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16/03/1960 | MAROC | N°C133

Maroc | Maroc, Cour suprême, 16 mars 1960, C133


Texte (pseudonymisé)
133-59/60 16 mars 1960 1739
Ac Ae et autres c/ Af Ad et autres.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d appel de Rabat du 18 mars 1958.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué ;
Que le 13 septembre 1954, dans la nuit, se sont heurtés un camion «Chevrolet» conduit par Ah, appartenant à Nardonne, assuré à «l'Union» et une automobile légère assurée à la compagnie «L'Urbaine et La Seine», appartenant à la dame Payance, dans laquelle avaient pris place son mari

et Ab Ag, transporté bénévole ; que dans le choc, l'automobile légère a subi des dégât...

133-59/60 16 mars 1960 1739
Ac Ae et autres c/ Af Ad et autres.
Rejet du pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d appel de Rabat du 18 mars 1958.
La Cour,
SUR LE MOYEN UNIQUE
Attendu qu'il résulte du dossier de la procédure et des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué ;
Que le 13 septembre 1954, dans la nuit, se sont heurtés un camion «Chevrolet» conduit par Ah, appartenant à Nardonne, assuré à «l'Union» et une automobile légère assurée à la compagnie «L'Urbaine et La Seine», appartenant à la dame Payance, dans laquelle avaient pris place son mari et Ab Ag, transporté bénévole ; que dans le choc, l'automobile légère a subi des dégâts, et que dame Payance, son mari et le passager à titre gratuit Cellard ont été blessés ; qu'un jugement correctionnel confirmatif du 16 février 1956 statuant sur les poursuites exercées pour blessures par imprudence et infraction à la police du roulage contre la dame Payance et le conducteur du camion Chevrolet, les a relaxés au bénéfice du doute ; que Cellard a assigné en paiement de dommages-intérêts Nardonne et son assureur qui ont appelé en garantie la dame Payance, son assureur, et en tant que de besoin le sieur Payance ; que la dame Payance a actionné Nardonne et son assureur en dommages-intérêts pour le préjudice corporel et matériel qu'elle avait subi dans la collision ;
Attendu que vainement le pourvoi reproche à l'arrêt déféré d'avoir, en violation de l'article
88 du dahir des obligations et contrats, et en «dénaturant les faits», considéré que le dommage avait pour cause la collision entre les deux véhicules et soutient que le camion Nardonne n'avait joué qu'un rôle passif dans la réalisation du dommage allégué, cette circonstance étant démontrée ; qu'en effet la relaxe au bénéfice du dommages allégué, du doute interdit au juge civil de remettre en question ce qui a été définitivement résolu par le juge pénal soit quant à l'existence des faits qui ont constitué la base commune de l'action pénale et de l'action civile, soit quant à la participation à ces mêmes faits ; qu'en conséquence, s'agissant de deux véhicules en mouvement d'où nécessairement se déduisait la constatation d'une cause directe du dommage, la Cour d'appel a estimé à bon droit «que la juridiction civile ne saurait, sans se mettre en contradiction avec ce qui avait été jugé au pénal retenir une faute à la charge de dame Payance qui, sur les poursuites contre elle intentées des chefs de croisement défectueux et de blessures involontaires, a bénéficié d'une décision de relaxe» ;
Attendu, d'autre part qu'à Juste titre l'arrêt entrepris se fondant sur la circonstance que dans
la voiture légère de la dame Payance, Cellard était transporté bénévole, a considéré que Nardonne n'était pas recevable à prouver que l'accident causé par le camion dont il avait la garde était imputable à la faute de dame Payance et qu'il ne pouvait demander à celle-ci et à son assureur de le relever et garantir des condamnations prononcées au profit de Cellard ; que l'autorité absolue de la chose jugée au pénal y faisait obstacle ; qu'ainsi Nardonne devait seul dédommager Cellard du dommage causé à ce transporté bénévole ;
Attendu, pour ce qui à trait aux dommages matériels, qu'en principe chaque conducteur devait être déclaré responsable des dégâts causés à l'autre véhicule ; qu'il n'est pas soutenu dans les écritures du procès que dans le choc, le camion Chevrolet ait été endommagé qu'ainsi l'arrêt attaqué régulièrement motivé et qui n'est pas entaché de dénaturation, loin de violer le texte visé au moyen, en a fait au contraire une exacte application et a donné une base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le pourvoi.
Président: M Bahnini-Rapporteur: Mme C général: M XA B Aa, Bayssière.
Observations
I-La victime d'un accident de la circulation ne peut invoquer les dispositions de l'article 88
C obl contr contre le conducteur du véhicule dans le quel elle était transportée à titre bénévole ; elle ne peut obtenir réparation de son préjudice qu'en prouvant la faute de ce conducteur. C'est une application du principe général selon lequel le tiers qui participe gratuitement à l'usage d'une chose inanimée n'est pas protégé par la présomption de responsabilité pesant sur le gardien ; on a voulu fonder juridiquement cette règle purement jurisprudentielle sur l'acceptation des risques par la victime ou sur la renonciation tacite de cette dernière à invoquer la présomption, mais aucune de ces théories n'est pleinement satisfaisante et la règle ne se justifie que par l'équité (sur cette question v notamment Mazeaud, n 1273 et s).
Lorsque l'accident met en cause deux véhicules et qu'aucune faute n'a pu être établie contre l'un ou l'autre des conducteurs, dans quelles limites le passager transporté à titre gratuit pourra-t-il être dédommagé, et qui devra supporter la réparation de son préjudice? Par application du principe ci-dessus rappelé le transporteur bénévole ne doit rien avoir à payer, ni directement à la victime, ni par l'effet d'une action récursoire exercée par le gardien de l'autre véhicule. Mais reste à savoir si ce gardien doit réparer l'intégralité du préjudice subi par le passager ou si ce dernier doit en supporter une partie.
1'arrêt rapporté adopte la première solution Au contraire, par quelques arrêts récents, la Cour de cassation française a opté pour la seconde (Civ Il, 9 mars 1962, D 1962.625 note Savatier, J.C.P.1962.II 12728 note Esmein 21 déc1965, J.C.P 1966.11.14736, note N.Dejean de la Batie 20 janv 1966, B 86 20 oct 1966, J.C.P. 1966.II.14869. Sur cette question, v notamment: René Rodière, Rev trim dr civ 1965, p 129, n 11 ; 1966, p 303, n 13, et p 541, n 11).
II-A la différence de l'autorité de la chose jugée au civil, l'autorité de la chose jugée au pénal est d'ordre public et a effet a l'égard de tous. Cet effet s'étend et se limite à ce qui fait l'objet de la décision pénale et à ce qui en est la conséquence nécessaire. En l'espèce l'acquittement de la dame Payance et du chauffeur du camion du chef de blessures involontaires impliquait nécessairement qu'ils n'avaient commis aucune faute ; le juridiction civile ne pouvait donc, sur le fondement de l'article 78 C obl Contr, déclarer. Ces conducteurs responsables du dommage subi par la victime. Celle-ci était néanmoins en droit d'invoquer contre le gardien du camion les dispositions de l'article 88 du même Code puisque l'acquittement ne suffisait pas a établir qu'il avait tout le nécessaire pour éviter le dommage (v supra arrêt 82-59/60 du 26 janv 1960, n°75, notes III et Iv).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C133
Date de la décision : 16/03/1960
Chambre civile

Analyses

1°RESPONSABILITE CIVILE-Responsabilité du fait des choses-Transport gracieux- Collision de véhicule-Action récursoire.2°CHOSE JUGEE-Chose jugée au pénal-Autorité sur le civil-Acquittement.

1°Lorsqu'un passager transporté à titre bénévole dans une voiture automobile, et blessé au cours d'une collision entre cette voiture et un camion, demande réparation de son préjudice au gardien de ce camion sur le fondement de l'article 88 du Code des obligations et contrats, ce gardien n'est fondé à exercer une action récursoire contre le conducteur de l'automobile que s'il prouve que ce dernier a commis une faute.2°La juridiction civile ne peut retenir une faute à la charge du conducteur qui à été acquitté du chef de blessures involontaires par une décision irrévocable de la juridiction répressive.


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ma;cour.supreme;arret;1960-03-16;c133 ?
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