civilement responsable de son mécanicien. 7° Le moyen nouveau, qui n'a pas été soumis à l'examen des juges du fond par des conclusions régulières, ne saurait être examiné par la Cour suprême.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1960-11-10;p744 ?
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